Malade

632 77 70
                                    

Je suis allongé sur ce lit d'hôpital à fixer les aiguilles de l'horloge qui est accrochée au mur.
Comme tous les jours, je me suis réveillé dans cette chambre. Cette chambre qui n'est pas la mienne. Cette chambre, malgré les murs colorés, les dessins qui y sont accrochés et les jouets en tout genre, reste froide et austère.

Je vais mourir. Je le sais. Personne ne me l'a dit clairement, mais je le sais. Ça va faire plusieurs années maintenant que je l'ai deviné. Je sens bien que je vais de plus en plus mal. Que j'ai de plus en plus de mal à respirer et à bouger. Je sens les battements de mon cœur ralentir de jour en jour. Oui, mon sort est scellé, je vais mourir.

Je ne comprends pas pourquoi tout le monde pleure. Moi, je ne pleure pas. Non, je ne suis pas triste de mourir. Ça ne me fait pas peur.

Tous les soirs, maman fond en larmes. Elle supplie le ciel de me donner un cœur. Mais moi, je ne veux pas de nouveau cœur. Parce que si j'en ai un, ça veut dire qu'un autre petit enfant est mort. Il est mort pour me donner son cœur. Et ça je ne veux pas. Je ne veux pas savoir que quelqu'un est mort pour que je puisse vivre.
Non, vraiment, je ne veux pas de nouveau cœur. Je veux juste mourir. Mes parents ne se rendent pas compte que vivre tous les jours est une souffrance pour moi. Je voudrais aller jouer au ballon dehors, mais je ne peux pas. Je dois rester attaché à toutes ces machines. J'ai des fils qui me relient de partout. Je ne ressemble plus à rien, on dirait une pieuvre livide avec ses tentacules. En plus, je dois rester chaque jour de ma vie dans cette chambre. Chambre que j'ai fini par détester. Même si maman m'a ramené des jeux, ce n'est pas ma chambre. Quand je vais mourir, un autre enfant prendra ma place, comme moi, j'ai pris la place d'un autre enfant avant moi. C'est une boucle sans fin.

Alors, s'il vous plaît, laissez-moi mourir...

C'est vrai, je ne connaîtrai jamais la mer, la montagne, la plage. Je ne connaîtrai jamais d'autre pays. Je n'irai jamais à la fête foraine. Je n'irai jamais dans aucun parc d'attractions. Je n'aurai jamais mon bac. Je n'aurai jamais un travail, une maison, une famille à moi. Je ne rentrerai jamais au collège... Mais bon, à ce que m'a dit Thibault, mon grand frère, c'est vraiment nul ! Alors, pas trop de regret. Je n'aurai jamais une petite copine comme Thibault. Je ne verrai jamais mon petit frère faire ses premiers pas. Je ne serai jamais vieux.
Je resterai à jamais un petit garçon de neuf ans.

Mais ça ne me rend pas triste. Je m'y suis fait depuis bien longtemps. Je n'ai pas peur...
Alors, pourquoi, vous les adultes, vous avez peur pour moi ?
C'est moi qui vais mourir à neuf ans, pas vous. N'ayez pas peur, mais au contraire, réjouissez-vous pour moi, car là où je vais, je ne souffrirai plus, je n'aurai plus mal.
Et assis sur mon étoile, je veillerai sur vous et vous attendrai bien gentillement, en espérant que vous ne me rejoindrez pas trop vite non plus...  

Maux Dits (recueil de nouvelles)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant