Chamboulées

Amour fantome

Je tends ma main et ferme les yeux, espérant que, dans l'espace d'un instant, je puisse le toucher. J'imagine le bout de nos doigts se frôler, puis s'entremêler jusqu'à sentir ma paume entièrement enveloppé par la sienne.
La chaleur de sa main me réchaufferai tout le corps et rien qu'à l'effet de son contact, le frissonnement que l'on ressent quand on aime une personne se propagerai dans tout mon organisme et viendrai combler mon bonheur.

Mais en ouvrant mes yeux, tout ce que je vois est le spectre d'un homme et ma main passant au travers de la sienne. Je ne ressens rien. Pas le moindre frisson. Ma main est juste suspendue dans l'air, attendant que je me décide à la faire bouger.

Il me regarde avec ses grands yeux tristes, comprenant ma douleur.

Dans son monde immatériel, il voit mon aura pleurer. Mon soldat de la guerre, bat toi pour la vie, toi qui es déjà mort, allume la flamme.
Allume la flamme et fais moi vivre, comme si tu étais encore là.

Sa main s'avance vers moi et mime d'essuyer les larmes qui coulent sur mes joues, mais encore une fois je ne sens rien.

Je le regarde, il n'a pas changé. Deux ans déjà ont passés, toujours les mêmes traces sur son visage, celles qu'il a depuis qu'il est mort et celles qu'il aura pour l'éternité.

La porte s'ouvrit à la volée et le viel antiquaire d'à côté surgit à travers le spectre de mon soldat.

Il est comme mon grand père et m'a vu grandir, il m'a aidé à vivre avec les fantômes et maintenant, il m'aide à rejoindre l'un d'entre eux.
Cet antiquaire ne les voit pas, mais a un bon sixième sens, à la vue de mes larmes, il se doute de la raison de mon chagrin.

-Allons mon sucre, sèche tes yeux et suis moi. J'ai peut être trouvé quelque chose.

Je le suis au fond de sa boutique, lieu cher à mon cœur où il me montre un miroir brisé que je ne connais trop que bien. Ce miroir m'a vu grandir et encore aujourd'hui, sais faire revenir en moi, tous ces souvenirs égarés.

Le miroir une fois décroché n'est plus le même. L'antiquaire le retourne, et des inscriptions qui m'étaient inconnues apparurent au dos. Je plissa les yeux mais arriva à déchiffrer les mots:
« Le miroir est brisé, entier il est la clé. Il voit les âmes perdues, celles qui veulent revenir, ou partir avec leurs élus. »

J'écarquille peu à peu les yeux en comprenant le message. Le miroir est la clé, il peut me sauver!
Le seul détail est qu'il n'est pas entier...

L'antiquaire sort de sa poche un mouchoir usé dans lequel sont disposés des fragments de miroir coupés. Je lève vers lui un regard plein d'espoir, et il me tend le précieux mouchoir.

Un par un et avec soin, je les replaces entre eux, et le miroir se réforme peu à peu.
Dans son cadre argenté, il n'y manque plus qu'une pièce, la dernière qu'il faut trouver.

Je remercie l'Antiquaire et sort en courant, suivi de près de mon soldat flottant.