Le camps s'est réveillé au petit matin, la vaste majorité d'entre nous essayant de dissoudre notre gueule de bois dans du café alors que la douleur, elle, ne lâchait pas un pouce de terrain. Gueules cassées, jambes boiteuses, mains brulées, plus que jamais nous portions à merveille notre de titre de foire aux monstres. J'étais moi même plus étrange que jamais car l'incendie avait eu raison de mes sourcils ce qui donnait à mon visage lunaire un air figé de poupée de cire. Je regardais Emilie bander patiemment la jambe blessée de Josh pendant que Carol en soupirant appliquait avec un succès mitigé de la poudre de riz sur son œil tuméfié .
Le boss réclama notre attention alors que Leaf, repliant sa canne, s'asseyait sans bruit à côté de moi. Je poussais devant lui une tasse de café avant de tourner mon attention vers le Boss.
- Sauvez tout ce qui peut l'être et jetez le reste. Nous levons le camp demain.
Des murmures las et des soupirs résignés parcoururent la salle avant que chacun se lève, le pas trainant, pour aller remplir du mieux possible la tache qui lui était échue.
Le cœur lourd, je pris le chemin de l'écurie et croisais les siamoises qui fixaient avec désarroi leur balançoire de scène réduite en charpie. Je m'approchais doucement et posais une main compatissante sur le bras de chacune d'entre elles.
- Pourquoi ne peut on pas nous laisser en paix ? Pourquoi toute cette fureur, toute cette colère ? Nous voulons simplement vivre en paix, chuchota Leah la voie nouée.
Je déposais un baiser sur sa joue puis sur celle de sa sœur avant de poursuivre mon chemin. De l'écurie, il ne restait plus rien d'autre que quelques armatures de fer et des bouts de tissus calcinés. Ca et là on trouvait encore du cuir de selle qui n'avait pas intégralement brûlé ou un mord. L'odeur de fumée et de paille brulée m'assaillit à nouveau et je du m'arrêter quelques instants, le souffle court et le cœur comme serré dans un étau de métal. Sans Leaf et Eliot, je n'aurai jamais survécu aux flammes. Je sursaute violemment lorsqu'Eliot pose une main ferme sur mon épaule. Sa barbe a disparu par endroits, mangée par le feu et ses yeux bruns expriment une infinie lassitude.
- Faut qu'on essaie de les retrouver gamin. Ils n'ont pas du aller bien loin.
J'acquiesçais.
- Josh ne peux pas marcher comme il faut alors ce sera toi, Nina, Leo et moi. On couvrira plus de distance en se séparant.
Puis il sorti de son manteau un revolver qu'il me tendit en disant :
- Si tu croise une de ces raclures, tire à vue !
J'eus un rire sans joie et dit :
- Tu sais bien que je serais simplement fichu de me faire sauter le pied avec ce truc. Non Eliot... Non.
Il garda le revolver la crosse tendue vers moi encore quelques secondes avant de le remettre dans sa poche en grognant :
- Comme tu voudras.
- Honte sur vous ! HONTE SUR VOUS ! Tonna la voix d'Elaine dans mon dos.
- Elle va me parler autrement la n****sse, sinon je l'emmène faire un tour en cellule.
- Elaine, ca n'en vaut pas la peine, dit doucement Pete en la tirant par le bras.
Elaine étincelait d'une colère palpable et tout l'air autour d'elle semblait vibrer. La fureur dans le regard de cette femme paraissait chauffer à blanc tout ce sur quoi ses yeux se posaient. Elle cracha aux pieds du policier et tourna les talons avant de lâcher :
- Ou ké wè !
Le type ôta son chapeau pour s'éponger le front alors qu'elle s'éloignait. Pete resta quelques secondes les bras ballant avant de lui emboîter le pas en trottinant sous le regard attentif de Nathaniel.
VOUS LISEZ
Foraine (Fr)
Misterio / SuspensoPour une partie d'entre nous, le carnaval des Lucioles était le seul salut, la seule maison envisageable : où d'autre pourraient vivre sans brimades ou maltraitances un hermaphrodite, un albinos aux yeux delavés, un médium aveugle, une mulâtre affra...