Je suis née dans une famille plutôt riche.
Ce qui aurait été une bénédiction pour la plupart des gens, s'est très vite transformée en malédiction pour moi. Mon père avait fait fortune en s'installant à Paris assez jeune. Lui qui était fils de paysan avait monté son journal presque seul. Il s'était très vite retrouvé sous l'aile d'un directeur d'un des plus grand journal de Paris, Adolphe Thiers, qui l'avait aidé financièrement pendant des années. Petit à petit, à force de fréquenter une caste de la société si aristocrate, il était devenu profondément snob et très loin du peuple et des réalités. Il avait rencontré ma mère, Adeline, petite bourgeoise vivant dans un village de Bourgogne, à un mariage, et lui avait demandé sa main 5 mois plus tard. Elle avait accepté sans une seule hésitation, on me racontait souvent.
Mon histoire commence donc profondément banale. Je suis le troisième enfant des 5 que mes parents conçurent, et également celle qu'ils apprécient le moins. Cela peut sembler un peu étrange, de clamer de tels propos avec assurance, mais j'en suis venue très jeune à cette conclusion : pour être précis, à partir de mes 10 ans et demi. Aujourd'hui, j'en ai 18 et on ne peut pas dire qu'au niveau de ma situation familiale, grand-chose ai été bouleversé. Mon plus grand choc fut la mort de mon grand-père, alors que j'avais 13 ans. J'étais bien plus proche de lui que de mes parents, malgré la distance qui nous séparait, et le peu d'occasion que j'avais de le voir, puisque mon père ne désirait pas retourner à la ferme ou il habitait. Si j'écris tout ça, c'est pour vous placer un contexte à l'histoire que je souhaite réellement raconter. Pour revenir dans le vif du sujet : Je déteste mon père, et c'est réciproque.
Ces derniers temps, il s'est mis en tête de me marier. Sous ses yeux, il était vrai que je n'avais jamais éprouvé d'amour pour aucun des garçons que je n'avais connu dans ma vie, et il mettait cela sur mon côté « rebelle » et « garçon manqué ». Je n'étais pas une rebelle, j'avais juste porter mes yeux sur quelqu'un que je ne pouvais présenter à mon père, et ça, tant que je vivrais sous son toit. L'indifférence que je portais aux différents prétendants, certes charmant, qu'il me présentait le mettait hors de lui. Je devais assister après chaque repas ou je déclinais une à une toutes les offres qu'on me portait, au sermon de rage qu'il répétait jour après jour. C'était comme une menace, qui bourdonnait encore et encore dans mes oreilles chaque jour que je me levais dans le manoir. « Bientôt, ce ne sera plus mon rôle de t'héberger, et tu devras faire tes valises. Si tu n'es pas chez un mari qui prendra soin de toi, alors où sera tu ? ». Je ne dois pas mentir, je n'ai pas encore de réponse à cette question.
Mon père, pour forcer à sociabiliser l'enfant renfermée sur soi que j'étais, m'avais inscrit au lycée public du quartier. De tous ses enfants, j'étais la seule qui n'avait pas passé l'intégralité de ma scolarité dans des établissements privés. En entrant pour la première fois dans mon nouvel environnement, je m'étais sentie un petit peu délivrée, loin de la prison dorée qu'était le milieu bourgeois, prison certes sublime mais ou je ne me sentais pas vraiment à ma place. Bien sûr, il y avait toujours autant de bourgeois dans mon lycée, mais c'était différent, je me sentais un peu plus normale malgré tout, et savoir que dans ce si petit endroit fourmillaient des adolescents de mon âge venant d'endroits différents, me remplissait de joie, et je me sentais curieuse de connaître chaque histoire derrière chaque visage. J'ai réalisé assez vite, que beaucoup des attentions que me portaient mes nouveaux camarades venait principalement de mon statut de petite princesse richissime et fille de son père millionnaire. C'est ainsi que j'ai compris que je ne saurais probablement pas être moi-même.
J'ai réussi à me faire quelques amis, mais la plupart ne voulait de moi que discuter de temps en temps, une invitation pour visiter ma maison et faire la fête, et ma présence dans les soirées qu'ils organisaient, histoire de se vanter. Je n'étais pas une grande fêtarde, de mon côté. Les quelques fois ou j'invitais l'un d'entre eux à la maison pour une des cérémonies que mon père organisait, pour me faire un peu de compagnie, mes camarades m'abandonnaient pour aller discuter avec les autres. Ce n'étais pas ce que je voulais, je ne voulais pas être une agence de rencontre, un tremplin, n'importe quoi. J'ai fini par décider de ne plus inviter personne à ses fêtes. J'en était venue à me contenter de deux-trois amis, qui ne s'intéressaient pas à mon argent, et avec qui je passais l'entièreté de mon temps. J'ai recommencé à faire des cauchemars, dans cette période là.
J'ai réussie à devenir une bonne élève, au grand plaisir de ma mère. Chaque trimestre, un classement de l'intégralité des élèves du lycée, par niveau, était publié et affiché sur le mur du hall. Je me situais dans le tiers supérieur, ce qui était le palier attendu par nos professeurs. J'entrais alors parfaitement dans la définition de l'enfant modèle, aux yeux de mes camarades. Riche, les yeux bleus, jamais en retard, introvertie et sérieuse, sans histoire, mignonne et altruiste. Plus je me confortais dans cette image, plus je me sentais chaque jour plus triste, mélancolique alors que je marchais dans les couloirs de pierres et le long des beaux murs bleus. Mes cauchemars rythmaient ma vie, chaque jour, autant que mes larmes quand personne ne m'observait.
C'est en cours de sport, cachée dans le vestiaire des filles pour échapper au regard des autres, que je l'ai rencontrée pour la première fois.
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Le secret de la rue Pandore
FantasyUne société secrète située rue Pandore semble réguler la vie de la grande ville de Paris. Emilie London, Leila Asra, Ariane Telier , Adel Evans et Aya Myriam semblent en apparence être des adolescents ordinaires. Mais eux, et une dizaine d'autres j...