Chapitre 3

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Des chevaliers en cape rouge s'étaient rassemblés autour de la créature de pierre armes aux poings. Ils lui assénaient des coups d'épées qui ripaient sur la pierre et restaient sans effet. La gargouille les toisait avec un vilain rictus tout en bondissant sur eux.

Arthur resserra sa poigne autour de son épée, un regard noir posé sur son valet.

- Arrête immédiatement cette créature, ordonna-t-il du ton le plus écœuré que Merlin ait jamais entendu.

- M-Mais... balbutia-t-il. C-Ça n'est pas moi !

- Vraiment ? fit Arthur peu convaincu. Il y a deux minutes tu disais être sorcier, tu as voulu me le prouver et cette gargouille a pris vie. Quelle drôle de coïncidence !

- J-Je... J-Je... protesta le servant qui ne savait plus que faire.

- Enfin monseigneur ! s'exclama Lancelot qui avait l'épée au clair, prêt à se jeter dans la bataille. Vous ne pouvez pas imaginer une seconde que Merlin ait invoqué ce monstre !

- Non, Lancelot, confirma Arthur, je ne le crois pas.

Merlin sentit son cœur battre à nouveau. Le roi le regardait avec un sourire narquois.

- Mais je voulais lui faire comprendre l'idiotie de son mensonge et ses conséquences, ajouta-t-il avant de rejoindre Lancelot qui allait affronter la Gargouille.

Merlin les observa s'éloigner. Il avait encore les mains moites de peur. Pendant une seconde, il avait cru qu'Arthur le transpercerait de sa lame. Il reprit ses esprits. Il devait se concentrer pour protéger Arthur de cette gargouille. A l'instant où il eut cette pensée, une seconde créature, perchée sur le haut du château, prit soudainement vie. Puis une troisième, une quatrième, et bientôt la ville en fut remplie. Des cris, des flammes, des gens qui courraient pour s'abriter dans la citadelle. D'où pouvaient-elles venir ? Qui donc les invoquaient ? Merlin sentait un puissant pouvoir à l'oeuvre. Immense... Qu'il avait déjà ressenti autrefois.

- S-Sigan ?! murmura-t-il entre ses dents en apercevant une silhouette cachée dans la pénombre, non loin de là.

Oui, c'était bien son pouvoir. Mais, comment était-ce possible ? La dernière fois que Merlin l'avait affronté il avait cru l'avoir vaincu. De toute évidence, ce n'était pas le cas. Et le sorcier maléfique semblait avoir gagné en puissance. Quand son regard croisa celui de Merlin, un petit rictus satisfait s'esquissa sur ses lèvres. On pouvait lire le délice que lui procurait ce chaos dans ses yeux.

- REPLIEZ-VOUS ! hurla Arhur aux chevaliers.

Tous reculèrent jusqu'au château en courant. Lancelot battait en retraite à contre cœur. Il aperçut Merlin qui semblait figé. Qu'avait-il ? Que regardait-il avec cette expression de terreur intense ? Pas les gargouilles... Lancelot profita de sa fuite pour attraper Merlin au passage, qui sursauta, comme émergeant d'un cauchemar, puis l'emmena avec lui jusqu'à l'intérieur du château.

Arthur ferma la porte sur le dernier chevalier. Dans la grande salle, des bancs pour les blessés avaient été installés. On tentait tant bien que mal de soigner ceux qui étaient encore en vie tandis qu'on veillait sur les derniers instants des mourants. Guenièvre s'affairait à trouver des compresses et de l'eau pour les soulager, sous le regard mortifié de Morgane. Que c'était un spectacle horrible à voir, tous ces morts. La femme se tourna vers Uther.

- Nous avons besoin de lui, fit-t-elle à son tuteur.

- Je crois que tu as raison, répondit le roi en soupirant. Gardes, allez chercher Gaïus dans sa prison, nous avons besoin de toute l'aide disponible.

- Euh... laissa échapper Arthur avant de se raviser.

Le prince se mordit les lèvres. Il ressemblait à un enfant qui avait fait une bêtise. Messire Léon fut le seul à remarquer cela. Il se demanda ce qui mettait le prince dans cet état anxieux. Il envoya les gardes dans les donjons puis rassembla les chevaliers restants pour que le roi et le prince leur donne les directives à suivre.

- Bon... soupira Uther en regardant ses sujets éparpillés autour de lui, à l'agonie. Nous pouvons être certain qu'il s'agit là de l'oeuvre de la magie.

Uther se rendit soudain compte qu'il n'avait aucun plan excepté celui de se battre. D'ordinaire, c'était Gaïus qui le conseillait dans ces situations. Il avait toujours une idée pour le sortir de l'impasse. Il jeta un œil sur le côté. Les gardes revenaient. Seuls.

- Sire, fit le garde confus, le prisonnier n'était plus dans sa cellule.

- Comment ?! s'insurgea le roi.

Merlin ouvrit des yeux ronds. Gaïus s'était échappé ? De quelle façon ? Il lança un regard d'incompréhension à Lancelot qui semblait tout aussi perdu que lui. Puis, il vit Arthur qui paraissait très mal-à-l'aise. Était-ce possible ? pensa Merlin.

- Se pourrait-il, commença Uther, que tout ceci soit l'oeuvre de Gaïus ?

- Bien sûr que non ! s'exclama Merlin. J-Je veux dire... Gaïus ne ferait jamais cela majesté...

- Alors où est-il ? fit Uther d'une voix sévère.

Arthur commençait à sentir un poids sur ses épaules. Il déglutit difficilement. Il avait peut-être fait une erreur. Le moment avait été mal choisi pour désobéir à son père mais il allait falloir qu'il assume les conséquences de ses actes. Il ne pouvait pas laisser Gaïus être suspecté de cette catastrophe à cause de lui. Mais, au moment où il allait prendre la parole, une voix familière retentit derrière le groupe.

- Je suis ici, sire...

Gaïus apparut devant la porte d'un couloir. Un sourire soulagé étira les lèvres de Merlin qui alla le serrer dans ses bras. Le vieil homme accueillit l'étreinte chaleureuse avec bonheur. Arthur haussa les sourcils ; Gaïus n'avait donc pas quitté Camelot comme il devait le faire ? Evidemment, pensa le prince, il est trop loyal et trop attaché à Merlin pour cela. Arthur en fut ravi.

- Comment donc êtes-vous sorti, Gaïus ? demanda le roi, suspicieux.

Arthur regarda le médecin avec de la panique dans les yeux. Ce à quoi le vieil homme répondit avec un sourire bienveillant.

- Lors de la secousse de tout à l'heure, ma porte s'est ouverte et j'ai pu m'échapper.

- Je vois, fit Uther. Il va falloir que nous revoyions la sécurité de ce donjon.

Le médecin alla sans plus tarder vaquer à ses tâches, comme si le fait d'avoir été condamné par Uther ne comptait plus. Le roi quant à lui n'évoqua pas non plus la sentence de Gaïus ou la magie. L'heure n'était pas à cela. Tout le monde était sur le pied de guerre. Le château tremblait sous les attaques féroces des gargouilles.

Merlin s'approcha timidement d'Arthur et vint se poster à côté de lui, les bras croisés. Il se racla la gorge.

- Je suppose que vous ne savez pas comment il s'est réellement échappé ? demanda-t-il en souriant.

- Non, répondit le prince en détournant le regard, tentant de dissimuler ses pensées.

- Merci, fit simplement Merlin un sourire toujours pendu aux lèvres.

Sans rien ajouter, ils se lancèrent un regard entendu. Celui que deux amis de longue date peuvent interpréter sans difficulté. Arthur accepta les remerciement d'un hochement de tête modeste. Merlin s'en voulait. Il avait été dur avec le prince. Il s'était réellement comporté en idiot. Il avait failli tout gâcher. Sa destiné. Albion. Son amitié.

Merlin : RévélationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant