Tombés du Ciel

Partie 1

~Dédiée à @GoingBackToTheMoon qui avec son pseudo m'a inspiré le premier dialogue de ma nouvelle, en plus d'être une auteure formidable !~

"L'étoile est belle car elle laisse deviner l'infini dont elle s'entoure."

Jacques Salomé

« Et si on s'en allait ?

-Et où est-ce qu'on irait ?

-Sur la lune... »

Althéa se penche par la fenêtre ouverte, déjà hier elle a entendu les voix au-dehors, mais elle n'a pu distinguer que l'obscurité. Impossible de discerner une quelconque silhouette dans la campagne environnante. Seule la lumière d'un lampadaire isolé tente en vain de rivaliser avec les étoiles, ou peut-être est-ce avec la lune, qui sait...

L'adolescente respire à plein poumons l'air frais et, attirée par l'immensité de la voûte, elle s'assoit sur le rebord humide de sa fenêtre pour observer le ciel. Le nez au vent et les yeux larmoyants, elle s'expose au froid qui lui rappelle de par ses morsures qu'elle est belle et bien vivante. Elle parcourt du regard les champs aux alentours et elle soupire, frustrée de ne pas réussir à surprendre la fille et le garçon qui dialogue non loin de la maison familiale.

Elle n'a raconté à personne l'échange auquel elle assiste, qui pourrait la croire si elle racontait avoir entendu une fille proposée à un garçon de s'en aller sur la lune durant une nuit d'été ?

Althéa, elle, ne trouve pas cela si saugrenu que ça peut en avoir l'air, et puis c'était dit avec une telle sincérité... Elle semblait tellement y croire ! Il y avait une certaine détresse dans sa façon de le lui demander et un certain désespoir dans sa façon à lui de répondre par une autre question. Mais peu de personnes sont capables de distinguer la vérité de la chimère aux simples accents de voix qui sont pourtant tellement révélateurs.

Althéa a l'impression qu'ils essayent de fuir, de s'en aller loin de la réalité. A moins que ce ne soit elle qui ne le veuille... Mais en même temps qui n'a jamais eu envie de partir sans plus jamais revenir, avancer tout droit sans savoir vers où, courir jusqu'à ne plus en pouvoir puis de s'abandonner à l'oubli ? Qui sur cette quête de l'amnésie n'a jamais butée, plaçant ses espoirs dans une transe plus temporelle que spatiale ?

Elle l'avoue, le ciel est une destination magnifique. Mais Althéa pourrait se contenter de n'importe laquelle des étoiles si elle partait, alors pourquoi eux ont-ils choisi la lune ? Peut-être parce qu'ils craignent de ne pas tenir à deux s'ils élisaient domicile sur l'un des astres...

Althéa n'a personne avec qui partir, mis à part ses innombrables pinceaux et ses toiles. Alors peut-être que la lune est pour elle aussi le choix le plus judicieux, pour qu'elle puisse y peindre en toute tranquillité et exposer ses tableaux à la lumière miroitante de l'objet céleste, reflet d'un vague à l'âme sans limite de temps.

Un faisceau de lumière passe sous la porte de la chambre d'Althéa et des pas arpentent le couloir. La jeune fille bondit avec souplesse de son perchoir et se glisse sous ses draps en tournant le dos à l'entrée de la pièce. Le rideau couleur émeraude ondule gracieusement au vent, et comme hypnotisée, Althéa le fixe en attendant que le calme ne revienne à l'étage. Mais emportée par la fatigue, elle finit par sombrer dans les bras de Morphée.