Nouvelle

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L'envie de revoir Ivy et de réaliser qu'elle est bien dans le coma m'a bouffé toute la nuit. J'ai dormi à peine 3 heures.
J'ai pensé, allongé sur le dos fixant le plafond noir, aux raisons pour lesquelles ça me travaille autant.
Déjà quand je suis resté après l'avoir croisée et que mes amis m'ont reproché de les laisser, je ne comprenais pas moi même pourquoi je voulais la revoir. Ensuite l'ambiance qui règne dès que je suis proche d'elle, elle semblait fragile mais forte à la fois. J'avais envie de la protéger, de la faire sourire, qu'elle me lance des pics mais qu'elle ne regarde que moi. L'impression d'être dans un autre monde.
Et quand elle m'a demandé si je croyais au coup de foudre... J'aurais du lui dire ce que je pensais vraiment, j'aurais du l'embrasser. Mais non, elle est tellement impressionnante, sensible et même si elle n'est pas mannequin, elle est pour moi la plus belle.
J'ai envie de me frapper le crâne contre le sol.
J'ai tellement mal agi, j'ai même voulu partir... Quel crétin!

J'arrive devant l'hôpital, Lucy attend devant. Je m'empresse de la rejoindre, mon casque à la main.

-Vous m'attendiez ? Imaginez que je ne sois pas venu, jusqu'a quand seriez vous restez dans le froid?

-Ne t'énerve pas. Je savais que tu viendrais.

Elle me sourit et je sais d'où viennent les fossettes qu'à Ivy.
Je souffle pour exprimer mon mécontentement et rentre dans le hall à la suite de Lucy.
J'ai toujours détesté les hôpitaux. C'est lugubre, tu attrapes plus de microbes que tu n'en avais à ton arrivée et l'attente est toujours infernale.

Une boule de stress se forme dans mon ventre. J'ai peur de la voir affaiblie, malade ou pire encore.
Lucy demande si un certain médecin est présent dans la chambre.
Je n'entends pas la réponse et suis Lucy dans l'ascenseur.
Elle m'explique qu'elle vient tous les mercredis pour garder contact avec le corps de sa fille mais qu'Ivy a toujours cru que c'était pour que sa mère fasse une prise du sang.

On arrive au troisième étage, au service de médecine générale. Lucy voit mon incompréhension.

-Ils ne pouvaient pas la garder en service de réa, alors ils l'ont mis là où il y a de la place.

On atteint enfin la porte 341, au bout du couloir. La chambre est la plus éloignée des escaliers ou des services principaux, comme oubliée.
Lucy pousse la porte et les bips constants du monitoring parviennent à mes oreilles. Comme toutes les chambres d'hôpitaux, la pièce est sobre, propre et épurée. Je ne vois pas le lit, la chambre n'étant que derrière la salle de bain. Alors que que sa mère rentre dans la salle, j'appréhende de voir Ivy. Si jamais elle ne m'apparaîtrait plus jamais, le dernier souvenir que j'aurais d'elle sera un corps dans un lit d'hôpital.
Mon corps est tiraillé par mon coeur qui veut la voir et mon esprit qui pense aux conséquences. Je suis comme coincé par un mur invisible. Mon indécision m'exaspère. T'es un mec ou pas? Si Ivy était là, elle se moquerait de toi.

Je prends mon courage à deux mains, avance d'un pas, mais je me fais interpeller.

-Excusez moi? Êtes vous de la famille?

Je me tourne vers le couloir, un médecin en blouse blanche m'approche à grand pas.

-Euh... Non. Mais je ne suis pas venu seul.

Pile au bon moment, Lucy apparaît.

-Il est avec moi, ne vous en faites pas.

Le médecin semble rassuré. Il sourit et se place devant moi. Il fronce les sourcils et doucement, annonce.

-Je devais justement vous parlez.

-Il est arrivé quelque chose?

-C'est assez confus pour le moment. Comme vous venez tous les mercredis, j'ai préféré attendre pour ne pas vous affoler.

Je regarde Lucy, elle est pâle et semble sur le point de s'écrouler d'angoisse. Je la guide doucement vers une banquette et la fait s'asseoir. Le médecin reprend.

- Dimanche, son état s'est dégradé. J'ai donc passé la journée à la faire surveiller. Lundi, vers 15h votre fille a émis un son et ses constantes vitales ont augmenté. Il y a eu concrètement une augmentation du rythme cardiaque, sa tension est montée et elle a repris des couleurs, une amélioration donc. Mais vers 17h, alors qu'elle montrait des signes d'éveil, son coeur s'est arrêté.

Je vois Lucy hoquetter et des larmes lui montent aux yeux. Je lui frotte doucement le dos.
Réticent à faire pleurer une femme, le médecin attend un peu.

-On a réussi à la ramener. Et depuis, son coma semble moins profond. Il y a de grandes chances qu'elle réagisse à ce qui l'entoure. J'ai de grands espoirs pour le cas d'Ivy. Vous avez bien fait de la garder en vie.

Alors que ses larmes mouillent son visage marqué par la fatigue, Lucy réussit à demander .

-Quand va t-elle se réveiller?

-Nous n'en savons rien, mais le plus de stimulations extérieures sont recommandées. Venez tous les jours lui parler.

-Tous les jours? Mais je travaille, je ne pourrai jamais! Oh... Ma pauvre chérie. Comment vais je faire!?

-Les infirmières peuvent ...

Une pulsion soudaine me prend.

-Laissez moi le faire. Je suis libre tous les jours. Je peux rester avec elle.

Lucy me regarde avec de grands yeux et l'homme en blouse blanche s'offusque .

-Mais qui êtes vous? Cette patiente est là depuis. ..

-Je te remercie.

Je regarde Lucy qui vient de parler.

-Si tu peux veiller Ivy tous les jours, si ça ne te dérange pas, merci, sincèrement merci.

invisibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant