Chapitre 4 : L'ombre noire

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Nous étions dans notre lit, en attendant que mes parents trouvent le sommeil.  Ces derniers étaient vraiment bizarres : ils avaient même fermé la porte de la maison à clé. Mais ce n'était sûrement pas pour que les voleurs n'entrent pas, mais pour qu'on ne sorte pas.

J'ai regardé du côté de mes parents, et j'ai constaté qu'ils dormaient à poings fermés. Alors je suis allée vers Djenn, et je lui chuchoté :

— Ils dorment.

— Parfait.

Il s'est levé et je suis allée chercher la clé pendant qu'il prenait les hamacs. Heureusement, j'avais pris soin de regarder où mes parents l'avaient cachée. Elle était dans le deuxième tiroir de la commode. Je l'ai prise en veillant à ne pas faire de bruit, avant de rejoindre Djenn devant la porte.

— On y va, a dit mon frère.

— Ouais ! 

Nous avons couru sans faire trop de bruit jusqu'à la place centrale, on y a laissé les hamacs, et nous sommes allés chercher nos amis. 

Arrivée devant la maison de Maïwen, j'ai constaté en regardant par la fenêtre que ses parents étaient encore debout. J'ai aperçu mon amie dans sa chambre, et j'ai ramassé un caillou que j'ai lancé sur sa vitre. Elle n'a pas tardé à ouvrir la fenêtre.

— Déjà ? Mes parents sont toujours debout, a-t-elle soupiré.

— Oui, j'ai vu. Est-ce qu'ils vont tarder à s'endormir ?

— Attends, j'ai une meilleure idée : je leurs dis que je vais me coucher et ensuite je te rejoins.

— D'accord, je t'attendrais à la place. Mais comment vas-tu sortir ?

— Par la fenêtre, a répondu mon amie comme si j'étais bête.

Après avoir détaillé du regard la distance qui la séparait du sol, j'ai froncé les sourcils.

— Euh, elle est à quatre mètres de hauteur. Tu veux te suicider ?

— Pas celle-là, l'autre, a-t-elle dit en pointant du doigt la fenêtre en-dessous.

— D'accord, je t'attends la-bas.

Maïwen m'a fait un signe de la main et je suis repartie vers la place.

Assise sur un banc, j'attendais. Deux minutes étaient passées, quand soudain un lampadaire s'éteignit. Puis deux, puis trois, puis quatre... Plusieurs fanals s'étaient éteints, et je commençais à avoir peur. Encore quelques autres lumières s'éteignirent, et bientôt, il ne restât plus que celles de cette place, et celles d'une allée devant moi. J'avais peur de me retrouver dans le noir complet, et brusquement, je me suis rappelée mes cauchemars. J'ai commencé à trembler en pensant : Maïwen, dépêche-toi ! J'ai tenté de me rassurer en me disant que ce n'était qu'une coupure d'électricité, mais j'avais peur, vraiment peur. Je ne pouvais pas non plus m'en aller, puisque toutes les rues étaient dans la noirceur totale. Cependant, il restait une avenue, la seule qui était toujours éclairée. J'ai regardé au bout de cette allée et j'ai eu un choc brutal. Je suis tombée en arrière avant de me frotter énergiquement les yeux.

   En me relevant, j'ai malheureusement constaté que je n'avais pas rêvé. L'ombre de mes cauchemars était là, juste au bout de l'allée, et elle s'avançait vers moi. 

  J'étais paralysée de peur, et l'ombre se rapprochait, de plus en plus... Les lampadaires s'éteignaient en clignotant sur son passage, ce qui signifiait que j'allais bientôt me retrouver dans le noir complet. Je tremblais de tous mes membres en pensant : je suis en train de rêver, je suis en train de rêver... Je n'arrivais pas à partir, mes jambes refusaient de m'obéir. Puis j'ai vu que tout mourait autour de cet être étrange : les fleurs fanaient, les feuilles des arbres brunissaient à vue d'œil. L'ombre était arrivée sur la place, et j'ai réussi à mieux la voir. C'était une masse sombre, comme un homme vêtu d'une cape noire en lambeaux qui flottaient autour de lui. Il portait une capuche qui masquait son visage, et bien que la partie du haut de son corps pouvait passer pour quelque chose réelle, la partie d'en bas ne l'était pas : c'était comme si cette créature disparaissait en commençant par les jambes, puisque sa cape était transparente à cet endroit. Ses pieds ne touchaient pas le sol, ou du moins ils n'émettaient aucun son. Et son pas était tellement fluide qu'on eût dit qu'elle glissait.

Je voulais m'enfuir, courir loin de cette ombre, mais je n'y arrivais pas. La créature n'était qu'à quelques mètres de moi. Je voulais me réveiller, maintenant. J'ai fermé les yeux. C'est alors que j'ai entendu le rire de l'un de mes amis. J'ai réussi à reprendre mes esprits et, dans un élan, j'ai détalé comme une folle.

Je courais dans les rues sombres, le plus vite possible, tentant d'éloigner cette chose de mes amis. J'ai tourné à droite, dans une rue salle et humide, ensuite à gauche, puis encore à droite. Je me suis arrêtée dans un détour pour regarder si l'ombre me suivait, et j'ai constaté avec horreur et soulagement en même temps, que c'était bien le cas. Horreur pour moi, soulagement pour mes amis. J'ai recommencé à courir. J'ai tourné dans une ruelle pleine de flaques d'eau, puis dans un croisement, j'ai pris à gauche, dans une allée bordée d'arbres. Cette rue n'en finissait pas, et j'étais à bout de souffle. 

Je suis enfin arrivée à un autre croisement, et j'ai tourné à gauche. J'ai regardé en arrière : l'ombre me suivait toujours, infatigable. Et elle ne bondissait pas en courant : elle glissait vraiment. Décidément, cette chose n'était pas humaine. J'ai pris à droite dans une rue plus sombre que les autres, en tentant de doubler ma vitesse, mais je fatiguais. Je me suis donc arrêtée puisque mon corps n'en pouvait plus. Le monstre noir est arrivé devant moi. Je n'avais plus la force de courir, mais peut-être de lancer un objet. Justement, un morceau de béton plutôt volumineux traînait sur le trottoir. Je l'ai attrapé rapidement, puis en hurlant, je l'ai lancé sur l'ombre. Le bloc est passé à travers son corps, redoublant ma frayeur. Même si je n'avais presque aucune force, j'ai tout de même détalé dans la direction opposée. 

  C'est alors que ce qui ne devait pas arriver arriva. J'ai trébuché à cause d'une maudite pierre, et j'ai rencontré le sol dans un grand fracas. L'ombre n'était pas en vue, mais je savais qu'elle était toujours sur ma trace. J'avais les mains en sang, et mes jambes me faisaient atrocement mal. Alors j'ai utilisé la seule possibilité : j'ai rampé vers une voiture et me suis glissée dessous. Je me suis immobilisée en apercevant l'ombre, et j'ai retenu ma respiration. Cette créature n'émettait aucun son en se déplaçant. Pourvu qu'elle ne me voie pas, ai-je prié. Malheureusement, si. L'ombre s'est rapprochée de moi. J'ai alors senti une main invisible me saisir par la taille et me tirer vers le monstre noir.

— Non ! ai-je hurlé désespérément.

Je lévitais lentement vers lui, et j'ai vu les yeux rouges et brillants de cet être. 

Puis soudain, alors que je tentais désespérément de me libérer, l'ombre s'est comme dilatée, réduite en poussière. Et à sa place il n'y avait plus qu'un tas de cendres. J'ai alors vu une silhouette qui courait. Sans avoir eu le temps de bien la regarder, je me suis écrasée durement par terre en plongeant dans l'inconscience.



Les pouvoirs de la lune obscureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant