Du ciel et de l'âme

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La pluie... quelle merde!! Mais c'est vrai quoi! Qui peut bien aimer la pluie? Elle vous trempe jusqu'aux os si vous avez le malheur d'oublier votre parapluie, vous gèle le corps et attire les maladies tel que le rhume ou la grippe. Pff! Si je pouvais bannir une saloperie du monde, ce serait celle-là. Et les plantes? Je m'en moque pas mal. On les arrosera, point barre.

Trop occupé à chialer contre cette stupidité, je ne me rend pas compte que quelqu'un m'appelle. Je me demande ce qu'elle me veut encore, elle. Ne voit-elle pas que je ne désire pas lui répondre? Enfin bref, soyons poli pour une fois.

- Quoi? Dis-je en me forçant pour de ne pas paraître trop bête.

La jeune femme me lance un regard qui se veut courtois, mais on ne peut pas me tromper. Je sais bien que ça ne lui fait pas plaisir de s'adresser à un vieillard grincheux comme moi. Tant mieux. Notre "conversation" risque d'être très brève.

- Excusez-moi, monsieur. Je voulais juste vous informez que votre canne écrase mon écharpe.

Elle me pointe la fameuse écharpe. Ah. En effet, elle a raison. Son accessoire rose bonbon est bien sous le poids de la canne en métal. Pauvre chose. Je me demande si le foulard serait plus jolie en le portant dans la marre boueuse qui se trouve tout proche de nous. La tentation est présente.

En attendant que j'agisse, la jeune femme - trop maquillée, selon moi- me regarde toujours en essayant de cacher son envie de déguerpir avec des yeux faussement doux. Je soupire et prend le manche de ma canne avant de la soulever. Les secondes passent et l'autre pimbêche en face de moi comprend alors que ce n'est pas moi qui va se pencher pour ramasser cette horreur. Elle courbe le dos afin de la prendre et grimace de dégoût en voyant qu'elle est légèrement trempée et sale. Là, c'est pas mon problème. La femme ne m'adresse aucun remerciement et s'éloigne, l'air un peu pressé. Je pose ma canne au sol, puis je tente de soulever mon pauvre corps avec ce seul soutien pour m'aider. Une fois debout, je râle en commençant ma marche. Je quitte ce maudit parc et prend la route en direction de chez moi.

Serrure de mes deux! Voudrais-tu t'ouvrir, seigneur?! Je poireaute devant mon entrée depuis cinq minutes. Ma clef est trop barge pour faire ce pour quoi elle existe: déverrouiller ma porte.

- Monsieur Savard? Besoin d'un coup de main?

Oh non. Tout mais pas lui. Je grogne avant de me tourner.

- Non, merci.

- Laissez-moi faire, voyons!

Il me prend la clef des mains et essaie à son tour. Ça marche. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens que je vais péter un câble. Sans un mot, je me dépêche de rentrer et tente de fermer ma porte.

- Attendez!

Il bloque son pied dans le peu d'espace qui reste. Mais va-t-il me lâcher, un jour?!

- Votre clef!

Ah oui, c'est vrai. Je le laisse passer sa main dans l'ouverture et lui reprend l'objet. Aussitôt que tous les membres de son corps se soient retirés de mon entrée, je claque la porte et souffle. Il m'énerve à un point tel! En fait, le monde entier m'insupporte.

J'ai soif soudainement. Donc, je vais vers mon frigo et sort une cruche d'eau. Je me sers un verre, puis range la cruche. Palpitant comme vie, n'est-ce pas? Je ne sais même pas pourquoi je traîne encore dans ce monde. Il me semble que j'ai fait mon temps. J'ai vécu soixante douze ans et des poussière, c'est suffisant. J'ai eu le temps de grandir dans une bonne famille, d'avoir un métier sans prise de tête... J'ai pu vivre aux côtés de ma Nadia chérie, me marier avec elle et... non, je n'ai pas pu avoir d'enfant. Ma pauvre femme a rendu l'âme il y a de cela bien longtemps. Je m'en souviendrai toujours...

Le jour de son décès, il pleuvait. Il pleuvait comme aujourd'hui. Et comme aujourd'hui, j'étais assis dans mon fauteuil abîmé et je fixais le vide. Je tentais de ne pas craqué, de me dire qu'il y a pire dans ce monde. Mais j'emmerde les autres. Personne ne peut comprendre pourquoi je suis d'une humeur si maussade. Personne ne voit la peine et la douleur qui me ronge lorsque la pluie vient se déverser sur nos terres et nos têtes. Les souvenirs qui m'agressent comme les griffes d'une bête. Ils me font souffrir, me donne envie de mourir. Comment être heureux dans ces moments de pure torture? Les gens ne comprennent rien. Ils jugent sans remord ni sans prendre le temps de savoir la vérité. Ils me regardent comme si je n'étais qu'un ancêtre qui crache sur la vie parce que je suis vieux et que les vieux sont systématiquement grincheux. Foutaise. J'en veux juste à la vie de m'avoir enlevé celle que j'aimais. Je n'avais rien fait de mal. Je ne méritais pas cela.

Maintenant ma vue est brouillée par les larmes silencieuses qui parcourent ma peau usé par le temps . Je décide de poser mon verre sur la petite table juste à ma gauche et soupire. Ma main vint automatiquement essuyer l'eau salée de mon visage.

Je n'ai envie de rien en ce moment. Mon moral vient de chuter d'un cran. Remarque, il n'était pas bien haut de toute façon. 

Bref, je finis par reprendre mon verre et boit la totalité de l'eau qu'il contient à grandes gorgées et me leva de nouveau pour aller porter le contenant sur le comptoir où deux assiettes en plastique multicolore et un bol de céramique blanc traînent depuis la veille.

Ensuite, je parcoure le couloir pour me rendre dans ma chambre. Je m'assois sur le lit après avoir enfilé un pyjama et dépose ma canne sur le bord de la commode. Je m'étire un peu pour éteindre la lumière et me couche en montant la couverture jusqu'à mon menton. Mes paupières se font de plus en plus lourdes et c'est en revoyant l'image de ma belle et tendre Nadia que je décide de prendre la main que le sommeil me tendait.

Une plume pour écrire...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant