Les premières fois que j'ai entendu parler de cette société, j'étais malade de la peste. J'étais tombé dès les premiers jours de celle-ci. Je n'avais personne à qui appeler. Je ne voulais pas parler à mes amis, j'avais peur. Mon appartement, minuscule, perdu, enfermé, est devenu mon refuge et ma prison. J'en avais peur et je ne voulais pas le quitter. Et je savais ce que ça faisait, d'être seul, tous le temps seul et de ne pas pouvoir parler et de n'avoir rien à dire, j'avais fui de chez mes parents depuis si longtemps maintenant il me semblait, et pourtant j'avais mal de parler aux murs et de ne pas entendre de réponse. J'ai cru mourir, vraiment mourir, plusieurs fois, avant de me réveiller encore.
C'était comme revivre en boucle la même journée, tout en sentant ma vie s'écouler loin de moi. Presque l'enfer. J'étais un des premiers, d'après ce qu'on m'a dit ensuite. La seule chose qui en est resté, c'est Moya.
Moya, c'est le nom d'une fée. D'une fée, ou d'une elfe, ou d'une nymphe, je ne sais pas faire la différence entre ces trucs là. La seule chose que je sais, c'est qu'après la peste, elle s'est gravée sur ma peau. Je m'étais un certain temps persuadé que ce n'était qu'une hallucination. Je m'étais cloitré entre quatre murs, laissant la poussière prendre refuge. Elle bougeait sur ma peau, dansant entre mes côtes et nageant sur mon dos, imperturbable, formée par une ligne d'encre qui s'entrecroisait encore et encore pour dessiner sa silhouette enfantine et ses grand yeux. Ce fut la seule chose qui me tenu compagnie pour un mois entier, et j'appris à faire sa connaissance jour après jour, persuadé que je finirais par mourir et que mon cerveau délirait à son agonie.
C'est là que j'ai vu les fleurs. Dans un coin de la pièce, une fleur violette. Elle avait poussé dans ma chambre, détruisant un petit bout de mon parquet. Était-je mort, ces fleurs étaient-elles celles déposées sur ma tombe par ceux qui ne m'avaient pas oubliés ? Chaque jour, j'en trouvais une nouvelle, une petite fleur naissant dans les lézardes de ma prison, et elles s'amoncelèrent petit à petit le long de mes portes et fenêtres.
Moya semblait particulièrement attirée par ces fleurs, observant de ses minuscules yeux celles-ci avec passion, tournant partout dans ma peau pour chercher de nouveaux postes d'observation, et je ne comprenais pas sa fascination. J'avais essayé d'en déraciner quelques unes, mais elles repoussaient d'autant plus vite, et j'ai très vite compris que ce combat serait futile. Petit à petit, je me laissais envahir, et leur odeur, faible mais envoutante, flotta dans toutes les pièces de mon petit appartement. Je ne sais plus quand j'ai réalisé qu'elles formaient un chemin. Je ne sais plus quand je me suis retrouvé sur le toit sous lequel je vivais, ni comment par milliers ces fleurs avaient poussées sur le tôle. Je crois que n'ai rien réalisé, avant de me retrouver face au panneau "Société secrète Rue Pandore".
Le garçon semblait fier de me tendre sa main, et je ne pouvais que le regarder avec suspicion. Cette histoire de société... est-ce qu'on y entrait si facilement ? J'ai levé mes yeux vers la trappe, cherchant à observer si nous étions seuls et s'il allait procéder à me tuer. Je cru entendre quelques sons de voix, peut-être des chuchotements... était-ce une sorte de caméra cachée ?
- Euh... merci ? Je vais rentrer, je pense.
- Attends !
Adel sembla réellement paniqué à l'idée que je m'en aille, et je ne comprenais pas pourquoi mais ça ne me disait rien qui vaille. Mon cœur était d'humeur curieuse et me guidait vers l'intérieur de la pièce, mais mon cerveau me disait d'être prudente. Cependant, ça ne pouvais pas être plus dangereux d'écouter ce qu'il avait à dire.
- Écoute, je sais que tout cela peut-être assez perturbant pour toi. Mais rassure toi, tu vas très vite comprendre... London, c'est ça ?
Je ne comprenais pas comment il pouvait connaître mon nom, et cela me semblait de plus en plus louche. En m'apprêtant à partir, il intervint alors, avec une voix pressante, pour dire quelque chose qui me fit me retourner, surprise.
- Tu serais pas tombée d'un toit sur des fleurs ? Petites et violettes ?
- Comment tu sais ça ? Je me décidais à le confronter.
Un léger sourire gagna ses lèvres, et j'entendis un petit rire à l'étage au dessus, et quelques jambes sautillaient au dessus de la trappe, ce qui poussa ma curiosité toujours plus.
- Parce que c'était la même chose pour moi. La peste, tu t'en souviens ? Ce n'était pas un accident, enfin pas une épidémie comme tu le penses. Ceux qui sont tombés dans les fleurs étaient des enfants choisis. Ce que je veux dire, Emilie, c'est que si tu as trouvé ce chemin c'est que probablement, tu as des pouvoirs en toi. Ces fleurs ne se montrent qu'a un certains sang... celui que tu as en toi.
C'était abracadabrant, et assez compréhensible. J'avais des pouvoirs, c'était une... bonne nouvelle, je suppose, mais je commençais à me sentir de plus en plus ridicule. Si c'était se moquer de moi qu'ils voulaient tous, il fallait mieux que je parte maintenant. Et leur faire un procès si mon visage se retrouvait partout sur les internet. Je m'apprêtais à courir en voyant qu'Adel me suivait, mais alors que j'allais lui crier de me laisser tranquille, mon cerveau mit un instant avant d'être capable de faire quelque chose face au spectacle qui venait de se produire. Une gerbe de fleurs violettes avaient été lancées par Adel de par... la paume de sa main, et elles venaient recouvrir les murs de la pièce. Je suis restée éblouie, et il m'attrapa par la main pour me tirer à l'intérieur. La tête d'une petite fille aux cheveux châtains dépassait de la trappe, et elle me dévisageait avec un sourire malicieux.
- Refait ça, j'ordonnais, en essayant de cacher le plus mon admiration.
Il le refit encore, cette fois-ci allant jusque projeter une petite fleur dans ma main, qui se posa sur ma paume, avant d'aller s'envoler vers le sol ou elle se planta toute seule, sans terre ni pelle, se glissant dans les petites fentes du parquet.
- Maintenant, tu me crois, Émilie London ?
J'ai fais oui de la tête. Peut-être que cela allait la plus grande erreur de ma vie, mais je devais en savoir plus. Derrière, je m'engouffrais dans la trappe du plafond.
VOUS LISEZ
Le secret de la rue Pandore
FantasyUne société secrète située rue Pandore semble réguler la vie de la grande ville de Paris. Emilie London, Leila Asra, Ariane Telier , Adel Evans et Aya Myriam semblent en apparence être des adolescents ordinaires. Mais eux, et une dizaine d'autres j...