Prologue

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Mes muscles ankilosés me faisaient souffrir lorsque le ponton de la vieille maison m'apparut. Arrivée devant la grande porte en chêne, j'abaissai la lourde poignée. Un grincement aigu se fit entendre dans toute la demeure, faisant trembler la vaisselle de cristal entassée sur la grande table en ébène.
La voix grave de Rigs résonnait déjà à mon arrivée, avant que je puisse m'excuser du bruit. Mais, à mon grand étonnement il n'en fit rien et se contenta de m'ordonner de venir.
Quelque chose clochait. Il n'avait pas pour habitude de m'accueillir d'une telle façon... J'ôtai mes bottes et mon manteau et je rejoignai mon oncle.

Le salon où le vieil homme m'attendait, était composé d'un canapé en velours jaune et d'une table rectangulaire en marbre sculpté à laquelle il tient beaucoup. Le mur du fond était orné d'une grande tapisserie représentant l'arbre généalogique de ma famille, sur lequel figuraient presque dix générations et parmi elles, la mienne qui se trouvait être la dernière.
Une grande fenêtre ronde laissait entrer la lumière, illuminant chaque recoins du petit salon. Assis sur un des énormes fauteuils en cuir brut, mon oncle me tournait le dos. Il portait un bas noir et une chemise rouge qui contrastait avec le blanc de sa peau. Il contemplait d'un air radieux le paysage qui s'offrait à sa vue. Le voir si serein me rendit heureuse, lui qui se faisait du soucis pour tout le monde, il semblait apaisé. C'était un homme grand et maigre, doté de larges épaules. Son visage inspirait la bonté et le courage. De petites boucles noirs couvraient son crâne presque chauve. À mon arrivée, il ne prit pas la peine de jeter un regard en arrière pour confirmer ma présence et prit la parole:

-Lia... Il ferma sa bouche puis la rouvrit. Je dois te parler d'une chose importante mais promets moi de ne pas t'énerver, par pitié fit-il d'un regard presque implorant.

Je fronçai les sourcils, étonnée par son approche.
De quelle chose importante s'agissait-il ? Et pourquoi serait-il probable que je m'énerve ?
Impatiente de savoir la réponse à toutes ces questions, je hochai la tête et prononçai avec entrain:

-Promis ! Maintenant, dis-moi tout !

Il me regarda de ses yeux couleur miel avec insistance comme pour confirmer ma réponse, puis inspira un grand coup.

-Lia, il est plus que temps que tu sois formée. Nous sommes en guerre et notre famille manque de guerriers. En te battant pour elle, tu feras honneur à tes parents. De plus, ton Syal va bientôt se réveiller, tu dois savoir le contrôler. Cela va prendre beaucoup de temps alors le mieux et de commencer ta formation le plus tôt possible. Seulement, je ne peux être ton maître. Cependant, je pense connaître une personne qui conviendrait à cette tâche finit-il en relevant son regard vers moi.

À l'entente de ces mots, mon sang ne fis qu'un tour dans mes veines. Je savais au fond de moi que ce sujet allait être abordé un jour ou l'autre mais je persistai à croire qu'il n'arrivera jamais. Et pourtant m'y voilà, ce jour tant redouté se trouvait être aujourd'hui.
Une sorte d'incompréhension et de rage mêlées m'envahirent de toutes parts, on me jetait à la porte ? Comme si trop de personnes vivaient à la maison ! Mes parents, étaient morts à la guerre et mes deux frères, j'ignorais ce qu'ils étaient devenus depuis leur départ il y a de ça 4 ans.
Pour faire simple, mon oncle Rigs, sa femme, Ella, ma cousine Any ainsi que moi étions les seules et derniers habitants de la vieille demeure nommée Phaltwum, le même nom que ma lignée. La tradition veut que toutes les générations vivent au même endroit au sein de la même maison, seulement aujourd'hui il se trouve que nous soyons parmi les derniers habitants de la grande demeure. Les autres membres de la famille étant partis à la guerre...
En temps normal, on peut choisir notre voie et ne pas apprendre à se battre mais en temps de guerre, nous n'avons pas le choix. Seulement, j'approchais des dix-huit ans et on voulait m'apprendre à me battre ? M'envoyer à la guerre ? L'idée de quitter ma famille et la maison n'est pas valable pour moi qui avait déjà trop perdu. Et encore moins me battre, tout comme d'ôter la vie de quelqu'un, chose impensable...

Les larmes montaient mais ma fierté m'empêchait d'exploser en pleurs, aussi je ne dis mots et partis en courant me cacher dans le grenier. J'avais failli à ma promesse mais peu importe la seule chose dont j'avais besoin était d'être en tête à tête avec moi-même. Rigs n'eut le temps de dire ni faire quoi que ce soit car je verrouillais déjà le salon pour qu'il ne puisse sortir. Il ne m'en voudra pas, après tout il peut facilement sortir sans l'aide de personne ! "La fuite" est bien la seule chose à laquelle je suis imbattable ! Cela ne m'empêchait pas de penser de moi que j'étais l'être le moins courageux et le plus lamentable que je connaisse, bien que je ne connaisse pas grand monde...

Mon refuge se trouvait être le grenier, cela pourrait sembler absurde mais l'odeur qui y régnait m'apaisait en quelques sorte. Ce dernier était en réalité moins poussiéreux et petit qu'on voudrait le penser, il y faisait froid mais je m'y sentais bien. Une dizaine de cartons y étaient entreposés ça et là, tous agencés de sorte que je puisse me frayer un chemin jusqu'à mon "petit coin à moi". Un  vieux cousin très épais me faisait office de fauteuil tandis qu'un bougeoir trônait sur le dessus d'un carton situé en face de mon siège. Sur ma droite se trouvait une petite malle en fer forgé, elle était placée juste en dessous d'un œil de bœuf. Je pouvais apercevoir un petit bout du ciel gris à travers la vitre, quel mauvais temps on pouvait avoir cet automne !

Comme d'habitude, j'ouvris la malle et en sortis une bague forgée en or, sur laquelle étaient gravés deux serpents qui s'entremêlaient. L'un était rouge tandis que l'autre était vert.
C'était un très beau bijoux.
Avant sa mort, il y a un an, ma mère m'avait raconté que le rouge représentait le sang et le vert correspondait à notre espèce. Cette chevalière était si significative et semblait être une sorte de présage pour les générations futures des Phaltwum. Cette bague avait pour présage une guerre dans laquelle ma famille perdrait beaucoup de ses membres peut-être même tous... Qui sait ? Mais très peu y croyaient, en réalité, seul mes parents persistaient à y croire.
Une larme coula sur ma joue et je fus prise de sanglots en repensant à ces être chères.
Quelques temps après je m'endormis.





SyalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant