L'ultime décision du héros

81 19 3
                                    

Il fallait s'y attendre. En comparant le plan avec une carte, nous remarquons vite que les fameux souterrains se trouvent dans la région du Wewelsburg.

Gusfand se tourne vers moi.

« L'heure du choix est arrivée mon petit. Rester dans l'ombre et te cacher jusque la fin de tes jours, ou tenter de rétablir la vérité à ton sujet. »

Klaus ne dit rien. Il nous regarde, attendant une éventuelle question ou demande. Mais une curiosité impatiente se lit dans son regard. Quant à moi, aucun son n'arrive à sortir de mes lèvres. J'espère qu'il va continuer à développer son idée.

« Oui, la solution se trouve peut-être dans ce château. Mais si ce lieu dissimule bien l'entrée du complexe, s'y aventurer ne sera pas sans risque. Tu pourrais même bien y perdre la vie. »

« Je ne comprends pas. Tu ne viens pas avec moi ? »

« Je pourrais t'accompagner. Mais pas dans ces souterrains. C'est une épreuve que toi seul peut accomplir, un peu comme le porteur de l'anneau. Si je passe le mur avec toi, je te mettrai en danger. »

Sérieusement, ce type abuse des références cinématographiques. Après Star Wars, le seigneur des anneaux. La prochaine, ce sera quoi ? Les Gremlins ?

« Par contre, tu pourras arriver sans encombre jusqu'au Wewelsburg. Tu connais ma technique « d'invisibilité » mais elle ne permettra pas de parcourir les entrailles de la terre. Enfin, je l'espère.

-Espère quoi ? Tu veux dire que tu as peur de t'aventurer sous terre si ton pouvoir marche ? Dis-je d'un air frustré.

-Non, non ! J'espère qu'il fonctionnera dans le château ! Excuse-moi, c'est l'émotion !

« Heu les gars, si Chris revient pas, on aura rien du tout. J'ai par contre une solution. »

On se tourne tous les deux vers Klaus, qui se met à fouiller dans un de ses sacs. Il nous exhibe fièrement un tout petit objet rond, pas plus grand qu'une bille de cour de récré.

« C'est une caméra. Oui, elle est très petite. On l'a bidouillée avec un pote, et émet en WiMAX. Si Gusfand place un relais à l'entrée, et que je place un récepteur un peu plus loin, à l'extérieur du château, il y a moyen de stocker tout ce qu'il faut dans un petit disque dur. Si jamais ça tourne mal, Gusfand ou moi pourrons récupérer toutes les données. »

Enguerrand reste perplexe, réfléchissant à d'autres choses.

« Avant de se lancer dans quoi que ce soit, il faut décider d'un point essentiel. Parce que récupérer les infos, c'est bien, mais qu'est-ce qu'on en fait ? Comment on les transmet ? »

Klaus sourit. Il se trouve en terrain connu, ultra à l'aise et commence à nous faire un speech sur Snowden, ses conversations avec Greenwald, et tout le toutim. Comment ils ont éveillé le monde à la surveillance de masse.

« Tu suggères de faire pareil ? » Dis-je.

« Pas tout à fait. Ce qui se passe ici, en regardant tout le matériel que vous avez, est nettement plus grave que l'affaire PRISM. Je pense même que ce qu'a révélé Snowden, si on regarde toutes les personnalités impliquées, n'est qu'un tout petit mécanisme de cet immense rouage. »

Il déglutit, puis reprend.

« Je pense donc que même si Greenwald est une des personnes à contacter, elle ne doit pas être la seule. Nous, les pirates, sommes des milliers de par le monde. Je pense que nous devons disséminer au maximum l'information. La noyer partout. Publier simultanément sur tous les sites des partis pirates, mais aussi dans la presse. Viser les médias citoyens également qui n'ont pas de comité éditorial pour les censurer. Et en cas de censure extrême, il nous faut dupliquer toutes les données au maximum afin qu'elles ne se perdent jamais. Les stocker sur des centaines d'ordinateurs. »

« Oui, l'idée est bonne. Et je pense que l'affaire est tellement grosse que chaque média voudra en parler. »

« Cela ne m'indique cependant pas comment cela pourrait me dédouaner. »

« Bien au contraire ! Si on arrive à montrer que Derek Vigneron était dans le vrai, que ce projet d'enlèvement, le « unglausichibe Kommando » est toujours en cours, on pourra te dédouaner. »

« Il faudrait aussi trouver la source de la vidéo qui t'accuse de tentative d'assassinat sur Lammour. Voir si la vidéo a été trafiquée. Et ceci, je peux m'en occuper avec quelques amis. Pendant que vous êtes dans le château, on peut trouver la source de l'upload de la vidéo, et tenter de pirater son système. Si on y arrive, cela prouvera que tu n'as rien à te reprocher. Dans le pire des cas, on prendra la vidéo sur YouTube et on l'analysera. »

Gusfand prend la parole.

« Un des points qui a été également discuté est qu'il faut absolument éviter un sentiment de panique parmi la population. Elle risquerait de prendre peur. Et une société qui panique, bonjour les dégâts. Des personnes mal intentionnées pourraient mettre ces sentiments à profit. On risquerait de voir l'armée débouler dans les rues, des coups d'état en pagaille, et ce qui provoquerait l'effet inverse de ce que l'on souhaite. Je pense que tu devrais faire une vidéo, Chris. Raconter ton histoire, ce que tu as traversé ces derniers mois. Donner ensuite un message d'amour, expliquer que les bons sentiments permettraient de changer le monde, qu'ils doivent arrêter de suivre les grands médias et penser à une nouvelle société, égalitaire pour tous. On la mettrait en ligne dès que toute l'histoire paraît au grand jour, et on la transmettrait en même temps à tous les médias.

« On pourrait éventuellement l'entrecouper avec des preuves, les afficher au public. Démontrer la conspiration, les enlèvements, les meurtres et la vidéo trafiquée de la tentative d'assassinat. »

Le silence s'impose dans la pièce. Ils attendent tous deux que je me mette à parler. Une boule de stress se forme dans mon bide.

« Allez Chris, on ne peut rien faire sans toi. Tu es la pièce maîtresse de cette affaire. Mais on ne t'en voudra pas si tu refuses, je sais que le poids sur tes épaules doit être bien lourd à porter. Mais tu dois te décider, maintenant. »

La boule dans le bide se forme un peu plus. Je ferme les yeux. Des tas de pensées me traversent. Marie, les enfants. Je revois leur sourire. Je dois le faire pour eux, pour que justice soit faite. Je prends une profonde inspiration, fais le vide total en moi. En les rouvrant, je prononce la phrase qu'ils attendent avec impatience.

« C'est bon. Je suis prêt. Allons-y Allonzo. Je vais le faire.

Cette fois, c'est moi qui s'amuse avec une petite allusion. Le Docteur. Ce type qui n'a pas peur de rien, et règle toujours les problèmes sans verser dans la violence. Je ne peux m'empêcher de sourire.


L'aube d'un monde meilleurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant