Sur le moment, elle ne comprit pas. Puis, découvrant le regard attentif, à la limite de l'inquiétude de ces deux voisins, elle réalisa qu'ils attendaient qu'elle parle.
- Arrête de nous faire languir ! lâcha Miha. Raconte.
- Raconter quoi ? Vous les avez vu comme moi, non ? Les couleurs étaient resplendissantes. Est-ce qu'ils se sont envolés ?
Ma voix partait dans les aigus comme lorsque je suis surexcitée. Et c'était le cas. Je n'avais pas eu le temps d'analyser vraiment ce que j'avais vu. Mais je supposais d'où cela venait.
Les hommes avaient dû faire comme Laori et me montrer une image.
- J'ai aperçu une lueur puis deux puis une nuée de papillons comme il est marqué sur le papier. Qu'as-tu vu, toi ? questionné-je Miha .
- Rien, répliqua celui-ci dépité. C'était juste pour toi et les quelques autres capables de voir. Smar, peux- tu nous dire ce que tu as aperçu ?
- Sensiblement la même chose que toi, Sahona et en même temps, il est fort à parier que les couleurs et les formes des ailes ont dû varier. Les hommes qui ont déclenché cela sont des Evasoïs.
Je regardais les hommes. Non, je les détaillais plutôt.
- Tous ne sont pas des taupes, précisa Païsa, moqueur, qui décidément me déchiffrait un peu trop bien.
- Tu connais Laori ? C'est lui qui vous a emmené ? Est-il reparti, j'aimerai tellement le revoir, interrogea Smar ?
- Il est dehors, logiquement mais sera-t-il visible, c'est une autre question.
- Je vais découvrir cela très vite , répond-il en se faufilant vers l'entrée.
Je restais abasourdie. L'homme qui m'avait confiée le billet s'approchait de nous, souriant. Il me mettait mal à l'aise depuis le début. Comme s'il attendait de moi des actions impossibles. Laori avait parlé d'une imagination débordante. Bien sûr qu'elle l'était ! Papiou et Dreamer n'avaient, durant toute mon enfance et mon adolescence, eu de cesse que de la motiver.
De lointains souvenirs remontaient à la surface, j'avais peut-être une dizaine d'années et je passais beaucoup de temps avec mon grand-père.
- Sahona, veux-tu faire un jeu avec moi ?
- Bien sûr, Papiou.
- Alors ferme tes yeux et écoute juste ma voix. Oublie tout le reste. Obture le moindre son, ne sens plus aucune odeur. Seule ma voix compte.
Tout me revient. Sa voix qui me pénétrait, et m'amenait à contrôler tous mes autres sens. Il m'avait fallu des semaines avant de réussir à garder les yeux fermés pendant toute la séance. Le monde autour de moi était une source d'émerveillement continuel. Et subitement, me fermer à cela me demandait une concentration très forte.
Puis, il m'ouvrit littéralement l'esprit, me faisant utiliser tous mes sens. Il m'apprit à voir avec mon odorat. Chaque odeur devenait une image dans mon esprit. Chaque son était décortiqué de la même façon.C'était épuisant car très souvent Dreamer enchaînait avec ses propres entraînements.
Je n'avais jamais réalisé à quoi cela pourrait bien me servir et n'avait pas osé demander à mon grand-père, de peur de le décevoir peut-être. Ma naïveté était telle que je croyais que tous les autres enfants subissaient le même entraînement. Je réalisais à cet instant que non seulement c'était faux mais qu'apparemment Dreamer avait fait d'autres choix pour moi.
-Je sens que tout prend place, n'est-ce pas ? commenta Paīsa. Je ne voulais pas te l'expliquer avant de partir. Dreamer a accepté mon choix.
- Je ne suis pas si certaine de ce que j'ai compris,tu sais.
- Et pourquoi ne pas essayer de nous faire une démonstration ? demanda l'homme.
- Sven, gronda Miha.
- Elle meurt d'envie d'essayer, tu le vois bien. Arrêtez de la materner, nous n'avons plus le temps pour cela. Sahona, as-tu envie de tenter une expérience ? Aucune douleur je te l'assure.
-Je ne sais pas comment faire.
- Concentre-toi sur une image, c'est tout. Je te servirai de passeur, expliqua Sven, derrière lui Miha me fit un signe d'approbation pour me rassurer.
- De passeur ? Je veux une explication avant toute chose.
- Pour l'instant, tu as besoin de quelqu'un pour transmettre. Cela ne durera pas. Smar n'en a plus besoin. Donne-moi ta main droite. Païsa, tu veux bien être son récepteur ?
- Avec plaisir. Sahona, tu as juste à te laisser aller. Imaginer ne devrait pas être un problème pour toi. Sven sert de transmetteur, moi je recevrai l'image que tu vas créer.
- Je peux faire cela ? Tu en es sûr ?
- Arrête de réfléchir, laisse-toi aller.
Je prenais la main de Sven. Elle était grande et sèche mais ce n'était pas le problème. Comme me l'avait appris Papiou, je fermais les yeux pour me couper du monde extérieur. Puis mes oreilles obturèrent les bruits aux alentours. Il ne me restait qu'à me laisser aller.
Il avait toujours été à mes côtés, grâce à Papiou. Celui-ci m'avait racontée l'histoire de cet oiseau pour que je puisse en rêver lorsque je faisais des cauchemars. Il était de toutes les couleurs, mais son chant était mélodieux.
Ces ailes aujourd'hui étaient un dégradé du rouge au jaune. Son bec était d'un bleu très vif. Il volait autour de mon grand-père en piaillant comme un perroquet, ce qui provoquait chez celui-ci des éclats de rire.
Je ne regardais pas Sohana, elle était dans son élément. Par contre le comportement de Païsa était fort intéressant. Son visage était un parfait miroir de ses ressentis. Au tout début, il était figé, le visage stoïque, le sourire inexistant. Puis, son corps avait semblé se détendre, ses yeux s'illuminer. Ses bras qui étaient restés le long de son corps, se mirent en mouvement, et naturellement une de ses mains atterrit dans sa poche. Puis, il commença à rire.
J'étais presque jaloux de mon meilleur ami, de ce qu'il vivait à l'instant même à travers l'esprit de la jeune Imagienne. Mon esprit était paraît-il trop cartésien, m'empêchant cet accès à l'imagination. J'étais l'instrument, celui qui organisait la sécurité autour d'eux. Ces "rêveurs" capables de transmettre des images, de faire ressentir tout un panel d'émotions qui disparaissaient petit à petit de tous les mondes.
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DREAMS
ParanormalDes mondes merveilleux aux noms évocateurs : Imagia, Chiméria. Des personnages qui s'y promeneront : Sahona, Païsa, Dreamer. Rêves ou cauchemars, l'imagination est le pilier de cette histoire.