Élève à la section danse de la Juilliard School, un prestigieux conservatoire situé à New York, Ally Owen compte bien atteindre son plus grand objectif : réussir le concours d'entrée pour intégrer le corps de ballet de l'Opéra de Paris. Ambitieuse e...
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Ally
À mesure que les secondes défilent, mon dos se crispe davantage contre le dossier de ma chaise. Le regard de Julian devient plus insistant, comme si ses yeux étaient devenus des lasers scannant mon cerveau pour comprendre le flot de mes pensées. Il attend une réponse et compte bien l’avoir. Prise de court par cette proposition, je romps le silence :
— Pourquoi moi ?
Je nage dans l’incompréhension la plus totale. Il s’agit de son travail, de son interview. Julian est du genre sociable, prévenant et débrouillard. Un chat qui retombe toujours sur ses pattes en cas d’imprévus, et Dieu sait qu’il en a connu, en vingt ans d’existence. Donc il peut très bien exécuter cette tâche tout seul.
Néanmoins, face à ma mine désemparée, mon meilleur ami finit par sortir l’artillerie lourde, celle contre laquelle je ne peux pas me mesurer : les yeux doux. Merde.
Il bat des cils comme une jolie biche, les nuances caramel de ses prunelles brillent et m’envoûtent. Il se mord ensuite la lèvre inférieure, une moue adorable qui fait fondre mon cœur. Non ! Te laisse par berner !
Si ça continue, il va me faire craquer et… Ça y est, je craque ! Je suis à sa merci et rien ne s’arrange quand il me souffle d’une petite voix :
— Ça me rassurerait, si tu venais avec moi. Je te demande juste de m’accompagner, tu n’auras rien à faire, je t’assure.
Une plainte s’échappe de mes lèvres et je me détourne de lui pour scruter les piétons déambulant dans les rues new yorkaises à travers la baie vitrée. Mon regard se trouble, il devient évasif.
— Je sais pas trop... J’ai conscience que c’est stupide, mais tout ce qui peut faire écho au rock me ramène à… tu sais quoi.
Mes entrailles se tordent, une remontée acide longe même ma trachée. À présent, même le goût du macchiato en bouche m’écœure. Remarquant mon trouble, le journaliste pose sa main sur la mienne. Je dévie ma tête pour le regarder en face. Il ne fait plus la moue. Julian a le visage grave et vient de se transformer en gardien : celui qui me protège, celui qui me relève et partage ma douleur.
— Je sais que ça ravive des choses difficiles chez toi, mais je me dis que ça pourrait t’aider à guérir. On y va petit à petit, sans pression. Il faut que tu chasses ces préjugés qui te rongent la tête. Il s’agira juste d’une simple interview, et puis…
Il marque une pause et serre sa prise sur ma main.
— … vois ça comme un service rendu à ton meilleur pote canon.