Chapitre 1

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S'il y a bien une chose que j'aurais voulu, c'est être quelqu'un d'autre...

La sonnerie retentit.
À peine ai-je le temps d'ouvrir les yeux, que des élèves se sont déjà levés. Pressés de partir, ils se dirigent tous vers la sortie.
Je range mes affaires et me dirige à mon tour vers la sortie, quand je croise mon ami, Adrien, dans les couloirs. Comme d'habitude, il m'ignore, et comme d'habitude, ça me blesse. Pourquoi il me traite comme une étrangère à l'école ? 

Sur le chemin de la sortie, quelques camarades viennent me parler, et m'accompagner jusqu'à l'arrêt des bus. Je sais pourquoi, mais je n'ose pas les rejeter. Je ne suis pas populaire, mais c'est juste mon "physique surprenant" qui amène les autres à venir me parler. Ma peau laiteuse, qui contraste avec le noir profond de mes cheveux mi-long, en ont surpris plus d'un. Mais ce qui les fascine vraiment, ce sont mes yeux. Je suis née avec un œil droit bleu clair et un œil gauche marron foncé. C'est ce qu'on appelle, des yeux vairons. C'est rare, et les gens aiment ce qui est rare, ce qui est normal. J'attise l'admiration et la jalousie depuis longtemps.

Je monte dans le bus et m'assois sur une place à l'avant. Avant même que celui-ci démarre, mes yeux se ferment doucement, et ma tête vient se poser contre la vitre. Le soulagement de pouvoir me reposer sans risque, sans crainte de l'arrivée du loup. Tant que je suis en dehors de chez moi et qu'il fait jour, tout vas bien.
Ce loup, il me terrifie chaque soir durant mon sommeil, et cela depuis des années. Aujourd'hui, j'ai 19 ans, il ne m'a toujours pas lâché. Au début, je pensais qu'il provenait de ma maison, jusqu'à ce que je déménage récemment dans cet appartement, près de mon université. C'est alors là que j'ai vite compris que c'était moi qu'il habitait. Que je sois seule ou non, chaque nuit dès que je ferme les yeux, il apparaît. Ce ne sont pas des rêves, il apparaît vraiment durant mon sommeil pour me faire du mal.

Le premier arrêt du bus me sort de mes pensées. L'arrêt suivant sera le mien. Je me redresse sur mon siège pour rester éveiller et je regarde mon portable. Un message d'Adrien s'affiche, et celui-ci me demande s'il peut venir chez moi tout à l'heure. Comme d'habitude, je lui réponds oui. Je sais pourquoi il vient, mais je l'apprécie tellement que je me fiche de ce qu'il peut faire ou dire. Même s'il me blesse, tout ce que je veux, c'est qu'il soit près de moi. C'est le seul que j'ai avec moi ici. Mes parents habitent à l'autre bout du pays et mon frère est tout sauf préoccuper par sa petite sœur. Je ne peux pas lui en vouloir pour ça, il a sa propre vie à gérer.

Arrivé à mon arrêt, je descends en remerciant le chauffeur, et je mets mes écouteurs aux oreilles. En marchant jusqu'à mon immeuble, je remarque que la petite supérette près de chez moi est ouverte. J'en profite pour aller acheter une boite de thés verts, un Red Bull et un paquet de cigarettes. En passant à la caisse, la caissière me sourit gentiment et je lui souris également. Je finis de payer et la remercie avant de quitter la supérette. Je retourne sur le chemin de mon immeuble sous la fraîcheur du vent de l'après-midi.
Je monte les marches jusqu'au 3e étage, là où se trouve mon appart. Je n'ai pas très envie de croiser quelqu'un dans l'ascenseur aujourd'hui. J'ouvre la porte et entre dans mon petit chez moi coloré. J'aime peut-être porter des vêtements sombre, mais les couleurs ne me déplaises pas, tant qu'elles ne sont pas trop sur moi.

Je pose mon sac sur une des chaises qui se trouve autour de la table, avant de mettre mon paquet de thés dans un placard, et le Red Bull d'Adrien au frais. J'espère qu'il aura le tant d'être froid à son arrivée. Je sors un paquet de chips du placard et l'ouvre avant d'engouffrer 2 - 3 pétales salés dans ma bouche.
Vu ma gourmandise, heureusement que je possède un métabolisme rapide.
Je vais dans ma chambre retirer rapidement mes chaussures et le reste de mes vêtements avant d'aller dans la salle de bain. Je m'arrête devant le miroir et me regarde, ou plutôt, je regarde les marques rouges, les griffures, morsures et cicatrices qui se dessinent sur mon corps. Elles sont présentes sur mes épaules, mon dos, mes bras, mes hanches, mon ventre, mes cuisses et mes jambes. Je me dis qu'à l'époque, si j'avais vu cela, j'aurais fondu en larmes et me serais détesté. Maintenant, c'est devenu une sorte d'habitude. Je sais que je ne peux rien y faire, quoi que je fasse, il sera toujours là pour me blesser, encore et encore.

J'entre sous la douche, et allume l'eau qui brûle les griffures encore fraîches de la veille. La douleur me fait un peu grimacer, mais pas plus. Après 15 minutes sous l'eau, je sors et m'essuie le corps. Je sèche mes cheveux avec une serviette en allant vers ma chambre pour m'habiller.
J'enfile un t-shirt à manche longue, un jogging et des chaussettes propres avant de sortir. Arrivé dans le salon, je reprends des chips et part me servir un verre de lait dans la cuisine. Je m'installe à la table sur la chaise la plus proche de la fenêtre. J'ouvre cette dernière et le vent vient doucement caresser mon visage. Je bois une gorgée de mon lait tiède en regardant dehors. À part les feuilles des arbres agitées par le vent, et les voitures qui passent à côtés d'adulte qui se ressemble tous, rien ne semble différent de d'habitude. Une routine ennuyante qui submerge cette ville, ses habitants et moi. Je m'allume une cigarette tous en regardant les gens passer sous ma fenêtre.

Adrien... Adrien est mon seul ami. Un garçon populaire, ou plutôt, un garçon respecté et admiré à l'école. Quand il est venu me parler la première fois, il était différent des autres. Je me suis vite attaché à lui et on est devenus ami. Maintenant, je me demande si le fait que je me sois attaché aussi rapidement n'est pas dû à mon manque de compagnie. À ma peur d'être seule et perdu. À l'envie d'avoir quelqu'un qui tient à moi, alors qu'aujourd'hui, je me rends compte qu'il n'est pas aussi différent des autres.
Des tonnes de pensées négatives m'arrivent en tête, tellement que je ne me suis pas rendue compte que ma cigarette était déjà fini. Je la jette par la fenêtre avant de boire encore un peu.
À ce moment-là, quelqu'un frappe à ma porte.

Le Grand Méchant LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant