CHAPITRE 5

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       En m'approchant de cette petite bille, je remarque que c'est une créature aux énormes yeux verts émeraude et aux petites dents blanches. Elle est couverte de poils bruns rouille. J'essaie de la calmer car elle tremble toujours. Elle me fixe avec des gros yeux avant de se calmer dans mes bras. Je la berce durant quelques minutes avant qu'elle ne se mette à parler. C'est avec une petite voix qu'elle me déclare: « je m'appelle Bibble. Excusez-moi de vous avoir dérangée mademoiselle. Je voulais simplement déposer ce vase sur votre piano en guise de remerciement car c'est la première fois qu'une mélodie aussi divine en sort. Je l'ai malheureusement laissé tomber ». Je la regarde quelques instants sans rien dire car cette petite boule de poils m'intrigue. Pendant que je la fixais, une meute de petite boules semblables à la première m'entoure, toutes avec des yeux de couleurs différentes. Elles ne bronchent pas. Elles sont munies de petits bras avec des griffes inoffensives. Leurs jambes sont inexistantes car les poils les recouvrent. L'une d'elle s'écrie: « nous sommes des poilotouffes. Ravi de faire votre connaissance mademoiselle ».
      C'est curieux, j'ai l'impression d'avoir déjà croisé ces créatures quelque part. Elles continuent de me fixer avant de me déclarer en chœur: « nous sommes sous les ordres d'un grand maître très puissant qui vit au dessus de la montagne. Pour qu'il vous accepte parmi nous, vous devez vous rendre en haut du mont Touffi ». Mais voyons, m'exclamais-je, la montagne est très haute! Je n'y arriverai pas...
- Vous le devez mademoiselle! Sinon, le grand maître vous expulsera de votre palais tant rêvé.
- Je le veux bien, mais je ne suis pas équipée pour escalader cette montagne aux allures fières.
      Au même moment, Charlie m'envoie un message en me disant: « salu, nous devons faire un expausé ensemble. Mais ne t'inquiète pa, je sais me debrouller seul vu mon intelligence »! Quel texte rempli d'amphigouris! C'est alors que je perds patience et décide de partir rejoindre le grand maître perché sur le mont Touffi. Je m'habille d'une veste épaisse à la matière rugueuse. Des bottes fourrées me chauffent les pieds. Je sors par la baie vitrée qui reflète la montagne enneigée.
       J'avance péniblement car le vent souffle vers moi et me fait reculer. Quelques heures plus tard, j'arrive enfin au pied de la montagne. Je scrute l'horizon et remarque que la nuit tombe, comme si la lune voulait dévorer le ciel de sa blancheur. C'est ici que je décide de m'arrêter et de poser mon campement construit par les poilotouffes. Celui-ci est rangé dans un sac à dos. Il suffit d'appuyer sur un bouton pour qu'il se monte tout seul. Je m'endors paisiblement dans une fine chaleur que me procure la couverture étoilée qui brille dans l'obscurité.
       C'est alors que je me retrouve dans ce cachot toujours inondé par la pluie. Le miroir est à présent recouvert par un drap d'un blanc poussiéreux. Je m'en approche et enlève le drap qui répand ses particules grises sur le sol de marbre. Le miroir présente une fissure en son cœur. Je pousse un cri d'horreur en voyant Eliza au loin. Elle est prise en otage par deux grands hommes en blouses blanches. Elle tente de se débattre mais rien n'y fait. Avant que son visage ne disparaisse de mon champ de vision, j'entends une voix stridente crier: « Constanze »!!!! C'est alors que je comprends que Eliza est coincée avec les deux hommes. Je tente de rentrer dans l'époque de Mozart mais le miroir se ferme peu à peu en me laissant pour vue une couche de noir perçant. Je me cogne la tête contre le coin du miroir.
      C'est alors que je me réveille au pied du mont Touffi en me cognant à un stalactite. Ce rêve était-il réel? Je ne me pose pas plus de questions et continue la montée de la montagne après avoir rangé mon campement. L'aube se présente petit à petit en me léchant les joues d'une chaleur envoûtante. Le ciel est d'un rose saumon et d'un rouge feu. Au loin, le soleil se réveille tout doucement. Il ne semble pas pressé d'annoncer le jour. De l'autre côté, la lune s'endort paisiblement. Je me chausse de crampons pointus afin d'avoir plus facile pour escalader la montagne qui reflète mille et une couleurs. L'altitude me compresse les poumons et je peine à respirer normalement. Je décide donc de m'arrêter en haut d'un glacier plat. En haut, j'aperçois un bouquetin qui me regarde d'un air furieux. Il est muni de grandes cornes d'une transparence hyalin. Celui-ci continue de me regarder avant de s'exclamer: « ce n'est pas un lieu pour toi jeune fille. Ici, tu n'es pas en sécurité. Va t'en et vite »! Décidément, plus j'avance dans ce monde et plus il est étrange. C'est alors qu'une réminiscence refait surface. J'ai cette impression d'avoir déjà rêvé de cette créature...ceci est fort accommodant. Je passe outre de cela et m'exclame:
- Pourquoi donc cela? Je souhaite uniquement parler au grand maître du Mont Touffi.
- Le grand maître n'est pas en mesure de recevoir une fillette dans ton genre!
- Que tu le veuilles ou non, je continuerai mon expédition!
- Comme tu voudras! Mais souviens toi de ce que je viens de te dire...
      Cet animal commençait sérieusement à me taper sur le système! Je reprends donc la course au milieu de cette montagne thébaïde. Le froid me gagne en arrivant sur l'herbe encore remplie d'aiguail. Que fait donc la végétation sur ce mont sec? Au loin, j'aperçois un éclat de couleurs vives. Je m'en accoste et remarque une bague d'un rouge vermeil ornée de cristaux multicolores. Je décide de la prendre en main. Au même moment, un chant semblable à celui des sirènes retentit à l'horizon. L'horizon devient de plus en plus caligineux au fur et à mesure que j'essaie d'atteindre ce chant féerique. C'est après quelques minutes que j'arrive devant un lac à l'étendue infinie. L'eau reflète une couleur céruléenne. Le chant, quant à lui, s'évapore de plus en plus pour finir par disparaître. C'est alors qu'une petite cabane biscornue s'ajuste devant moi. J'ouvre la porte difforme. A l'intérieur de cette maisonnée, se trouve maintes pièces. Elle parait plus grande de l'intérieur qu'à l'extérieur. Elle est faite entièrement de bois. Un tapis d'un jaune auréolien se dépose sur le parquet. Cette fois-ci, pas de cheminée mais un poêle à bois. Je décide de monter à l'étage.
      Là haut, se trouve plusieurs portes d'un bois vernis. J'ouvre une des portes et une fenêtre ouverte apparaît. Je passe ma tête et remarque que des petites vagues se forment à la surface de l'eau. Je descends l'escalier à la hâte. En sortant de la maisonnée, les petites vagues avaient déjà cessé. Dans la poche de ma veste, je trouve des débris de biscuits mous. Je les jette dans l'eau. En une fraction de seconde, les miettes ne sont plus là. C'est alors qu'une créature marine surgit de l'eau. Cet animal est mi-humain. Cela ressemble fortement à une sirène mais elle est dépourvue de queue pour nager. A la place, d'immenses volants de gris Perle, un corps de rêve ainsi qu'une chevelure épaisse vert amande. Ses yeux sont d'un bleu étincelant. Au bout de ses doigts, je distingue une naissance de nageoire. C'est alors qu'elle me déclare: « je me surnomme Armonie. En quoi puis je t'aider »?
- Je cherche le grand maître du mont Touffi dis-je avec une voix balbutiante d'étonnement ».
- Il se trouve encore à plusieurs centaines de kilomètres. Tu as déjà parcouru beaucoup de chemin. Veux-tu rester dans la maisonnée pour cette nuit?
- Avec plaisir! Je reprendrai la route à 7h demain matin.
      La nuit s'abat sur nous en peu de temps. Je suis éclairée par une simple bougie au parfum délicieusement vanillé. Je m'endors facilement car mes paupières sont lourdes de fatigue.

La pierre des ténèbres Où les histoires vivent. Découvrez maintenant