4e Vertus : Persévérance

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          L'idée de croire aux fantômes te traverse l'esprit une seconde, du moins le temps de te réveiller correctement, avant de suspecter aussitôt un pensionnaire. Nul doute qu'il s'agit d'un bruit de pas que tu entends, une personne vivante devient donc plus que probable. Le gérant, peut-être ? Tu récupères une lampe-torche pour te guider de sa lumière et ouvres la porte de ta chambre pour vérifier au-dehors.

          À ton étonnement, tu croises les yeux bleus de Bartson, aussi surpris que toi de te voir à cette heure-là. En silence, vous vous observez, indécis tous les deux, avant qu'il se reprenne en premier.

– Tu n'arrives pas à dormir ?

          Si sa question t'ébaubit une seconde, tu fais mine de ne pas le montrer ; ta curiosité désire surtout d'être rassasiée.

– J'ai entendu du bruit...

          Il se rapproche à pas feutrés et tu remarques que malgré sa grande taille et sa lourde carcasse, tu perçois à peine ses déplacements sur les lattes en bois. L'image d'un ninja discret et silencieux traverse alors ton esprit.

– Retourne te coucher, ce n'est que moi, tout va bien.
– Ah ? Car circuler dans le noir à minuit passé c'est dans tes habitudes ? ne peux-tu t'empêcher de demander, cynique.

          Tu as essayé de ne pas te trahir dans ta voix, mais c'est peine perdue. Le jeune homme sourit en réponse avant de t'offrir une pichenette sur le front.

– Tu n'étais pas censé·e ne pas nous juger, ou un truc comme ça ? Elle est où ta bonne résolution d'hier midi ?

          Dans un souffle, tu grommèles qu'il s'agit surtout de curiosité, histoire de tuer le sujet dans l'œuf, mais le regard entendu de Bartson te confirme qu'il ne compte pas en rester là. Néanmoins, il décide d'orienter votre discussion dans une direction que tu n'avais pas prévue :

– Je monte la garde, la nuit, pour info.
– Hein ? Y'a du danger par ici ? Au milieu de nulle part ?

         Un ricanement parvient à tes oreilles et tu comprends qu'il se paye ta tête.

– Si tu ne veux pas me dire ce que tu fiches à cette heure dans le couloir, dis-le, simplement !
– Nah. J'adore trop te rouler dans la farine... Je suis le veilleur de nuit, vraiment. Mon côté insomniaque. Viens, allons parler ailleurs, on va finir par réveiller les autres si on reste à papoter là...

          Encore une fois, ton envie d'en apprendre davantage t'incite à l'accompagner. Il longe le couloir du second étage jusqu'à un cul-de-sac. Tu sais qu'il n'y a que deux chambres de part et d'autre, pourtant il n'ouvre aucune porte : son doigt se lève vers le plafond et il tire un cordon qui fait descendre un escalier pliable. Avec surprise, tu le vois monter la jambe pour atteindre la marche la plus basse, située quand même à un bon mètre du sol. Une fois dessus, il se retourne et te tend la main pour t'aider à grimper à ton tour. De plus en plus rongé·e par la curiosité, tu escalades les derniers échelons avec les yeux brillants.

          L'idée d'entrer dans un lieu encore inconnu te fascine, même si tu crains le grenier poussiéreux rempli de déchets inutiles. Ta bouche s'ouvre donc en grand dans un « oh » de surprise lorsque tu découvres que le cliché auquel tu t'attendais est en fait très loin de la vérité : l'endroit capitonné ressemble à l'antre d'un savant fou, à ceci près qu'il renferme surtout du matériel informatique. Plusieurs bureaux, des dizaines d'ordinateurs, le double d'écrans, des boîtes clignotantes... Le mur opposé comporte un étalage de bibliothèques où s'empilent des caissettes, disques, figurines, câbles, pièces de rechange et autres fournitures hétéroclites de la panoplie du geek. Ton esprit remarque aussi la table du parfait petit chimiste, celle du bricoleur non loin et même une zone du bon électricien...

La Maison du BonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant