8. L'enquête

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1. L'enquête

Le lendemain de l'arrivée, trois groupes se formèrent assez naturellement. Ohjiro resta toute la matinée pour discuter avec la logeuse, une vieille femme au visage aussi souriant que ridé. Un des jeux préférés des vacanciers était de parier sur son âge. L'île était bien connue pour héberger un taux de centenaire bien supérieur à la normale. Pour expliquer cette particularité, certaines rumeurs parlaient d'une plante source de jeunesse, la fleur de getto. D'autres analyses plus scientifiques mettaient en avant le style de vie des plus sains des autochtones. Il y avait d'ailleurs là une rupture totale entre la vieille génération et la nouvelle. Pour plaire aux quelques vingt milles militaires américains en station sur l'île depuis la fin de la seconde guerre mondiale, de nombreux fast-foods et autres Steakhouse avaient ouvert, amenant de plus en plus de jeune à délaisser la nourriture traditionnelle pour le hamburger. La discussion occupa Ohjiro de nombreuses heures. Entre propriétaire d'auberge, ils avaient bien des anecdotes à se raconter.

Histoire de mettre les choses au clair, Cécile et Akito décidèrent de profiter du beau temps pour se promener un peu et discuter. Leur relation ne pouvait pas continuer sur de mauvaises bases.

Du coup, Akémi ne put compter que sur Ydaï pour sa chasse au trésor. L'adolescent aux yeux de chats n'avait aucune idée réelle de ce qu'il cherchait, mais avait mis en place une bonne stratégie. Il avait acquis la certitude qu'Aaron avait passé des vacances sur cette île entre la sixième et la cinquième. À la rentrée, le brunet était arrivé en cours avec un bronzage presque parfait et du goya dans un sac. Il avait trouvé drôle de faire goûter cette sorte de courge amère crue à ses camarades de classe, simplement pour s'amuser. Akémi s'en souvenait très bien, il avait recraché sa part dans une poubelle. Or, cette plante était une des spécialités locales. C'était en tout cas ce qu'il avait découvert après ses longues recherches documentaires. Du coup, armé d'une photo d'Aaron d'époque dans la main droite et de son poème transcrit en hiragana dans la gauche, le lycéen se mit en tête de parcourir l'île à la rencontre des habitants pour leur demander si un petit gaijin aux cheveux et yeux noirs et à la peau blanche ne les avait pas marqués il y avait de cela quelques étés, et si sa prose les faisait penser à quoi que ce soit. Ydaï, lui était en charge de photographier tous les lieux parcourus sous toutes les coutures, au cas où un détail leur échappait lors de leur passage. Commençant par la capitale régionale Naha située à quelques minutes de leur auberge en bus, ils visitèrent en tout premier la rue Kokusai et ses 1,6 kilomètres de boutiques et restaurants, puis le célèbre marché de Makishi, à Nara. S'ils n'avancèrent pas énormément dans leur enquête, au moins purent-ils se remplir le ventre avec de l'Umibudo et confirmer qu'en plus du salé, du sucré, de l'acide et de l'amer, il existait bien une saveur nommée umami qui ravissait les papilles. En gros, c'était tout simplement trop bon. Pour le reste, les yeux furent aussi comblés que l'estomac. Les étals de poissons aux teintes multicolores s'étendant à perte de vue formaient un spectacle magnifique. Pour certains, on aurait presque pu parler de joyaux, ce qui fit penser à Akémi que là se trouvait peut-être son trésor. Après tout, ces animaux marins provenaient du royaume de Ryujin, le dieu de l'océan, et valaient bien des émeraudes, des saphirs et des rubis, d'autant plus que leurs écailles brillaient de mille éclats.

Pourtant, ce n'était pas ça. Il manquait le Mon doré que, toujours, l'adolescent cherchait. C'était sa priorité numéro un : mettre la main sur un cercle de couleur jaune symbolisant un emblème ou autre chose. Il ne savait toujours pas exactement quoi, même si l'étude de l'héraldique locale lui avait donné quelques pistes. L'une d'entre elle était de fouiner aux alentours du Shureimon, une des portes principales du château de Shuri et « Trésor National ». On la retrouvait d'ailleurs sur quelques billets de deux milles yens édités au début des années deux mille. Malheureusement, après une étude attentive des lieux, les deux adolescents durent se rendre à l'évidence : ils faisaient complétement fausse route.

AkémiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant