Flûte

18

Cet après-midi-là, en se réveillant de six petites heures de sommeil, Angèle a un mal de crâne terrible. Coline est encore allongée dans le lit, en train d'écouter des chansons, casque sur les oreilles.

— Oh, t'es réveillée, lance mollement la blonde.

Angèle, mal en point, fronce les sourcils. Autour d'elles plane un climat étrange. Inhabituellement étouffant et pesant.

— Ça va ? demande Angèle.

— Mouais.

Silence.

Est-ce que Coline lui fait la gueule ?

— Tu me fais la gueule ?

C'est souvent comme ça avec Angèle. Une pensée, une phrase. Il y a très peu de personnes avec qui elle n'arrive pas à s'exprimer clairement.

— Non pas du tout, assure sa meilleure amie.

Seulement, son comportement est louche et en essayant de ne pas faire sentir son haleine, Angèle lui repose la question en se penchant vers elle.

— J'ai pas compris ton comportement hier, avoue Co' de but en blanc.

Angèle est estomaquée.

— Hein ?

— Fin je sais pas, je t'avais jamais vu à ce point pleurer pour un gars. Et fin je sais pas, c'est bizarre. Est-ce que c'est ma faute ? Est-ce c'est parce que j'ai dit que je pensais qu'il était sur toi ? Est-ce que c'est moi qui ai tout foutu en l'air ?

Le déluge de mots fait trembler Angèle. Co' est adorable. Elle s'en veut pour rien au fond.

— C'est pas du tout ta faute. Et je ne pleurais pas pour un gars. Je pleurais de mon comportement avec ce gars. Et j'étais pas dans un état normal, vraiment.

La blonde essaye maladroitement de lui proposer un câlin. Angèle sourit, c'est la première fois qu'elle fait un geste pareil avec elle. D'habitude, Coline est la moins tactile des deux.

Elles s'échangent un câlin et c'est le moment parfait pour aborder le sujet qui trotte dans la tête d'Angèle.

— Comment t'as fait pour oublier le crush que t'avais sur Selim ?

Coline la regarde, un peu désorientée, mais avec un petit sourire au coin.

— T'as un crush sur Selim ?

— Fais genre t'étais pas au courant.

— C'est pas toi qui me disais qu'il fallait que j'arrête de le kiffer y a quatre mois ?

Angèle lui frappe l'épaule et Co' éclate de rire. Après s'être calmée, elle décide de répondre enfin à sa question :

— Ça s'est fait progressivement. Surtout à cause d'Isidore qui recollait mon cœur, mais aussi le fait que je le voyais moins et que je prenais de la distance par rapport à lui. Parfois, j'y repense parce que ça date d'il y a pas si longtemps... Mais au fond, je le connaissais pas tant que ça. C'est bizarre, mais je suis tombée amoureuse d'une image réelle de lui. Et c'est seulement quand j'ai pris assez de distance et que je me suis mise avec Isi' que je me suis rendu compte que mon attirance pour lui allait faiblir à la place de grandir. Et que ça faiblisse, bah ça change tout, au fond. Et je me suis dit que je n'étais plus amoureuse, mais j'avais bel et bien été amoureuse de lui. Et c'était cool d'avoir aimé pour de vrai.

Le crâne d'Angèle tape fort et elle a dû mal à écouter sans soupirer de peine. Elle est un peu foutue, à ne pas pouvoir prendre de la distance avec lui cette dernière semaine, voulant être son amie pour de vrai. En plus, elle n'a pas l'impression que l'attirance est en train de faiblir. Il est même en train de doubler depuis la veille.

Angèle grimace puis renchérit :

— C'est dingue, tu sais ?

— Hm ?

— C'est moi qui te pose des questions pour avoir des conseils cette fois.

Coline approuve.

— Mais tu restes la pro en amour. Flemme d'avoir ce rôle, termine Coline en posant sa tête sur l'épaule d'Angèle.