Appel à l'aide

232 31 80
                                    

Je suis là, assise sur cette chaise, à les écouter parler. Ils sont tous là. Oui, tous mes proches sont là, assis en face de moi à me répéter qu'ils m'aiment, qu'ils ne pourront pas vivre sans moi, qu'ils ne s'en remettront jamais... Bla-bla-bla. Et puis il y a cette femme aussi, cette psychologue. La blague, elle dit qu'elle est là pour écouter, mais depuis le début, c'est elle qui parle le plus. En outre, quand elle parle, c'est pour dire que des conneries. Qu'est-ce qu'elle en sait, elle, que ça ira mieux après ? Elle voit l'avenir peut-être ? Non, alors qu'elle la ferme. Comment peut-elle dire que demain sera mieux qu'aujourd'hui ? Que l'avenir sera meilleur ? Que ce n'est qu'une mauvaise passe ? Elle ne peut pas, parce que c'est faux. Personne ne peut prédire le futur. Ce serait bien, mais ce n'est pas possible.

Je suis là, parce qu'on m'y a obligée. Tout ça parce qu'un jour, mon frère est rentré dans ma chambre sans frapper. D'habitude, je trouve le moyen de cacher mes scarifications, mais là, je n'ai pas eu le temps. Quand il a vu les cicatrices sur mes bras, il a tout de suite prévenu les parents. Putain de balance !
Bref, et du coup, je suis là, sur cette chaise, à les écouter déblatérer des conneries.

À ma droite, ma mère pleure toutes les larmes de son corps. En se demandant où elle a échoué.

À ma gauche, mon père tape frénétiquement du pied au sol, se retenant d'exploser en larmes. Je me demande bien pourquoi d'ailleurs, il est parti du jour au lendemain, il nous a tous abandonnés. Pourtant, aujourd'hui, il est là, à tenir la main de ma mère comme si de rien était. Désolée, mais ça ne marche pas, je ne te pardonnerais pas le mal que tu nous as fait. Alors en ce qui me concerne, tu peux partir, disparaître de nos vies pour toujours.

À côté, mon frère me fixe droit dans les yeux, les pupilles dilatées et le regard larmoyant comme pour me dire «si tu fais ça, jamais plus je ne t'aimerais et jamais je ne pardonnerais». C'est étrange parce qu'en temps normal sa phrase préférée c'était plutôt : «ne me parle pas, je ne t'aime pas, alors dégage». Bon, je sais bien qu'il ne le pense pas vraiment, cependant, ces quelques mots me font quand même atrocement souffrir et lui il s'en fiche. Mais, aujourd'hui, son intarissable refrain est devenu des mots doux, des paroles remplies d'amour. C'est comme si mon frère avait été échangé avec un robot qui lui ressemble, mais en version gentil. J'aime beaucoup cette nouvelle version, mais même ça, ça ne pourra pas me faire changer d'avis.

Enfin, la psychologue, elle est pile en face de moi, son bloc note à la main, à raconter tout un tas de choses aussi débiles les unes que les autres.

Et moi, je suis là, assise sur cette chaise, à compter les secondes jusqu'à ce que mon supplice se finisse enfin.

— Ma chérie, on t'aime tellement !

Sérieux ?

Vous m'aimez ?

Excusez-moi, mais j'ai peine à le croire. Cela fait plusieurs mois que je me mutile, pourtant, vous n'avez rien remarqué.

Où étiez-vous quand ma vie partait en vrille ?
Où étiez-vous quand j'avais besoin d'aide ?
Quand je souffrais ?
Quand je m'endormais tous les soirs en pleurant ?
Quand je vivais l'enfer tous les jours ?
Hein ?
Où étiez-vous ?
Quand je ne demandais qu'une chose, de l'attention !

Certes, je ne vous ai jamais dit clairement que je n'allais pas bien, mais vous auriez dû vous en rendre compte. Je ne mangeais plus, je ne dormais plus, je ne bougeais plus, je ne souriais plus... Toutes ces petites choses qui faisaient de moi ce que j'étais avaient disparu. Je dépérissais à vue d'œil. Vous êtes ma famille, mais vous n'avez rien vu. Aujourd'hui, il est trop tard. Je n'ai plus envie de me battre, de lutter. Je n'en ai plus la force. Je suis fatiguée, fatiguée de cette vie. Je veux juste... Partir... Oui, c'est ça, partir tout simplement.

— Mais, ma puce, pourquoi... tu nous fais ça ?

Pardon ? Je vous fais quoi ? J'ai du mal comprendre parce que ma décision ne vous concerne en rien. C'est pour moi et moi seule que je veux le faire. Pour personne d'autre. Est-ce si dur à comprendre ? Je sais que ça vous fera de la peine. Que mon départ vous fera souffrir. Mais c'est mon choix, ma décision. C'est sûrement égoïste de ma part, mais si vous m'aimez alors pardonnez-moi...

Je suis là, assise sur cette chaise, à les écouter parler. Ça doit faire plusieurs heures maintenant... Je commence à perdre patience.

Surtout qu'ils n'ont rien compris, si j'ai envie d'en finir ce n'est pas ça qui m'en empêchera.

Laissez-moi juste rentrer à la maison. Je ne ferais aucun bruit. Je ne dérangerais personne. Je m'enfermerai dans la salle de bain. Je ferai couler de l'eau bien chaude pour que le sang ne coagule pas. Je prendrai le cutter que j'ai toujours avec moi, je me glisserai dans l'eau  et je ferai de grandes incisions du creux de mon coude à mon poignet. Je ne suis pas naïve, je sais bien que j'aurai mal. Que ce ne sera pas une partie de plaisir. Mais cette douleur sera de courte durée. La douleur laissera place au soulagement. Le soulagement d'enfin pouvoir dire à ce monde qui n'a jamais voulu de moi : adieu ! 





×××

Bonjour, je souhaitais juste faire une petite note pour cet OS.
Le suicide est quelque chose qui passe à travers le tête de beaucoup de personne, le plus souvent d'adolescent, et malheureusement, certaines passe à l'acte.
Le suicide n'est pas une fatalité, dans la plus part des cas, ces personnes n'attendent que de l'attention, de l'écoute, mais n'ose - ou n'arrive - pas à en parler à leurs entourage.

C'est pourquoi, en France, plusieurs associations offrent des aides en ligne que les personnes tentées par le suicide peuvent contacter pour trouver une écoute. Ces lignes sont gérées par des bénévoles.

« Fil santé jeunes » : 0800 235 236 (numéro gratuit, plutôt à destination des jeunes).

« Suicide Ecoute » : 01 45 39 40 00 (appels 24h/24).

« SOS Suicide Phénix » : 01 40 44 46 45 (horaires, aide téléphonique et hospitalité).

« Sos amitié » : 09 72 39 40 50 - Écoute par téléphone et internet (messagerie instantanée, courriels).

« Croix-Rouge Ecoute » : 0 800 858 858 (appel gratuit et anonyme).

« Croix-Rouge Ecoute » : 0 800 858 858 (appel gratuit et anonyme)

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
Maux Dits (recueil de nouvelles)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant