Day 1 - 9h00

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9h00

Les cours commencent généralement à 8h45 mais, étant donné qu'il s'agit du premier jour de l'année, il a fallu aux élèves un peu de temps pour récupérer leurs emplois du temps et, comme l'exige la tradition de BH, assigner à chaque nouvel élève un « mentor » chargé de lui faire découvrir le lycée. Personne pour Beth et Jules, qui n'ont d'ailleurs que deux cours en commun cette année : biologie et physique/chimie. C'est après avoir dit au revoir à celle-ci que Beth entre dans la salle de Mme Fawcett –professeure réputée d'anglais, présente depuis une éternité, autant dire une antiquité. B. la connait bien, elle l'a eue l'année dernière. Elle la salue rapidement avant de gagner sa place habituelle, rangée de droite, près de la fenêtre, ni trop proche du bureau, ni trop éloignée –une position stratégique qu'Annabeth occupe dans chacun de ses cours. Vous savez ? Cette place où l'on peut à la fois être à l'abri professeur sans pour autant être perturbé par les cancres du fond de la classe. Proche de la fenêtre quand il fait chaud et près du radiateur quand il faut justement se réchauffer. Beth se félicite encore de cette décision quand un sac, négligemment lancé, heurte la table voisine. Elle sursaute violemment et renverse le contenu de sa trousse, qu'elle s'empresse évidemment de ramasser.

« - Deuxième fois qu'on essaye de te tuer aujourd'hui ? T'aurais pu me prévenir que t'attirais autant le danger, je tiens plutôt pas mal à ma vie ces jours-ci. »

« - Que veux-tu, le danger m'apprécie au point de ne plus me laisser une seconde de répit. » répond-elle sans lever la tête de ses stylos.

« - Je tâcherai de m'en souvenir, mais je ne suis pas contre un peu de piment dans ma vie à vrai dire. Je prendrai donc le risque : la table est libre Danger ? »

Annabeth lâche un « oui » indifférent, toujours focalisée sur ses stylos éparpillés tout autours d'elle. A quatre pattes sous sa table, elle ne s'intéresse guère à son interlocuteur –surtout que c'est de sa faute si elle s'est retrouvée dans cette situation.

« - Re-bonjour sinon, on s'est déjà brièvement rencontrés un peu plus tôt. Je suis Carter. »

Elle n'en revient pas –si bien qu'elle se cogne l'arrière du crâne contre sa table en se relevant. A genoux, une main massant sa tête endolorie et l'autre s'empressant de serrer celle que lui tend Carter.

« - Annabeth Waters, mais mes amis m'appellent plutôt Beth ou Anna. » bégaye-t-elle, lui tenant toujours maladroitement la main; un contact qui lui procure une sensation de chaleur dans tout son avant-bras.

Il lui lâche finalement la main pour la passer dans ses cheveux puis s'assoir nonchalamment sur la chaise voisine.  

« - Vraiment désolé d'ailleurs... Pour tout à l'heure, la voiture, Liam ? » ajoute-t-il face à l'incompréhension lisible sur le visage de Beth.

« -Ah oui, ça... Plus de peur que de mal. Grâce à toi. Merci beaucoup. Je...

- Commencez bien ce semestre en cessant vos bavardages, je vous prie. Ça vaut pour vous égalementM. Hudson et Miss Waters. » la coupe Mme Fawcett.

Beth rougit quand les yeux de ses camarades se tournent vers eux. Elle s'empresse de s'assoir face à la professeure et sort l'intégralité de ses affaires, sans pour autant laisser son esprit s'éloigner de cet échange avec Carter. Elle sourit silencieusement en repensant à cette poignée de main, aussi gênante soit-elle.

Le reste du cours semble se dérouler sans encombre, débutant par la présentation du programme par Mme Fawcett. Cette-dernière est sans aucun doute la parfaite représentation de l'idée que l'on se fait d'une professeure d'anglais –c'est certes cliché mais ça n'en est pas moins vrai. La soixantaine, les cheveux grisonnant, foncièrement gentille mais tellement amoureuse de son travail que rien ne l'exaspère plus que le manque d'intérêt ou d'investissement de la part de ses élèves –ce qui résulte bien souvent en une indifférence des plus profondes ou alors en une ribambelle de retenues. Vous ne la verrez que très rarement sourire mais, si vous allez voir au-delà de cette apparente méchanceté, vous réaliserez qu'il s'agit probablement de la meilleure enseignante que Burton ait jamais connue.

« - La majeure partie de votre note pour ce semestre reposera sur un projet à réaliser, en groupe, d'ici la fin du mois de décembre. Il portera sur une oeuvre de votre choix, mais qui devra répondre à un certain nombre de critères. Le sujet devra être un roman et porter ou faire référence à un lieu, un endroit précis. Laissez libre cours à votre imagination, ça peut être un bâtiment, un parc, une rue, une ville ou encore un pays. J'attends de vous que vous fassiez des recherches non seulement sur l'oeuvre et son auteur, mais aussi sur le lieu en question. C'est assez clair ? »

La classe hoche la tête en guise de réponse, plus pour faire plaisir à la professeure que par réel intérêt pour ce qu'elle vient de dire. Beth, elle, bien que préoccupée par l'identité de son voisin, songe déjà aux oeuvres qu'elle pourrait choisir. La ville de New-York la fascine, peut-être pourrait-elle choisir L'Attrape-coeurs de J. D. Salinger ou Gatsby le magnifique de F. S. Fitzgerald...

« Parfait. Merci de me donner l'opportunité de contempler tant d'enthousiasme. Peut-être que cette seconde consigne vous intéressera plus. J'ai l'habitude de côtoyer de jeunes gens comme vous et je connais vos habitudes concernant les travaux de groupe. Vous choisissez de vous associer à vos meilleurs amis, vous passez des après-midis à vous amuser et vous vous y mettez à la dernière minute. La majorité d'entre vous ne travaille que sous la pression, la mienne ou celle de vos camarades. C'est pourquoi j'ai décidé de choisir les groupes, principalement des binômes, à votre place. Je vous conseille de bien observer la personne assise à côté de vous aujourd'hui, car c'est avec ce jeune homme ou cette jeune fille que vous devrez travailler pendant ce semestre. »

Annabeth est là, son corps est bien enfoncé dans sa chaise et ses mains sont bel et bien posées à plat sur la table froide, mais son esprit, lui, est ailleurs. Elle reste comme muette face à cette annonce et n'ose pas regarder son nouveau partenaire, incapable de digérer cette information. Carter touche son épaule, l'air de dire « Eh, t'es coincée avec moi Danger. Prépare-toi à me voir très, très, très souvent. » —et le pire, c'est qu'elle ignore encore si elle doit s'en réjouir ou non. Seule la cloche, sonnant 9h35, finit par la sortir de ses pensées. Ça, et le fait que Carter se dresse face à elle, bien décidé à lui parler.

« - Alors, partenaire, prête à rendre le devoir de ta vie ? »

Ils marchent tous deux vers la sortie de la salle et s'arrêtent un instant dans le couloir.

« - On essaye de se voir dans la semaine ? On a cours je crois...mercredi. » dit Carter, inspectant son emploi du temps.

« - Oui, c'est ça, mercredi. Les deux premières heures.

- D'ici là, on essaye de réfléchir à des sujets ?

- Euh, c'est que...euh, je risque d'être un peu trop occupée pour trouver ça d'ici mercredi.

- Premier jour et tu es déjà trop demandée ? » demande-t-il en riant.

Et quel rire ! Chaleureux, rassurant, Annabeth se sent bercée par ce son merveilleux. Si elle ignore le temps qu'elle pourra consacrer à leur projet, c'est parce qu'elle pense toujours à sa soirée. Celle qui, en théorie, doit se dérouler chez Jules ce soir. Celle qu'Abby ne les laissera surement pas organiser. Et pourtant, c'est le moment. C'est sa chance. Elle peut le faire, maintenant. Elle peut inviter Carter. Alors que seuls les mots « ce »,  « soir » et « soirée » sont parvenus à franchir la barrière de ses lèvres, Beth est interrompue.

Hope.

Hope et sa bande se sont invités entre Annabeth et Carter. Il lui semble désormais si loin, comme si la réalité avait décidé de la rattraper et de lui enfoncer son coude dans les côtes.

« Tu disais ? » lâche Carter.

C'est. Sa. Chance. Et Annabeth se lance. Sa bouche déverse un flot spectaculaire de paroles, si bien qu'elle craint d'y noyer son auditoire. Sauf qu'en réalité, c'est elle qui se noie. Dans son élan, à la fois excitée et effrayée par la situation, Annabeth oublie qu'Abby n'a pas dit oui. Elle oublie aussi que la soirée ne peut pas se dérouler à Brooklyn. Jules avait raison sur ce point; Hope, Carter et les autres ne prendront sûrement pas la peine de traverser New-York.

Alors que fait Beth ?

« - C'est ce soir, chez moi. 15 Central Park West, vers Lincoln Square, Upper West Side. Venez vers 21h. »

Voilà ce que fait Beth.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 01, 2018 ⏰

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