Jour 10, 14h12, assise à même le sol dans ma "chambre"

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Écrire dans ce journal me fait vraiment du bien. Ça me permet de décharger toutes mes émotions et d'être un peu moi-même. Au quotidien, je me dois de parler comme une princesse. Ce doit être élégant, distingué, il faut toujours faire attention à ce que l'on dit et comment on le dit. Même en tant Sheik, je parlais toujours en longues figures de styles belles et gracieuses. Et même avec Ganondorf, je parle comme une princesse. Bon, c'est peut-être parce que j'ai envie de lui montrer qu'une souveraine ne perd jamais ses moyens et peut rester élégante en toute circonstance.

Évidement c'est faux. Il n'aurait qu'à lire ces quelques pages pour s'en rendre compte.

En fait, à force de m'être entrainée pendant mon enfance, c'est devenu naturel. On m'a appris que tout le monde écoute toujours ce que dit une princesse, et que la moindre erreur peut être source de diverses ragots. En conséquence, il faut toujours bien parler et se contenir. Mais ce n'est sûrement pas comme ça que j'arrive à décrire toutes mes pensées, et je ne peux jamais dire ce que je pense réellement. Ce journal au contraire, personne ne le lira jamais. Je peux m'y exprimer comme je veux. Si je veux y être vulgaire, je le peux. Personne ne sera là pour me juger. Ça fait du bien des fois, de parler comme je le souhaite. Ça change de mon quotidien.

Je me demande d'ailleurs si quand Link viendra me sauver, je ne devrais pas garder ce journal avec moi, ou sinon en commencer un autre. Peut-être que ça pourrait m'aider à rester sereine quand je gouvernerais, puisqu'à tout moment je pourrais m'y défouler.
Je ne veux surtout pas finir comme mon père... Je me souviens encore des soirs où il s'énervait tout seul. Il lui arrivait parfois des sortes de crises, qui étaient dues à la surcharge de travail. Et s'énerver contre tout et n'importe quoi était son seul moyen de se défouler un peu. Pour cette raison, les domestiques avaient peur de lui. Tout le monde avait peur de lui. Même moi, quand j'étais plus jeune, il m'effrayait avec ses crises. A force j'ai fini par m'habituer. Et de toute façon ce n'était pas comme si je le voyais tous les jours

Mon père, le roi, était un homme très occupé. Voir trop. Je le voyais tellement peu souvent que quand j'étais plus jeune, il m'arrivait d'oublier son visage et de ne plus le reconnaitre. Mais ça ne lui faisait rien. En fait, ce que je devenais lui était égal. Lui, tout ce qu'il voulait, c'était étendre le plus possible son territoire.
C'est pour ça qu'a eu lieu la guerre d'unification d'Hyrule. C'est mon père qui l'a voulu, à l'époque jeune homme, juste pour avoir une plus grande influence. Ces terres supplémentaires lui ont bien évidement apporté leur lot de problèmes, avec deux fois plus de responsabilités. C'est à cause de ça qu'il est devenu facilement irritable. S'il avait su rester à sa place, tout le monde aurait eu une vie bien meilleure au château, sans ses crises.

Je crois aussi que le surplus de travail avait fini par atteindre son mental – en plus de son âge avancé. Vers la fin de sa vie, il n'était plus très net. Mais même avec un début de folie, il a su faire passer son désir de pouvoir avant tout.
Alors vous imaginer bien qu'avec une telle personnalité, quand Ganondorf s'est présenté à lui pour lui jurer allégeance, ça lui a fait du bien à son ego. Il n'a pas été assez vigilant – ou ne pouvait plus l'être. Je l'avais prévenu, mais, obnubilé pour sa soif de pouvoir, et sans doute aveuglé par la folie, il ne m'a pas écouté.

Ça lui a couté la vie.

S'il avait eu ma mère la Reine pour l'aider, il aurait été moins stressé, moins occupé, et j'aurais pu passer plus de temps avec lui sans en avoir peur. Mais surtout il ne serait pas devenu fou, aurait écouté ses conseils, et rien de tout cela ne serait arrivé.

Enfin... ce ne sert à rien de penser à tout cela. On ne peut changer le passé. De toute façon, même s'il était encore en vie, mon père n'aurait jamais pu continuer à gouverner normalement. Son état était déjà grave, et tout aurait empiré.

Et puis, ce n'est pas comme si je souhaitais qu'il revienne. Je n'ai pas souhaité sa mort non plus, maisil est loin de me manquer.

Après tout, il était comme un parfait inconnu pour moi.

Journal d'une princesse prisonnièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant