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seul chez lui, seul dans son âme, hotaru ne retenait ni les larmes, ni les sanglots, ni les cris qui lui échappaient. sa douleur hurlante qu'il contenait depuis trop longtemps devait s'enfuir, et il n'y avait qu'une seule échappatoire. il se dirigea d'un pas rapide vers son lit, ouvrant brutalement le petit tiroir, tandis que mitsuki secouait son bras frénétiquement, tentant de l'empêcher de franchir la limite.
du moins, c'est ce qu'il aurait souhaité.
– 《 hotaru ne fait pas ça! tu mérites beaucoup mieux! tu mérites de vivre, tu mérites d'être aimé... 》 mitsuki l'implorait, d'une voix chevrotante.
mais il s'en foutait, prenant entre ses deux frêles doigts gelés sa petite lame de rasoir; la rage bouillant dans son sang, s'asseyant furieusement sur son lit, sa main s'abattant sur l'interrupteur, la lumière éclairant son avant bras déjà bien martyrisé.
– 《 ne fais rien je t'en supplie, ne fais pas ça tu as déjà assez souffert, ta vie n'est pas encore terminée, tu doi-
– TA GUEULE!! 》
haletant, la tête entre ses mains, cet hurlement avait coulé de ses lèvres tremblantes; mitsuki s'était tue, s'était repliée sur elle-même, puis disparut. mais hotaru persistait à se hurler de la fermer, la voix brisée, vulnérable.
il était seul. dans sa tête il n'y avait rien que des pensées plus noires que le plus sombre noir qui existe. envahi par la négativité, la seule impression que le monde qui tournait autour de lui l'oubliait, le laissait sombrer, qu'il n'était fait ni pour la vie, ni pour le bonheur, ni pour l'amour. l'amour, ce qu'il avait appris à haïr, grâce à ryuku.
ryuku, qui n'était autre que le nom attribué à ce cumulonimbus dans son esprit, qui ronge sa sanité, qui agit tel un parasite, grignotant les moindres parcelles de joie, dévastant son humeur au quotidien. il l'avait convaincu de se haïr, il l'avait convaincu qu'il était inutile, il l'avait convaincu que peu importe ses quelconques réussites il y aurait toujours mieux que lui, que seules ses erreurs étaient représentatives de sa vie pathétique, que celle-ci ne signifiait rien.
il était comme drogué, à la meth, au lsd, à la mdma, mais c'était la douleur sa drogue; il ne pouvait se détacher de ce qui lui permettait de relâcher, de respirer, de souffrir physiquement plutôt que mentalement. la souffrance mentale, c'est celle qu'il pouvait dissimuler derrière un sourire, un rire, la fatigue. la souffrance physique, il ne la dissimulait que derrière ses manches; et quelque fois, il ne pouvait pas mentir. ça lui était impossible.
mais il pensait qu'après avoir fait le plus dur, il n'aurait plus à mentir. plus à s'inquiéter, plus à pleurer, se comparer, se rabaisser, se blâmer, se détester. un grand soulagement l'attendait, un au-delà tendre et chaleureux, en enfer.
personne ne percevait sa détresse, ses yeux hurlant "sauvez moi", ses larmes quotidiennement versées traduisant son affliction; il ne tenait plus. il en avait marre de souffrir sans que personne ne comprenne à quel point la vie lui était insoutenable. le lycée, les cours, les gens, tout était si ingérable. tout le dépassait; trop de difficulté, trop de déceptions, trop d'illusions. il n'en pouvait plus. si les mots ne leur importaient pas plus que ça, le sang le ferait.
une ligne. deux. trois. pas assez profond. il souffla un grand coup, en quête d'un semblant de courage parmi sa peine, et continua. plus fortement, plus douloureusement, plus atrocement. embrouillé par le flot de pensées corrompues qui se déversaient dans son esprit, il ne comprenait toujours pas comment il avait pu en arriver là. il était intelligent, malin, sympa, drôle; que s'était-il passé? qu'est-ce qui a mal tourné dans sa vie pour en arriver à des fins si obscures?
c'était certainement la nuit sombre de trop, celle qui avait fait valser tout espoir; qui avait fait flancher son âme désormais faible, impuissante, sous la puissance de cette nuée noire qui faisaient fuir toute positivité, qui l'astreignait à arborer un sourire aussi faux que lancinant, qui inquiétait tout le monde mais qui, par son égoïsme, le convainquait qu'il ne méritait que la douleur, même si elle savait qu'elle provoquait également celle des autres.
hotaru avait perdu tout optimisme. il avait perdu sa famille. il avait perdu ses amis. il avait perdu son avenir. il avait perdu son bonheur. et il allait perdre la vie. dans le fond, il s'était depuis longtemps perdu lui-même; désorienté, entre suivre le troupeau ou se démarquer. il avait toujours été différent, il le savait. il n'était pas comme les autres. et depuis toujours, c'était ça qui le tuait.
trois ans. ça faisait bien trois ans qu'il avait sombré dans cette pratique malsaine et dangereuse. au départ ce n'était que léger, même pas si méchant; mais pourtant c'était là, et c'était les prémices d'un haine de soi qui n'avait fait qu'accroître. et même s'il essayait de persuader les autres qu'il y avait toujours de l'espoir, il ne pouvait simplement pas s'y résoudre lui-même.
les autres étaient mieux, les autres savaient faire des choses, les autres avaient du talent, de la joie de vivre, un futur certain, du bonheur. et hotaru n'avait plus rien. il ne le méritait pas. il était brisé, triste, anéanti. seul. même entouré, d'inconnus, d'amis, de gens qui pouvaient l'aider, l'aimer, ils ne pouvaient pas le comprendre, le sauver. il se sentait si seul. il faisait si froid. tout comme le liquide écarlate qui désormais couvrait les plaies de plus en plus profondes parcourant le bras torturé du pauvre garçon.
ryuku l'avait envahi. il avait pris le contrôle, il l'avait privé de tout ce qu'il avait, il s'était emparé de son âme et l'avait déchirée, martyrisée, réduite à néant. et mitsuki avait abandonné, contrainte à disparaître de son existence, espérant qu'après le pire viendra le meilleur, qu'il parviendra enfin à trouver la paix dans la mort.
en rogne contre la vie et la peur de mourir s'étant volatilisée, la rage d'hotaru lui permis d'accomplir sa pénible tâche, cet acte de barbarie lui causant un bras quasi sectionné, l'estafilade béante longeant sa longueur. et puis il prit peur, en voyant la pléthore de sang qui déferlait; il pleura, il sanglota, il hurla ses poumons, en quête de sa famille. sa tendre famille qui allait terriblement lui manquer. il se leva brusquement, ses jambes désormais faibles vacillantes, il marcha d'un pas précipité vers la porte de sa chambre, l'ouvrant à la volée; parmi ses pleurs, il sanglotait l'appellation affectueuse de sa mère, le prénom de sa soeur. "à l'aide".
mais rien. personne n'était là. il n'y avait personne dans la maison. personne dans son âme. personne dans son coeur. il retourna dans sa chambre, prenant on ne sait combien de mouchoirs, les pressant de toutes ses forces, tentant de stopper l'hémorragie; mais en vain. meurtri, désemparé, annihilé, perdu, seul, il venait de comprendre, de réaliser; il ne voulait pas disparaître. il ne voulait pas mourir. mais les fins heureuses ne sont pas pour tout le monde. comme la vie. comme le bonheur.
le corps presque sans vie de hotaru jonchait le sol, comme l'amas de cruor qui s'en écoulait; il s'était effondré au sol, sa tête heurtant le carrelage froid, des larmes inondant son visage vermeil de souffrance et de regrets, ayant pris conscience du nombre de vies qu'il venait de condamner. et, avant de pousser son dernier soupir, il murmura quelques mots, étouffés par ses sanglots; quelques mots faibles, mais réels, sincères.
– 《 je suis désolé... je veux pas mourir... 》 et ces derniers mots firent écho, continuant de découler de ses lèvres violâtres.
et pourtant, la dernière parcelle de vie à laquelle il s'accrochait, venait tout juste de l'abandonner. comme auparavant, l'euphorie l'avait abandonné. le monde l'avait abandonné, tournait sans lui, l'avait laissé se battre, seul. mais il était déjà trop faible pour remporter la victoire. il s'était, par ses propres moyens, assez longtemps battu. mais il était épuisé. émotionnellement, physiquement. il ne pouvait plus le supporter.
et la mort emporta son âme mutilée et ses rêves brisés dans l'au-delà, dans l'infime dessein que là-bas, ils y trouveraient tous un vague calme, une quelconque paix, une terne sérénité.
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𝐬𝐞𝐮𝐥「 terminée.
Ficción General___ un garçon qui agonise en silence et un poison qu'il ne peut que consumer; même s'il lui brûle la trachée et lui déchire les poumons; mais surtout, qui ronge son âme et mutile son coeur. © JAIRAEL / janvier 2018-juin 2018.