Peter Pan

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1.

Trois pas.

Le vent siffle dans mes oreilles alors que les larmes descendent le long de mes joues. Mes muscles se plient automatiquement et mon pied se pose sur l'herbe mouillée par la rosée.

Deux pas.

Le vide me parait plus proche que jamais. Les derniers rayons du soleil effleurent mon visage avant de disparaître au large de la mer.

Un pas.

La lumière que dégage le dernier soleil se reflète faiblement sur l'eau, créant une atmosphère irréelle. Les falaises semblent faire barrage à cette lumière, laissant la vallée lointaine dans l'obscurité. L'obscurité... Elle m'appelle et, incapable de lutter contre son attraction, je franchi mon dernier pas le cœur léger.

Je tombe. La panique me gagne peu à peu alors que le paysage défile à toute allure devant mes yeux. Je me recroqueville sur moi même, attendant l'instant fatal ou je m'écraserai sur le sol. Mais ce moment ne vint pas: quand j'eu ré-ouvert les yeux, je me tenais dans les bras d'un jeune garçon, flottant au dessus du sol. Je cru d'abord que c'était un ange mais je reconnais encore les falaise et la vallée en dessous de moi. J'étouffe un cri, essayant de comprendre ce qu'il s'est passé, mais la réponse est devant moi, ses yeux bleus étincelants pointés sur moi.

"Qui t'as poussé de là-haut?" dit-il simplement. Son visage est voilé d'incompréhension et je comprends que jamais il ne s'est imaginé que j'ai tenté de m'arracher la vie. Son visage est comme celui d'un jeune enfant essayant de comprendre quelque chose mais il a les traits d'un jeune homme endurcit par la vie.

Je tente faiblement de lui répondre quelque chose mais aucun son ne parvint à sortir de ma bouche. Il hoche la tête et comprend que je serai plus à l'aise une fois que l'on aura regagner la terre ferme et en un mouvement de buste, il commence doucement sa descente vers la vallée.

2.

Nos pas résonnent sur la chaussé mais sont tout de suite étouffés par les bruits de la fête foraine. Au fur et à mesure de notre avancée la musique se fait de plus en plus forte et les cris des enfants dans les attractions nous percutent de plein fouet. Un sourire se dessine sur mes lèvres alors qu'on franchi le portail d'entrée. Je regarde autour de moi et me délecte de cette ambiance festive; laissant l'odeur des churros et de la barba papa faire remonter en moi des souvenirs d'enfance. Je tourne la tête et explose de rire à la vue de Peter effrayé par le clown qui veux lui serrer la main.

"Ne t'inquiète pas, je suis là! Souffles un coup et profite juste de cette journée!

Il hoche la tête et sans avoir le temps de dire quelque chose, je l'entraîne à travers la foule. Je cours, évitant de justesse les passants et m'arrête devant les montagnes russes. Un wagon passe à toute vitesse devant nous, emportant les cris des passagers. Peter bondit sur ses pieds, prêt à les secourir mais ma main se resserre autour de la sienne: Je lui explique le principe des manèges et, peu convaincu, il prend place dans le wagon. Le reste de la journée se déroula sans trop de problèmes (hormis le moment ou il a renversé sa glace sur le tête d'un petit garçon, ce qui nous a laissé plié de rire pendant une bonne dizaine de minutes)...

Je réalise à quel point je tenait à ce garçon étrange, à ses manières peu communes, à ses capacités hors-normes. Je le regarde et vois le garçon blessé par son passé et qui essaie de se reconstruire, je vois ses yeux bleus qui pétillent de magie et d'aventures, son sourire magnifique qui me donne une soudaine envie de l'embrasser passionnément. J'en veux à mon cœur de s'être emballé pour ce garçon mais je sais que je ne le regretterai pas.

La nuit tombe lentement alors que l'on embarque dans la grande roue. Sous nos yeux le ciel s'éteint et Paris s'allume, la tour Eiffel pointe son nez parmi les bâtiments et nous force à regarder le ciel. Je me blottie contre Peter, le cœur léger et les idées claires.

Un cri perçant me sort de ma rêverie et me ramène brusquement à la réalité. En se penchant par la fenêtre, on aperçu l'une des cabines de la roue se décrocher, une jeune femme en larmes à l'intérieur. Ni une, ni deux, Peter s'élance de la fenêtre et sort la femme de la cabine avant que celle-ci ne s'écrase lourdement sur le sol. Un murmure de stupéfaction parcoure la foule qui regarde le garçon volant avec des yeux ronds . Les policiers chargés de la sécurité de la fête se mirent crier:

"C'est un des leurs, attrapez-le!"

Le visage de mon ami s'assombri et il posa la jeune femme encore ému dans notre cabine avant de disparaître vers l'horizon.

Des larmes coulent lentement le long de mes joues: ce n'est pas juste, il a sauvé une vie et ils veulent prendre la sienne, juste parce qu'il est différent? La rage monte peu à peu en moi et une fois descendu de la grande roue, deux hommes en uniformes viennent me questionner:

"Mademoiselle, pourriez-nous nous décrire le monstre qui était en votre compagnie? Vous a t-il menacé ou tout autre acte de barbarie de ce genre? Si par ailleurs vous avez la moindre information à nous transmettre, sachez que..."

Ma colère monte d'un cran. Comment osent ils le traiter de monstre? De quel droit s'en prennent t-ils à lui? Dans un murmure de haine je leurs réponds:

"Il a sauvé une vie. Sans lui, cette femme serai morte et vous voulez quand même sa peau. De lui ou de vous, qui est vraiment le monstre?"

D'un pas décidé, je marche, ignorant les cris des deux hommes et les regards des passants. Les larmes continuent de couler sur mes joues rougies par le froid. Je me sens coupable d'avoir emmené Peter dans un lieu aussi fréquenté que celui-ci mais j'en veux principalement à ceux qui les ont fais, lui et ses semblables, détester et craindre de la population.


3.

Tap tap tap.

C'est le bruit des coups de ma mère contre la porte de ma chambre. Recroquevillée dans un coin de la pièce je suis incapable de bouger ou même de parler.

Tap tap tap.

C'est le bruit des coups qui martèlent ma tête, reflétant les battements de mon cœur. Je le sens s'affoler et battre à toute allure, me laissant un brouillard épais devant les yeux. Une douleur insoutenable m'arrache un hurlement et je sens deux fentes s'ouvrir entre mes omoplates. Incapable d'en supporter plus, je sombre dans l'inconscient, mon corps s'écroulant lourdement sur le sol.

Lorsque mes paupières se soulèvent à nouveau, J'aperçois son visage penché sur moi. Avant de lui demander comment il est parvenu à entrer dans ma chambre, je remarque la fenêtre ouverte et tente d'émettre un faible sourire. Me redresser m'arrache un gémissement et une douleur traverse mon dos lorsque mes plaies encore à vif entrent en contact avec le mur froid.

Alors que ma vue éclaircie je peux voir deux magnifiques ailes blanches immaculées de chaque cotés de mon corps . Je ne comprends pas ce qui m'arrive. C'est impossible. Je ne suis pas comme eux. Ma mère ne le supporterai pas. Mes yeux s'embuent de larmes et il me prend immédiatement dans ses bras.

"Je n'en veux pas..." Murmurai-je entre deux sanglots.

Suite à ces mots, Peter est prit d'un mouvement de recul et me regarda avec des yeux ronds.

"Jamais. Jamais tu ne reniera qui tu es. Elles font parties de toi désormais. Et je te promet que je t'aiderai à les contrôler. Je ne te laisserai pas tomber."

Un faible sourire se dessine sur mes lèvres. Je ne veux pas le décevoir. Lui qui m'a tant soutenu, lui pour qui mon pauvre cœur s'est emballé... Je me battrai jusqu'au bout!

ChambouléesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant