Retrouvailles

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Ça ne sert à rien. Je pose ma main sur son bras et lui fait un petit sourire.

-Te fatigue pas. C'est pour ça que je suis toute seule. Merci d'être venu à ma rencontre. Salut.

-C'est pour ça que...? Attends!

Ça ne sert à rien d'attendre. S'il fait un road trip, il peut très bien habiter à Chicago, ou Los Angeles, ou Lima.  Tellement de possibilités. Pire,  au Canada.  Remarque il n'a pas l'accent. Je ramasse mon vélo, lui fais un petit signe de la main et pars sur la route sombre, en écoutant les moqueries de ses amis.
Abandonner le seul homme qui me voit et me sent, est douloureux mais je ne serais qu'une nuisance. Alors ça vaut mieux.
Sur le chemin du retour, mon esprit est vide. En entrant dans la maison, vide, une mélancolie s'empare de moi et me plonge dans un coma dépressif,  allongée dans le canapé devant ce qui passe toujours à la télé, à cette heure. 
Triste fin.

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Le weekend est fini, lundi a commencé depuis exactement 13 heures et je sors tout juste de l'état  "pilote automatique" dans lequel mon cerveau était plongé pendant tout le weekend.
Le lundi est le jour qui me rappelle le plus ma situation. Le matin, dans l'amphi, chaque groupe doit présenter le travail qu'il a réalisé durant la semaine précédente, et  chaque lundi matin, je rumine dans mon coin sur mon travail que j'ai fait seule, et que je ne peux pas présenter.
Et l'après midi, c'est les activités scolaires, auquelles je ne participe pas. Mon état d'esprit n'étant pas à la positive attitude, je décide de sortir du bâtiment principal et m'asseois sur les marches de l'entrée du campus. Les gens me passent devant, leurs regards ne se posent pas sur moi, à aucun moment. Je clame, ironique.

-Je devrais essayer de sortir nue un jour, juste pour voir qui me voit!

-Préviens moi ce jour la, que je sois dans les parages pour voir ça.

Je me retourne et vois Zach, accroupi derrière moi qui me sourit. Dans une romance à l'eau de rose, on aurait pu dire qu'il ressemblait à un ange. Un  hoquet me prend et je fonds en pleurs. Pourquoi je pleure moi? Dites à mon coeur d'arrêter de battre à cent à l'heure.
Il rigole et m'enveloppe de ses bras. Je suis mal à l'aise. Il va avoir l'air idiot à serrer un être invisible aux autres. Je zieute la réaction des personnes aux alentours mais personne ne semble choqué qu'un garçon fasse un câlin au vide. Je me concentre alors sur la sensation d'être entre ses bras. Les endroits où il me touche, malgré les vêtements, chauffent. Logique, on va me dire. 

-Tu n'as pas cours?

Je souris, amère.

-Si, mais je suis pas d'humeur.

Il rigole.

-On dirait moi quand je fréquentais encore ce genre d'institution.

-Tu as quel âge en fait?

-Ça te dit qu'on en discute ailleurs que dans des escaliers?

Je souris.

-Si. Avez vous un lieu qui vous tienne à coeur , Monsieur ?

- Vous verrez bien, Madame.

Il me tend la main et comme lors de notre première rencontre, je joins la mienne à la sienne, et un courant me traverse. Je n'arrive pas à m'expliquer l'aisance que j'ai avec lui, il me met en confiance et j'ai l'impression de le connaître depuis toujours.
Il me tire un peu plus bas, au pied de l'escalier,  où sa moto stationne. Il faut que je lui demande pourquoi il est encore là. Son road trip ne durait qu'un weekend, enfin, d'après ce qu'il m'a dit. Il me tend un casque et grimpe sur son bolide. Je lui montre le casque noir que je tiens et clame ironiquement.

invisibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant