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Ana

Une seule action, celui de son doigt appuyant sur la détente. Le mal est fait et déjà les remords et le regret sont présents sur les traits de son visage. Il a franchi la limite et est devenu un meurtrier. Le meurtrier d'une fille dont la vie aurait pu être encore longue.

Un énorme bruit résonne dans mes tympans et mes yeux se révulsent lorsque la balle vient perforer ma peau. L'impact est violent. Brulant. Déchirant. Une douleur qui m'était encore inconnue pulse dans l'intégralité de mon corps, et je ne comprends plus ce qui se déroule autour de moi. Tout ce que je sais, c'est que j'ai mal. Horriblement mal. Tout me semble lointain. Des raisonnements sourds bourdonnent au creux de mes oreilles, mais impossible d'en déterminer les véritables sons. Par automatisme, je pose mes mains sur ma blessure et en approuve la gravité. Du sang. Beaucoup de sang. Mes paupières se font lourdes, presque comme si quelqu'un forçait à me les fermer, mais la silhouette qui vient d'arriver devient ma force de les laisser encore ouverts. Je crois qu'il s'agit d'Elies.

Hors de ses gonds, il se jette sur mon ravisseur en le martelant de coups. Ayant des difficultés à respirer, je cherche de l'oxygène par la bouche, sans y parvenir. L'énergie me quitte progressivement, m'abandonnant au profit d'un corps sans vie. Mes jambes fébriles flageolent et je m'écroule par terre en me cognant le crâne contre le parquet. Je baigne dans mon propre sang et je tremble comme si la terre elle-même était secouée par un séisme. Alors je me focalise sur Elies mais ma vision s'obscurcit. Elle devient floue, si bien que je n'arrive plus à distinguer qui est qui. Les couleurs s'entremêlent, se croisent et les contours deviennent vagues. Je réalise enfin que j'agonise sur ce sol et que le moment de quitter ce monde est arrivé. C'était peut-être ça qu'il fallait pour que le déclic me frappe de plein fouet ; être confrontée à la mort m'a réveillée.

Je

veux

vivre.

J'ai la désagréable impression d'avoir été poignardée un milliard de fois au même endroit et que tous mes muscles et mes os ont explosé. Le temps a cessé de tourner dès l'instant où la détonation a retenti.

 — Ana ! Ana, je t'en supplie reste avec moi !

Cette voix, je ne peux pas l'oublier, c'est celle d'Elies. Mon Elies. Je ne réagis pas et il empoigne sa main dans la mienne. Sa paume est chaude, moi je crève de froid. Il enlève aussitôt sa veste pour retirer son pull, puis il appuie sur ma blessure afin de stopper l'hémorragie, mais rien ne fonctionne. J'ai envie de lui crier d'arrêter, que tout ça est inutile et qu'il est trop tard pour me sauver. Mais il s'obstine.

— Ana, par pitié, garde les yeux ouverts. Tout ça... tout ça est de ma faute, je n'ai jamais voulu t'embarquer là-dedans. Les secours vont bientôt arriver, tu vas t'en sortir.

Et alors Elies verse une larme qui retombe sur le dos de ma main. Jamais je ne l'avais vu pleurer auparavant. Aujourd'hui, je comprends que je suis sa faiblesse. Mais c'est trop tard parce que j'agonise sous ses yeux. Le sang continue de couler, je suis fatiguée, tellement fatiguée.

— Tu ne vas pas mourir, tu m'entends ? Je te l'interdis. Ana, je t'aime !

Je voudrais l'embrasser et le serrer dans mes bras. Bon sang, je ne parviens pas à répliquer ! Mes membres sont engourdis et je ne sens plus mes jambes. Ses lèvres s'abaissent pour se déposer délicatement sur mon front. Comme si c'était la dernière fois. Comme si mon destin était déjà scellé. Comme si, alors qu'auparavant j'en mourais d'envie, j'allais enfin rejoindre Cassie.

Je lutte pour rester éveillée, le problème c'est que plus les secondes défilent et plus il m'est difficile de rester concentrée. Je suis épuisée, lessivée et complètement hors circuit. Le fil qui me retient à la vie est en train de se découper à mesure que mes paupières se ferment. Des points noirs dansent devant moi, ne laissant plus paraître le beau visage de l'homme qui me tient dans les bras.

— Ana ? s'affole Elies. Ana, putain, ouvre les yeux ! Tu n'as pas le droit de...

Ses supplications se font lointaines. Mes battements de coeur ralentissent. Je me sens partir et ne ressens plus rien. Plus mes orteils, plus mes bras, plus rien. Mon corps ne m'appartient plus.

Tu rejoindras bientôt les étoiles.

Elles t'attendent là-haut.

***

— Stade critique ! On n'a pas de temps à perdre !

En ouvrant à moitié les yeux, des lumières blanches m'aveuglent en défilant au-dessus de ma tête. Des gens autour de moi s'agitent et me dévisagent d'une drôle de manière. Ce sont sans doute des médecins en vue de leurs blouses blanches, mais je suis trop dans le coaltar pour me poser des questions.

— Mademoiselle, vous m'entendez ? Me demande une femme au-dessus de moi.

Elle m'éblouit avec la lampe qu'elle passe sur mes yeux.

— Elle n'est pas très réactive, juge-t-elle en s'adressant à ses collègues.

— El... Eli

— Gardez vos forces pour le bloc.

En bougeant mon index, je sens des fils sur mes bras tandis que mon ventre est en feu.

Bip... Bip... Bip.. Bip..Bip...

Les médecins s'activent autour de moi pendant que les songes agrippent mon âme pour m'emmener avec eux.

— On la perd ! Emmenez-là au bloc opératoire trois, et vite ! Restez avec nous, mademoiselle. On fait notre boulot, à vous de nous donner un coup de pouce, me dit-elle avant que je perde connaissance.

___

Un chapitre rude en émotion ! Ana survivra-t-elle ? Le prochain chapitre sera du PDV d'Elies, quelques minutes auparavant.

Bonne lecture,

L.

Le prix à payerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant