VI

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« Il suffit de suivre ce couloir là ». Harry pointe vers une zone sombre. « La seconde porte sur votre gauche ».

Il me fait un signe rassurant et un aimable sourire avant de tourner les talons. Je reste immobile jusqu’à ce que le claquement distinct de la porte d’entrée se fasse entendre, puis je commence à bouger, mes progrès ressemblant à ceux d’un jeune enfant. Les planches craquent à chaque pas et dans ce couloir non éclairé, un sentiment étrange se pose autour de moi. Je me dis que c’est à cause de l’obscurité rampante, mais au fond je sais que ce n’est pas à cause des esprits et des monstres –c’est la peur de ce qui va se dérouler devant moi.

Je prends mon élastique sur mon poignet et je tire mes cheveux en arrière, comme si ça allait, en quelque sorte, me préparer pour ce qui va suivre. Je tourne la poignée et lentement, j’ouvre la porte, de peur de faire irruption dans le sommeil de Connor. Avec juste un coup d’œil, regardant à travers le mince espace entre le cadre de la porte et la porte réelle, je reçois mon premier aperçu du fils d’Harry.

Il ne ressemble en rien au petit garçon que j’ai vu sur les photos.

Rien.

J’ouvre plus largement la porte.

Sa chambre semble normal pour un garçon de son âge –des murs peints eu bleu, une moquette beige, d’innombrables animaux en peluche, des livres pour enfants et des figurines. Toujours debout à la porte, mes yeux se posent sur Connor. Au lieu de trouver un lit normal, je trouve un lit d’hôpital, avec des grilles latérales, inclinées sur la moitié supérieure. Un moniteur cardiaque se trouve sur la gauche et sur la droite, je peux supposer que c’est l’endroit où Harry passe le plus clair de son temps, à en juger par le fauteuil à bascule et les journaux éparpillés.

Le petit garçon souriant que j’ai vu sur la photo de famille a disparu. Maintenant, il est chauve avec la peau fine et translucide et des tubes accrochés à ses narines. Je n’ai jamais vu un enfant aussi fragile, aussi faible. Sa partie inférieure est recouverte d’une couverture d’enfant bleue et il est vêtu d’une blouse d’hôpital, me laissant à me demander si Harry l’a changé depuis sa dernière visite. Le petit garçon avait-il encore assez de force pour mettre une blouse différente ?

J’ose avancer d’un petit pas. Connor ne bouge même pas un peu. Ayant encore trop peur d’aller plu loin, je fais ce qu’Harry m’a dit de faire –veiller sur lui. Avec de la prudence dans les yeux, je regarde sa poitrine se soulever, avec quinze secondes d’intervalle entre chaque souffle, à chaque fois.

Il me faut une bonne dizaine de minutes avant de traverser la pièce sur la pointe des pieds et m’asseoir dans la chaise à bascule d’Harry. Je pousse mes pieds contre le tapis, m’inclinant lentement d’avant en arrière. Mes doigts s’enfoncent dans le bois et je commence vraiment à observer Connor.

Ses paupières sont si minces, elles sont si minces que l’on pourrait voir à travers elles. Ses lèvres sont comme celles de son père, mais pas comme n’importe qui aimerait –elles sont minuscules, gercées et sans vie. La tête de Connor n’a pas un brin de cheveux, ils ont complètement disparu, exposant vaguement les veines bleues sur son cuir chevelu. Ses doigts sont osseux et ses mains reposent fixement sur ses hanches, sa position est droite, pas un membre ou un centimètre de son corps ne se courbent, comme la plupart des enfants le font quand ils dorment.

Mais malgré tout ça, en dépit de sa maladie, son apparence ratatinée, Harry et son épouse ont créé un si beau bébé. Peut être que c’est la façon doit il a l’air vulnérable, ou peut-être que c’est juste la façon dont il ressemble tellement à son père, mais, de toute façon, mon côté maternel me parle, me disant de calmer son corps endormi.

Black Friday » h.sOù les histoires vivent. Découvrez maintenant