Il était déjà tard. Les étoiles s'étaient allumées dans la nuit bleue comme les feux dans les coeurs. L'air était chaud, lourd de phéromones, brûlant de désir, dans le gymnase. Tant d'adolescents rassemblés dans un même endroit, ça puait la transpiration, l'envie, la passion, la vie. On dansait pas vraiment à vrai dire, on sautillait en rythme. De l'alcool passé en secret dans les mains, tous les élèves semblaient se chercher alors qu'ils étaient collés, dans un magma visqueux de salive, de gestes encore expérimentaux, de tentatives maladroites.
Leurs regards se croisèrent pour la millième fois de la soirée. Peut-être qu'elles ne s'étaient jamais lâchées en réalité. Elles ne s'étaient jamais vraiment parlées, jamais vraiment touchées, jamais vraiment vues comme ce soir là. Pourtant, cette nuit, c'était limpide, ça leur semblait une évidence. Elles étaient faites pour s'appartenir.
Léa se leva lentement de la chaise où elle s'était laissée tomber. Un prétexte jeté en vitesse à ses amies, elle sortit dans la fraîcheur de la nuit, le vent qui fouettait les branches soulevait légèrement sa jupe. Il y avait peu de monde mais elle s'arrengea pour s'isoler encore un peu, sur un banc, près des buissons qui se fondaient entre eux. Son regard se perdit dans le verre vide qu'elle tenait entre ses doigts un peu tremblants. Elle lissa du plat de la main sa robe alors que l'attente lui paraissait déjà insupportable. Elle s'était peut-être fait des films après tout ? Oui, peut-être qu'elle avait rêvé lorsqu'elle avait cru croiser son regard quand elle sortait et lorsqu'elle avait pensé voir ce discret hochement de tête, ce mouvement silencieux, à peine perceptible qui ne pouvait signifier qu'une chose. " J'arrive " .
Et, alors qu'elle commençait à ne plus y croire, elle vit sa silhouette se faufiler dehors. Droite, fière, confiante, comme toujours, elle se dirigeait vers elle, de son pas chaloupé, de sa démarche de danseuse, dans cette robe qui la mettait beaucoup trop en valeur pour que l'autre fille puisse seulement penser à la lâcher des yeux. Pourtant, Léa savait qu'elle aurait dû. Qu'elle aurait dû baisser ses prunelles qu'elle savait brûlantes, mais elle ne pouvait songer à abandonner cette vision, elle était tout simplement hypnotisée, hypnotisée par elle, par ses yeux bruns qui cherchaient les siens et qu'elle évitait soigneusement, par sa bouche qui ne s'étirait en un demi-sourire, par ses cheveux blonds qui ondulaient sur ses épaules dénudées.
Elle sentit sa timidité revenir d'un coup et ses joues chauffer, en priant pour que l'obscurité les cachent un minimum.
Margaux s'assit à ses côtés. Sans un mot, elle s'assit simplement. Elle s'assit parce que ça lui semblait naturel d'être assise à côté de cette fille qui devait être sienne, parce que c'était simplement ainsi. Parce que, parfois, elle croyait que les choses arrivaient parce qu'elles devaient arriver. Léa tremblait un peu. Elle devait avoir peur...Froid...les deux. Margaux lui tendit son verre. La jeune femme la regarda, longuement, alors qu'elles prenaient toutes les deux conscience que tout venait de commencer, que tout allait s'enchaîner, comme son rire quand elle accepta le verre et puis ces phrases vides - " Ça te va bien cette robe,t'es belle " Belle ? Bien sûr qu'elle n'était pas belle. Elle était superbe, incroyable, une apparition, une déesse, une étoile tombée sur terre, tellement plus brillante que celles des cieux - qu'elles se dirent quelque temps , avant de passer aux confidences, aux sourires, aux longs regards, aux questions sans réponses, aux blagues à demi-formulées mais auxquelles on rit tout de même puisqu'il y a la nuit, et puisqu'elle est là et que tout ne peut qu'être parfait quand elles sont ensemble. Ça les frappe d'un coup et elles se demandent comment elles ont pu passer à côté de ça pendant si longtemps. Ce bonheur, cette sensation d'être soi-même, d'exister, enfin. Elles prient pour que ce moment dure toujours, et déjà, les heures ont passées et leurs mains ont cette envie, ce besoin de toucher l'autre, de la sentir, de savoir qu'elle est vraiment là, aussi belle que peut l'être une fille amoureuse.
Et puis, maintenant ? Maintenant tout semblait d'une évidence délicieuse puisque c'était forcément elle, puisque elles étaient faites pour être ensemble et d'ailleurs, leurs mains s'emboitaient parfaitement et leurs coeurs battaient avec le même rythme effréné, lorsqu'elles se penchèrent l'une vers l'autre avec cette lenteur similaire, comme accordées l'une à l'autre alors que leurs lèvres se touchaient déjà. C'était doux, c'était beau, c'était plein, plein de choses pas encore dites, plein de promesses, plein d'une histoire à venir, plein d'envie à peine avouée mais qu'elles savaient présente. Elles étaient apaisées maintenant, malgré les battements désordonnés de leurs coeurs alors qu'elles mouvaient lentement leurs bouches, les doigts cherchant une joue, une nuque, des cheveux. Leurs souffles deviennent plus ératiques, des étincelles auparavant inconnues s'allument derrière leurs paupières qu'elles ont closes pour mieux se concentrer sur ces sensations merveilleuses et là, là c'est tellement magnifique putain. Putain oui, putain. Ça les fait exploser, imploser, leurs coeurs, leurs esprits, leurs corps, tout explose, tout meurt et renaît en même temps. Elles ont des poèmes en images dans la tête, des débuts de conte de fées dans l'âme et des frissons sur la peau mais le seul mot qu'elles sont capables de penser c'est " putain" . Putain parce que, oui, putain c'était là, c'était ça. C'était le sentiment qu'elles avaient cherché depuis si longtemps, qu'elles avaient cru avoir et qu'elles venaient de trouver avec l'autre. Putain parce qu'il fallait surtout pas que ça se finisse. Putain parce que c'était pas le froid qui les faisaient trembler. Putain parce que, aujourd'hui, pour la première fois, elles étaient amoureuses. Et parce que c'était tellement bon, tellement irréel, tellement incroyable, tellement romantique, tellement dingue, tellement Elle, tellement beau qu'elles peuvent plus réfléchir, que leur cerveau est même plus capable de formuler une phrase correcte. Alors oui, " putain ". Putain à la peur, aux moqueries, aux jugements, aux questions. Putain aux parents, aux amis, aux profs. Plus rien ne comptait tant que l'autre était là. Putain, oui, qu'est ce que c'était beau.
Je t'aime.
Cette idée se forme peu à peu dans leurs esprits. Elles la rejette pour le moment. Elles le savent bien de toute façon. Le dire, maintenant, ça serait briser le baiser qui le disait pour elles. Tant pis. Ce serait pour plus tard. Pourquoi s'en soucier de toute façon.
Puisqu'elles s'aimaient déjà.
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OS d'Amour
RomanceCe recueil d'OS comportera autant de choses que j'ai vécu, de fanfictions, de yuri, de yaoi, des histoires hétéros, d'histoires tristes, joyeuses, romantiques, lemon ect...Un seul mot d'ordre : l'Amour.