4.1- Les Rêveurs.

31 9 18
                                    

— Réalises-tu ce que cela implique ? s’inquiète le vieux guide.

— Est-ce que nous avons le choix ? Nous devons transmettre ce don aux autres !

— C’est la façon de faire  que je désapprouve, pas l’idée elle-même. Tu ne leur donnes pas le choix.

— Allons, père. Vous savez bien que nous savons déjà que ceux-là sont particuliers. C’est à nous tous dans nos mondes de les repérer.

Dreamer était inquiet. Même s'il avait perçu la lueur, il n’avait aucune certitude.

Il se faisait vieux et contrairement à son ami Illusia, il n’était pas “presque” immortel.

Toutes les nuits depuis qu’ils étaient partis, il se réveillait en sursaut, revivant le moment où son père et lui avaient eu cette conversation.

Avaient-ils eu raison de faire cela ?

Son père avait, en son temps, repéré des enfants ayant une imagination très développée. Il les avait entraînés, leur avait appris comment stimuler celle-ci.

Puis, il les avait incités à choisir des mondes pour leur voyage initiatique. Certains étaient revenus, d’autres non. Des familles avaient été  déchirées à jamais. Pourtant, il aurait suffi d’expliquer que leur progéniture allait bien, n’est-ce pas ?

Il avait pris le parti de se taire, sciemment.

Ces enfants avaient fondé des familles  à leur tour.

            ***

Au décès de son père, malgré son jeune âge, c’était lui qui était devenu le nouveau Guide. Il avait continué, envoyant des adolescents dans d’autres mondes.

Un jour, un inconnu était arrivé par une des portes des rêves, celles qui ne s’ouvrent qu’aux initiés.

C’était la première fois que cela arrivait. Il arrivait d'un autre monde : Chiméria.

Dreamer l’avait installé chez lui, évitant ainsi toute question gênante. Ce jeune étranger était grand, plutôt bien bâti avec un sourire accroché quasi continuellement sur le visage.

Très vite, il s’était lié avec un jeune Imagien, Papiou. Tout le monde pouvait les apercevoir, discutant ensemble, toujours en mouvement, les yeux ouverts sur le monde, rigolant.

Papiou avait été un de ces jeunes  destinés à partir. Mais, à sa grande surprise, il était revenu, avec des rêves à raconter aux enfants.

Très vite, il devint le conteur de la cité. Ces légendes faisaient le bonheur des petits et très souvent des grands.

Il va sans dire que Dairer, le jeune Chimerien, faisait partie de ceux-là et que parfois, il enchantait le public quand à son tour, il prenait la parole.

Je me rappelle très bien cette veillée très particulière. Il racontait une légende de chez lui. Le silence était complet, seule sa voix résonnait.

Alors l’enfant leva les yeux au ciel, à côté des nombreuses étoiles, il y avait la lune d’un bel orange cette nuit-là. Il était triste, et ressentait le besoin d’avoir un ami. Et à l’instant il vit le clin d’œil de la lune...

L’auditoire était captivé par sa voix chaude et son sourire bienveillant. Et au milieu d’eux une ombre, plus attentive que les autres, buvait ses paroles.

Mebui était tout
ouïe, et son regard sur le conteur était relativement explicite.

Elle avait une peau très foncée par rapport aux autres jeunes de la cité.  Son voyage initiatique était prévu pour l’année prochaine.

Très vite, il remarqua que Dairer partageait son temps entre Papiou et Mebui.

À Imagia, il n’y a pas vraiment de règles strictes concernant les relations amoureuses. Les familles vivent ensemble jusqu’au voyage initiatique, puis les enfants partent du domicile parental. Entre ces deux périodes, des relations se créent, plus ou moins longues.

Il devait, en tant que Guide et hôte de Dairer, en discuter avec lui.

— Je t’ai vu avec Mabui, tu sais ? Il te faut réfléchir à l’avenir. Cela fait bientôt six mois que tu es là. Comptes- tu rester, Dairer ?

— Je suis bien ici. La vie y est paisible. Les carcans n’existent pas comme chez moi. Tu connais la vie à Chiméria, Dreamer ?

— Je suis le gardien des Imagiens. Leurs rêves sont le secret de leur vie, ils leur permettent de choisir leur destinée. Il est de mon devoir de connaître l’endroit où je les envoie. Certains décident d’y rester, d’autres préfèrent revenir.  Papiou a fait ce choix, il a sa place ici.

— Je ne sais pas encore où est la mienne, Dreamer mais je sais que je ne resterai pas ici. Je veux voyager, rencontrer d’autres personnes, d’autres cultures.

— C’est ce que je pensais. Dis-le à Mabui. Le reste vous regarde.

Dairer quitta Imagia quelques mois après. Il ne rentrait pas sur Chiméria.

Pourquoi pensait il à tout cela maintenant ? Dairer était décédé depuis quelques années maintenant.

Lui n’avait jamais voyagé autrement que par les rêves et les pensées des autres. Il ne regrettait rien.

Dairer n’avait pas été le seul étranger à venir. Certains restaient quelques temps, d’autres s’installaient définitivement.

Et là, les mondes souffraient, certains commençaient à disparaître. Alors ils avaient décidé de les rassembler. Pour combattre.

DREAMSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant