Chapitre 7 : quidquid latet apparebit

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Effrayé et nauséeux, j'avais évité Leaf tout le reste de la nuit. J'étais allé déconfit, frapper à la porte de Carol qui m'avait accueilli sans un mot, sans une question. Je m'étais pelotonné grelottant et le cœur au bord des lèvres dans les draps encore chauds avant de sombrer dans un sommeil paralysant comme du plomb.

Mes pieds ne me portent plus, ils dansent, ils dansent sans moi et je tourne, tourne, tourne au milieu de ces visages d'animaux qui m'oppressent. La musique crisse contre mes oreilles et les gens rient alors que sonnent et raisonnent les tambours par delà les violons désaccordés. Elle m'attrape la main avec un petit rire de cristal brisé et soudain je ne danse plus.

- Mais viens donc au lieu de faire le fou.

Elle m'entraine a sa suite, sa jolie robe blanche fendant les flots de la foule qui me fixait, venimeuse. L'air s'était épaissi et l'homme au cigare riait quelque part, loin. Le parfum lourd de l'inconnue et la petite main blanche dans la mienne. Ma tête tourne, j'ai envie de pleurer, j'ai envie de m'enfuir, je ne dois pas rester là, je ne peux pas rester là. Elle porte la main à son masque blanc et lisse tout en défaisant le nœud qui le retient. Je dois partir, je dois partir, je dois ...

Le râle qui sorti de ma gorge ressemblait à celui d'un animal blessé alors que je reprenais conscience sur les marches d'une caravane que je ne reconnu pas tout de suite. Il me fallut quelques instants pour réaliser que c'est celle de Nathaniel et la terreur qui me saisit manqua de me faire m'effondrer, jambes coupées, genoux sciés. La douleur qui compressait ma poitrine était telle que je savais qu'il fallait en parler ou devenir fou. C'est donc transi et défait que je frappais à la porte d'Elaine, les cheveux collés au front par la sueur, claquant des dents, les yeux roulant dans mes orbites. Elle attrapa ma main et me fit entrer avant de jeter une couverture sur mes épaules et d'envelopper mes pieds nus dans un pull en laine.

- Si tu cours après la mort Snow, tu vas finir par la trouver, dit elle d'une voix lourde de reproche en me versant un verre d'alcool ambré.

- Je crois que c'est elle qui me cours après, répondis-je d'une voix rauque.

Elle conserva le silence de longues minutes, l'air grave, attendant que mes mains arrêtent de trembler.

- Explique toi, réclama t'elle péremptoire en me servant un autre verre que j'avalais d'un trait.

D'une voix cassée je lui racontais la découverte du corps, les menaces, la peur, le rêve. Alors que ma voix partait dans les aigus en expliquant combien je redoutais qu'il s'en prenne à Leaf maintenant que j'avais rompu ma promesse, elle posa une main ferme sur mon bras flageolant et dit :

- Ce qui se dit là reste entre toi et moi. Personne n'a à le savoir.

- Pour.. pour .. le corps.. on doit faire quelque chose. C'est un enfant, m'étranglais-je en sentant la bile remonter le long de ma trachée.

- Et quoi ? Allez à la police, yo tout cé cochons ? Qu'est ce que tu crois qu'il arrivera au camps si on reporte un autre meurtre d'enfant ?

Je baissais la tête et me mis à pleurer.

- Je ne peux plus.. je ne peux plus. J'ai tellement peur.

- Pour Nathaniel laisse moi me charger de cette histoire.

- Comment ? Il te fera du mal, puis il s'en prendra à Leaf.

Elaine s'assit avant de se servir un verre et dit :

- Je le connais mieux que tu ne pense. Mieux que je ne le voudrais.

Je levais la tête brusquement, interloqué. Elaine fit tourner le bourbon dans son verre avant de boire une longue gorgée.

Foraine (Fr)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant