Uno

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J'étais arrivée chez les Bartoli sur les coups de quatorze heures, le chauffeur qui m'avait conduit depuis Vérone m'aida à décharger mes bagages tandis qu'Agnese Bartoli et son mari m'accueillaient avec chaleur. C'était un couple bien assortis, il émanait d'elle une classe naturelle alors qu'elle avançait bien droite, ses cheveux de jais retenu par un bandeau se balançant dans son dos et, sa main effleurant celle de son mari, un homme trapu mais au visage léger et souriant, à qui ses lunettes écaille de tortue conférait une allure très professorale:

« - Vous voilà enfin ! Bienvenue mademoiselle Lamier, je suis Agnese et voici Hector ! s'exclama la maitresse de maison en me prenant naturellement dans ses bras, m'enveloppant de son odeur de romarin. 

- Nous allons vous montrez votre chambre, vous pourrez vous reposez si vous le souhaitez, m'informa monsieur Bartoli en me conduisant à l'intérieur.

- Elio ! Mio caro, unisciti a noi !* » appela Agnese en regardant vers les fenêtres du premier étage.

Suivant son regard je pus admirer la villa qui serait mon toit au cours des semaines à venir : Haute de deux étages, camouflée entre les pins et arbres fruitiers, sa façade jaune ocre accrochait la lumière du soleil. Un long balcons à colonnades ceignait tout le premier étage, invitant gracieusement à la sieste. Derrière les persiennes bleues claires, je crus discerner le mouvement fugace d'une ombre.

Une voix aigrelette qui me saluait depuis l'intérieur de la demeure me ramena à la réalité. Passant le seuil, je découvris un espace de vie frais auxquels les meubles anciens surchargés de livres et de bibelots, ainsi que les assises recouvertes d'indiennes conféraient un charme particulier, presque hors du temps. Là, occupée à épousseter le dessus d'un large piano, une vieille femme aux cheveux blanc vaporeux vêtue d'un tablier à carreaux me sourit gentiment :

« - Voici Mareta, notre aide ménagère...

L'allure de mamie gâteau qui émanait de cette femme me mit tout de suite à l'aise.

- Et notre fils, Elio. »

Me retournant vers un large escalier en marbre, je découvris, me surplombant,  un jeune homme d'environ mon âge qui bien droit, une main posée sur la rambarde en fer forgé, me détaillait.

J'eus, de sa part droit à un salut un peu guindé avant qu'il ne se propose pour me montrer ma chambre, attrapant mes bagages pour les monter.

Me voyant hésiter, Agnese me poussa gentiment vers les marches, m'informant d'un accent chantant en tirant sur une cigarette qu'elle venait tout juste d'allumer :

« - Installez-vous tranquillement, je vous appelle pour l'heure des rafraichissements ! »

Je suivis donc le fils des Bartoli jusqu'au premier étage qui par de hautes baies vitrées, donnait de chaque côté sur le balcon qu'il me tardait de visiter. Elio s'arrêta devant une des nombreuses porte en bois sombre :

« - Ici c'est ma chambre, là, dit-il en me désignant la porte voisine, c'est la mienne aussi mais vous aller vous y installer le temps du séjour. »

Son vouvoiement me fit légèrement tiquer, mais je ne dit rien, il  venait manifestement d'une famille aisée où la culture et la bonne éducation se traduisaient apparemment par un air un peu pincé, une sorte de réserve  pudique qui les différenciait du commun des mortels.

« - La plèbe et la noblesse. » songeais-je en mon fort intérieur.

Il poussa la porte et j'entrais, avisant avec joie une pièce spacieuse éclairée par la lumière  qui émanait d'une grande fenêtre ouverte sur le jardin et, qui laissait entrer myriades de senteurs et bruissements estivaux.

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