Chapitre 1 : Les yeux qui luisent

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Cet instant me sortit de mes rêves...

Un violent craquement d'os m'arrache de son sommeil.

À peine sorti de mon lit, mon rêve s'est évanoui. Je tente de me diriger vers l'interrupteur de la chambre sans avoir la moindre idée de ce qui venait de se produire. J'emprunte ainsi un chemin que je connais de mémoire quand un second craquement tout aussi brusque et brutal que le premier me met à terre m'infligeant une douleur sans commune mesure aux omoplates que déjà je ne sens plus du tout. Dans le même temps, mes muscles se meuvent sous ma peau comme animés par un puissant feu intérieur. En plein milieu de la nuit, ne pouvant pas réveiller ma mère, j'entreprends d'étouffer tous les sons qui voulaient sortir de ma bouche.

Toujours à terre, je décide de me calmer une seconde afin d'essayer de reprendre pleine possession de mon corps. Je m'accoude avec pénibilité sur ce qui semblait être mon bureau situé non loin du pied du lit à côté duquel je me suis si bien ramassé. C'est donc avec timidité qu'enfin je me mets debout sur mes deux jambes, de peur qu'elles ne me lâchent comme le reste.
Je suis resté un long moment debout dans le noir à attendre que la douleur cesse, et elle a cessé assez rapidement d'ailleurs. Ne comprenant pas du tout ce qui venait de se produire n'ayant jamais été sujet à de telles crises. La douleur qui tiraillait mes muscles plus tôt semble pourtant juste s'être cachée derrière cet instant de flottement et elle n'attend sûrement qu'un mouvement de sa part pour se manifester à nouveau.

Du courage !

C'est en tout cas ce qu'il me faut pour enfin oser poser un pied après l'autre en direction de la fenêtre de la chambre afin d'apporter un minimum de lumière à l'intérieur, de sorte à ne réveiller personne dans la chambre de maman.

Seule la lune semble avoir été témoin de ce qui m'est arrivé. Elle illumine assez pour que je puisse atteindre le couloir décoré de bougies allumées sans trop de soucis.

Mes joues ont sûrement dû gonfler si je m'en fie à la sensation bizarre sur la paume des mains quand je les touche. Pas réellement motivé à passer devant l'immense miroir qui couvre le mur de long en large mais voulant tout de même savoir ce qui se passait exactement.

Péniblement je marche à nouveau. Chaque pas, une lutte contre un mal qui petit à petit l'emportait. Chaque pas, une épreuve plus difficile encore que la précédente et bien que je n'ai pas froid, mon corps tout entier est parcouru par de petits frissons qui me font trembler.

La première image que me renvoie le miroir est à glacer le sang et je songe immédiatement « Ça ne peut être moi », traversé par l'effroi. Mon visage. Ce visage n'a plus rien d'humain et il se grave dans mon esprit à mesure que je soutiens son regard, si bien que je continue de le voir même quand je cligne des yeux. Je me refuse de paniquer. Ma mère n'a pas à être réveillé pour si peu.
C'est dans mes yeux que je suis méconnaissable. Tout le reste est redevenu normal à part eux. Ils ne sont plus les mêmes. Ce qui me servait de blanc des yeux est d'un rouge vif comme totalement injecté de sang, tel un insomniaque, pareil à ce d'un animal atteint par la rage. Mon regard est froid comme si une autre personne se tenait en face de moi. En effet mes iris d'habitude d'un vert assez discret émettent une lumière aussi fascinante et fragile que celle qu'émettent les lucioles les soirs d'été à un détail près... Ces yeux-là sont à glacer le sang.
Je me défie du regard pensant que ça pourrait changer quelque chose à ce qui ne s'apparente à aucun syndrome d'aucune maladie dont j'ai connaissance. Mon cœur bat la mesure quand je décide de détourner le regard, mais quasi instinctivement je repose les yeux sur le miroir et sur ce qu'il me montre.

Tiens...
Je bave...
Mes dents...
Elles font mal...
Le temps de réaliser que mes canines avaient pris un demi centimètre derrière des filets de bave se mêlant au goût âcre de mon sang, je suis pris d'un violent mal de crâne qui me pousse à courir tant bien que mal dans la salle de bain au bout du couloir.
Je refuse de repenser à la souffrance causée par le petit sprint cherchant plutôt un moyen de détruire une bonne fois pour toute cette douleur insoutenable. La lumière a beau ne pas être allumée je vois, où plutôt je distingue tout. C'est comme si je portais des lunettes infrarouges, sauf que tous les objets dans la pièce sont entourés par un halo vert.

L'ESSENCE TOME 1 : DissolutionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant