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Je terminais donc le repas en savourant silencieusement, répondant aux questions curieuses et polies que les parents Bartoli et leurs convives me posèrent. Ils apprirent de ce fait que j'aimais beaucoup lire et qu'il m'arrivait également de dessiner voire de peindre quand j'en avais le temps. Hector m'entretint ensuite sur les cours que je suivais et, même si je fis tout mon possible pour ne pas me sentir gênée d'exposer ainsi ma vie aux oreilles d'inconnus, je ne pus m'empêcher d'être tendue lorsque je surpris le regard d'Elio dériver sur moi à l'évocation de mes lectures favorites.

Mon trouble se dissipa pourtant bien vite à l'arrivée du dessert : de délicieux amaretti, dans l'ensemble tout se passa bien et je pus dire sans mentir que tout le monde s'étaient montrés très accueillant avec moi. J'attendis qu'une bonne part des invités se soient retirés pour monter, moi aussi me mettre au lit car la fatigue me gagnait mais, enfilant mon pyjama j'entendis en provenance du salon émaner une douce mélodie jouée au piano. J'entrouvris ma porte pour mieux écouter, passant la tête dans le couloir :

« - Ces gens sont vraiment surprenants, tout est culture chez eux. » pensais-je en tendant l'oreille.

Une salve d'applaudissements clôtura le petit concert privé, ponctué de :

« - Bravo, Elio, è bellissimo !* »

Surprise je refermais la porte, levant les yeux au ciel en tentant de me convaincre de la laideur de la musique. Après tout si Elio jouait ça ne pouvait être que détestable non ? Son regard meurtrier et son sourire narquois lors du dîner me restaient en travers de la gorge et, c'est un sommeil agité que je fini par trouver.

*

4 juillet 1984

« - J'ai ici un exemplaire de Virgile qui pourrait nous être utile.

J'attrapais le livre que me tendait Hector, le feuilletant avec curiosité.

- Oh, j'y pense ! Une pièce à été remontée de la lagune de Venise, voudriez-vous m'accompagner ?

Cette proposition tombait à point nommée car l'archéologie m'avait toujours intriguée, de plus j'appréciais grandement la présence d'Hector tant il semblait tout connaître sur toute choses sans jamais s'en enorgueillir, simplement désireux de partager son savoir.

- Oui ! Avec plaisir ! »

Alors que nous conversions, Mareta nous appela pour le déjeuner, faisant tinter la cloche située à l'entrée de la cuisine. La table avait été dressé sur la terrasse à l'arrière de la villa, ce qui nous apportait un peu d'ombre en cette étouffante journée :

« - Vous semblez tous deux heureux, que mijotez-vous ? questionna Agnese, déjà assise, un verre de citronnade à la main, le sourire aux lèvres.

- Solange et moi allons visiter la lagune ! Cet endroit est une véritable mine d'or !

Sortant de la maison, ses lunettes de soleil coincé dans le col de son t-shirt portant le logo de The Police, Elio demanda à ma grande surprise :

- La lagune ? Je peux venir ?

- Bien sûr ! Il mio tesoro !** » conclut Hector en frottant affectueusement les cheveux de son fils quand ce dernier s'assit à ses côtés.

J'entamais mon repas avec mille questions en tête, ne comprenant pas pourquoi malgré la haine, car je ressentais cela comme telle, qu'il me portait Elio tenait à présent à passer du temps avec moi. Mais peut-être me faisais-je des idées, après tout il pouvait parfaitement vouloir faire une sortie avec son père. Oui, ce devait être cela.

*

L'après-midi se passa calmement dans l'oisiveté la plus totale. Et pendant que le couple Bartoli faisait une sieste digestive, je m'assis au bord du bassin situé au fond du jardin, pour potasser un peu. Mes pieds baignant dans l'eau fraîche, trop absorbée par mes feuillets de cours, je n'entendis pas venir le léger bruits de pas foulant l'herbe :

« - Vous êtes une élève modèle, mon père n'as que des éloges à votre sujet

Je sursautais, me retournant brusquement.

Il était là. Debout, son torse opalin captant la lumière qui jouait également dans ses boucles sombres, les parant de reflets cuivrés. Le plus naturellement du monde, il s'assit à côté de moi, ôtant la serviette de bain qu'il avait, enroulée autour du cou.

Ne sachant pas vraiment où me mettre, j'eus du mal à trouver mes mots ce qui sembla l'amuser :

- Je...J'essaye d'avancer ma thèse...

- Je peux ? demanda-t-il avançant sa main vers les feuilles posées à plat sur mes genoux.

Lentement, presque avec méfiance je les lui tendit, le regardant lire le fruit de mon travail.

- Je ne me serais jamais douté que tu, enfin que vous saviez autant de choses...

Sa reprise du vouvoiement mêlé à ce qui semblait être une ébauche de compliment me fit bien rire :

- Je n'ai qu'un an de plus que toi, tu peux me tutoyer hein ! lâchais-je d'un ton taquin.

Il partit d'un éclat de rire clair et franc qui résonna sous le ciel bleu de Rizzi.

- Ok, je te parlerais normalement alors, comme...

- Comme à une amie, terminais-je à sa place.

Il resta un instant silencieux, me fixant derrière les verres sombres de ses lunettes de soleil puis, de but en blanc, lâcha :

« - On pique une tête ?

Spontanément je voulus lui dire « non » mais, ne venaient-on pas de faire une trêve en acceptant de briser la glace ? Elio avait fait un pas, à mon tour de poursuivre :

- Attend, je vais me changer, j'arrive ! » dis-je en trottinant vers la maison.

*

Ce fut comme dans un rêve ou dans ces films où tout se passe si simplement, nous discutâmes, nous éclaboussâmes sans jamais cesser de rire, comme des enfants. J'appréciais ce moment de régression qui faisait souffler un vent de fraîcheur et de nouveauté sur mon quotidien toujours trop rythmé par le travail. Tout à ma joie, alors qu'il venait de me tremper d'une énième gerbe d'eau, je me jetais sur lui pour le couler. Sa réaction fût imprévisible et violente, Elio se dégagea, alternant les regard noirs à mon égard et ceux qu'il jetait, visiblement paniqué, au fond du bassin :

« - Mon collier ! Tu l'as arraché ! siffla-t-il sans cesser de chercher l'objet perdu.

- Désolé, je vais t'aider, attend ! dis-je en nageant jusqu'à lui.

- Il est perdu, c'es tout, » marmonna-t-il, sortant du bassin avant d'attraper sa serviette d'un geste rageur et d'enfouir son visage dedans.

Je me sentais mal, j'avais beau observer le fond carrelé de la petite piscine aucun bijou n'était visible. Je sortis à mon tour de l'eau, les bras serrés autour de moi alors qu'Elio assis dans l'herbe les genoux contre son torse, se cachait toujours le visage. Dans un geste de réconfort je m'accroupis à ses côtés, posant ma main sur son épaule :

- Laisse moi, laisse moi, laisse moi, répéta-t-il d'une voix étouffé par sa serviette mais où je crus percevoir des pleurs. Puis, se levant brusquement il s'éloigna vers la maison, me laissant seule et mortifiée au bord du bassin. J'hésita à l'appeler mais, je savais au fond de moi que la seule façon de me faire pardonner était de retrouver son collier.

Malheureusement, je n'avais aucune idée de ce à quoi pouvait ressembler le bijou et toutes mes tentatives pour le retrouver demeurèrent infructueuses. J'eus beau plonger, ouvrant grand les yeux sous l'eau, je ne vis rien et dus me rendre à l'évidence : il était perdu.

Dépitée je rentrais, ne sachant pas vraiment si je parlais du collier ou d'Elio.

Bravo, Elio, è bellissimo !* = Bravo, Elio, c'est magnifique !

Bien sûr ! Il mio tesoro !** = Bien sûr ! Mon trésor !

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