Chapitre I : L'enlèvement

615 57 138
                                    

L'inspecteur me regardait circonspect.

— Ainsi, vous affirmez que deux hommes qui se baladent torses-nus dans Paris vous harcèlent ?

— C'est exact, répondis-je tentant de canaliser ma mauvaise humeur.


Un silence s'instaura, ses yeux ne quittant pas les miens comme s'il me sondait. Cet entretien s'éternisait, il me répétait plusieurs fois les mêmes questions, mais formulées différemment, espérant sans doute démasquer quelques mensonges dans mes propos. La conversation durait déjà depuis une quarantaine de minutes et je n'avais rien à rajouter. Je lui avais tout dit et c'était la stricte vérité.


— Je trouve étonnant de ne pas avoir eu d'autre plaintes que la vôtre, dit-il en rompant le silence, surtout si cela dure depuis quatre mois... continua-t-il d'un ton morne, j'espère que vous n'êtes pas ici pour faire tourner mes enquêteurs en bourrique, mademoiselle.

— Avez-vous pris la peine de regarder les caméras de surveillance monsieur l'agent ? demandais-je agacée.

— Oui et rien n'est visible. Avez-vous déjà songé à consulter un médecin ?


Je ne pus m'empêcher de devenir rouge pivoine de honte et de rage mêlée. Cet homme était en train d'insinuer que j'étais folle. Même si cela m'avait traversé l'esprit, me le sous-entendre face à moi était particulièrement mal-élevé de sa part.


— Vous pensez réellement que je vous aurais fait perdre votre temps si je ne me sentais pas en danger ? Comment pouvez-vous penser une seule seconde avec les descriptions que je vous ai transmise que tout est issu de ma tête ? M'enervais-je. Je me mis à repousser avec violence la chaise sur laquelle j'étais assise afin de m'éloigner un peu de son bureau et de son regard soupçonneux.

— Mademoiselle Dubois, vos explications ne tiennent pas debout. Vous affirmez que deux hommes vous attendent chaque soir devant chez vous. Soit. Et qu'ils sont affublés d'une sorte de pagne avec des pompons, ce qui est pour le moins... Étonnant. Laissez-moi vous dire que vous avez une imagination débordante ! D'autant plus que d'après vos dires, ils portaient des haches à leurs ceintures. Des haches à Paris, c'est d'un ridicule ! Et personne ne les aurait remarqués à par vous. Nous ne pouvons rien faire pour vous.

— Mais...

— Je vous prie de bien vouloir vous faire une raison. Nous avons visionné les films des caméras et il n'y aucune présence de ces deux hommes. Nous avons interrogé les habitants du quartier, personne ne les a vus. Nous avons épluché toutes les plaintes et mains-courantes déposées depuis quatre mois et aucune ne ressemble à la vôtre. Je regrette, nous ne donnerons pas suite à votre plainte.

— Très bien ! dis-je un peu fort en me levant avec fracas, au revoir monsieur l'inspecteur !


Les policiers me regardèrent sortir de leur commissariat ahuris. Je passais devant le comptoir sans un regard pour son agent et passai la porte. Une fois dehors, je pris une grande bouffée d'oxygène pour m'aider à retrouver mon calme. Je sentis l'air entrer et sortir de mes poumons avec lenteur et cela me fit du bien. Un sourire caustique s'afficha sur mes lèvres. Tant pis pour eux ! Je saurais bien me dépatouiller de cette histoire toute seule.


J'avançai à présent en direction de la station de métro, sans prêter attention aux paysages et aux gens qui m'entouraient, malgré que le beau temps sublimait la ville de Paris. Mais j'étais à peine parvenue à l'entrée de la bouche de métro que j'entendis des cliquètements métalliques et une respiration souffreteuse bien reconnaissable. Un coup d'oeil en arrière me confirma mes craintes : ils avaient retrouvé ma trace et me traquaient une nouvelle fois. Je me mis à descendre les escaliers en trombe; je savais qu'ils se rapprochaient aux insultes que lançaient les passants lorsque les deux hommes les repoussaient un peu trop violemment. Sans doute grâce à l'adrénaline parcourant mes veines, mes foulées se firent plus rapides et les sons plus lointains.


Encore quelques mètres. Un virage. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine qui me brûlait. L'effort me faisait haleter et de grosses gouttes de sueur coulaient le long de ma mâchoire. Quand est-ce que cette traque endiablée allait-elle prendre fin ? Le son de mes pas dans les couloirs du métro parisien résonnaient. Avais-je réussi à les semer ? Je tendis l'oreille. Non, j'entendais encore le bruit de leurs courses effrénées et le cliquètement causé par le balancement de leurs armes sur leurs hanches. C'est alors qu'enfin, le bout du tunnel émergea. Par chance, près du quai, un métro semblait m'attendre. 


Sans perdre une minute, je m'engouffrai dans le wagon le plus proche, bousculant au passage quelques usagers. Des exclamations et des injures jaillirent alors de toute part, mais je ne leur prêtai pas attention. Mon regard était figé sur les portes encore ouvertes du métro, priant pour qu'elles se ferment au plus vite. C'est alors que je les vis surgir. Les portes se refermèrent. Ils tambourinèrent sur ces dernières quelques secondes avant que mon moyen de transport ne se mette en marche. Ils auraient pu ouvrir la porte et m'attraper aisément s'ils avaient eu la présence d'esprit d'appuyer sur le bouton d'ouverture des portes. Les yeux clos, un sourire triomphant aux lèvres et soulagée, je m'adossais contre la paroi exténuée.


Il était un peu plus de 19h lorsque enfin je m'engageai dans la rue Laplace, où je logeais chez Mme Dupont. J'étais sur mes gardes, de nombreuses fois déjà les deux hommes m'avaient attendue devant chez moi. J'avais eu beau changer de logement très régulièrement, ils finissaient toujours par me retrouver. Néanmoins, étant donné qu'ils patientaient toujours devant la porte principale, je prenais soin au cours de mes recherches immobilières de choisir un logement ayant deux entrées distinctes. Jusqu'ici, ce stratagème avait continuellement fonctionné. Tentant de réprimer un début d'anxiété, j'avançai prudemment, aux aguets. Lorsque je les vis. Comment avaient-ils fait pour parvenir jusqu'ici aussi vite sans moyen de transport ? C'était incompréhensible, peut-être que le commissaire avait raison finalement lorsqu'il sous-entendait que je n'étais pas dans mon assiette.


Malgré la pénombre qu'offrait le mois de novembre, je les distinguais sans peine grâce à la luminosité des lampadaires. L'un deux était grand et costaud et possédait des cheveux plutôt longs. Le deuxième était plus mince et plus petit. Mais le plus étonnant était de loin leurs accoutrements digne d'un mauvais péplum. Pour commencer, ils étaient tous deux torses nus malgré le froid de cette saison. Ils portaient pour simples habits une sorte de jupe, ou pagne qui tenait grâce à une large ceinture qui semblait être de cuir. Accroché à celle-ci, pendaient lamentablement trois ou quatre pompons bariolés. Immédiatement, cela les désacralisaient et les rendaient moins brutaux et féroces ces petits pompons.Cependant, il ne fallait pas se fier aux apparences, car accroché à l'opposé de ces petites boules colorées pendait une sorte de petite hache très brillante. Sa taille réduite la rendait très maniable et son caractère brillant témoignait de son bon aiguisement et de sa dangerosité.


Cela étant dit, suivant mon plan, je fis fi des deux hommes et me dirigeai vers la seconde porte à l'arrière de la maison. Alors que j'arrivais sans encombre devant la porte et que j'insérais la clé dans celle-ci, soulagée de rentrer chez moi saine et sauve, j'entendis des bruits de pas semblables à ceux qui m'avaient coursée dans le métro. Je sus immédiatement que je n'étais pas parvenue à les leurrer. Je me retournais alors pour leur faire face et les affronter ou plutôt fuir, mais n'en eus pas le temps. Ils m'assénèrent un coup brutal, peut-être avec l'un des manches d'une des haches. Une douleur sourde naquit derrière ma tête. Une odeur métallique et la sensation d'un liquide chaud s'écoulant le long de mon crâne fut la dernière chose que je ressentis. Tout devint noir tandis que je m'écroulais sur les pavés de Paris.

Qadesh ou la bataille pour la paixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant