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Taekwoon? Ce chat serait vraiment Taekwoon? Le jeune prostitué aux oreilles et aux yeux de félidés se transformerait la nuit en chat errant ? Ça alors ! Il était vraiment loin d'imaginer cela. Un chat, un vrai chat ! Wonsik s'agenouilla devant la petite bête et murmura, la voix rendu rauque par la stupéfaction et l'hébétude.

- T-taekwoon...?
- Oui, lui répondit la petite voix flûté. Oui c'est moi...
- Petit chat.., souris le tatoué.

Il avait son jeune protégé sous ses yeux, lui qui justement était venu dans ce quartier sordide malgré la demande de Taekwoon de ne pas venir car c'était son jour de repos. Mais il avait eu envie de le voir. Pas de le baiser, de le voir. Son petit chat lui manquait d'une façon qui l'étonnait lui-même. Il s'était toujours refusé de s'attacher à quelqu'un, homme ou femme. Et voilà que de nouveaux sentiments l'enchaînaient à cette innocente petite chose, ce jeune hybride mi-chat mi-homme, à qui la vie n'a pas offert beaucoup de douceur. Et en parlant de douceur...

- Mais... Tu me vois ?!
- Oui...

Il hésita un instant avant de tendre les bras vers l'animal qui le fixait intensément de son regard d'azur. Le chat recula, méfiant et un peu effrayé.

- Non !
- Mais je...Chaton.., protesta Wonsik, déconcerté par l'attitude de Taekwoon.
- Non ! Ne me touche pas, cracha le chat en hérissant ses poils, sa queue ayant doublé de volume et ses oreilles aplatis sur son crâne.

La petite bête était furieuse. Wonsik n'avait pas respecté sa promesse de ne pas venir. Il le lui avait dit ! Il lui avait promis de le laisser se reposer. N'en n'avait-il déjà pas assez fait pour lui ? Ne lui offrait-il pas son corps plusieurs fois par semaine ? Il lui fallait encore plus, quitte à lui ôter le seul moment de repos que lui offrait sa misérable vie de prostitué ?

Pourquoi était-il condamné à ne penser à rien d'autre ? Pourquoi le destin s'acharnait-il ainsi sur lui en lui gâchant son unique moment de bonheur ? Que n'aurait-il donné pour être mort avec ses parents ce jour-là. Il ne serait pas fait mordre par un chat enragé, lui transmettant ce gêne bizarre le faisant passer pour un chat sur deux pattes, il ne serait pas continuellement en train de pleurer la mort de ses parents depuis ses six ans, il ne serait pas occupé à faire le trottoir, 6 fois par semaine, pour le plaisir malsain de quelques privilégiés.

Trop de souvenirs et de moments douloureux lui montaient à la tête. Il allait craquer, il le sentait. De plus la lune était de moins en moins brillante, plus terne et les étoiles s'éteignaient, une à une, dans le ciel opaque. L'aube allait se lever et lui retirer son seul plaisir. Voilà pourquoi, contrairement à ses semblables, il détestait le soleil. Car cela impliquait tellement de choses néfastes pour lui. Le matin, il dormait, mais l'après-midi venue, il était obligé de commencer son service. A 17h, une pause pour lui permettre de se soigner, se refaire une beauté et manger un morceau. Puis deux heures après, nouveau service jusqu'à environ 4h du matin.

Après tout ce temps de travail, le pauvre Taekwoon n'était plus qu'une loque, se traînant à moitié à genoux dans les escaliers parce qu'un de ses clients avait été trop violent. Soyou était exaspérée de devoir souvent ramasser l'hybride à la petite cuillère, chaque matin. Elle grommelait, pestant contre ses clients qui lui brisaient à moitié son gagne-pain. La vieille femme, bien qu'autoritaire et cruelle dans sa façon d'utiliser Taekwoon pour payer ses dettes, était bonne à sa manière. C'était elle qui le soignait lorsqu'il était malade ou salement amoché après son service, elle qui lui apportait à manger, qui s'occupait un peu de lui comme elle l'aurait fait avec un petit-fils. Pourtant, bien qu'il lui soit reconnaissant de l'avoir nourri et logé, Taekwoon n'arrivait pas à l'aimer, même un peu. C'était, après tout, à cause d'elle qu'il se salissait un peu plus chaque jour. Alors il se contenter de la respecter, sans l'aimer ni la haïr.