6 juillet 1983Cela faisait deux jours que je n'avais pas adresser la parole au fils des charmants Bartoli et, bien que nous nous soyons croisés aux repas ou dans la maison, chacun de nous avait soigneusement ignoré l'autre.
Pourtant, quelque chose de déroutant s'était produit la nuit passée car dans un demi sommeil j'avais crus entendre les lattes craquer avant de sentir ma couette s'affaisser sous le poids d'un corps s'asseyant au bout de mon lit. Mais c'était à l'heure de la nuit où les rêves se mêlent à la réalité, aussi doutais-je de la véracité de cet incident.
La main ornée de bagues d'Agnese qui tapotait mon épaule me tira de mes réflexions :
« - Mareta est quelque peu souffrante, donc nous irons, si cela vous dit, faire ensemble les courses pour votre sortie à Venise.
- Pas de souci, je n'ai pas grand-chose à faire ! répondis-je d'une voix un peu éteinte par la torpeur qui me gagnait toujours après le déjeuner.
Madame Bartoli partit d'un éclat de rire, faisant ondoyer ses long cheveux ébènes qui cascadaient sur son chemisier en lin.
- Va, nous partons dans vingt minutes ! »
Trop heureuse de pouvoir échapper, ne serait-ce q'une heure à l'atmosphère pesante qui régnait dans la maison depuis ma dispute avec Elio, je ne me fis pas prier, gravissant quatre à quatre les marches menant à ma chambre pour me rafraichir en vitesse.
J'étais en train d'enfiler un débardeur plus léger que mon actuel t-shirt quand, un discret grattement à ma porte me fit me retourner.
Légèrement jaunie et rectangulaire, un mot gisait sur le parquet, tâche ocre tranchant avec le bois sombre. Je demeurais interdite, à moitié vêtue debout au centre de la pièce et, c'est d'une main tremblotante que je m'en saisie, découvrant ces mots :
16h près du portail, prend le vélo d'Alfio.
Sois à l'heure,
E.Je dû le relire trois fois, simplement pour m'assurer que mon esprit ne me jouait aucun tour car hormis Elio, personne d'autre n'avait pus écrire cela. Terminant de m'habiller je sentis mon coeur tambouriner dans ma poitrine, ainsi encore une fois, c'était lui qui brisait la glace et qui faisait un pas vers moi. Je pris une grande inspiration, cette fois-ci j'étais déterminé à ne commettre aucune bourde. Je jetais machinalement un regard à ma montre et lâchais un juron :
« - Merde ! Seize heures quinze ! »
Je dévalais aussi vite que je les avais monté, les marches du grand escalier mais, me stoppais tout d'un coup au milieu car, envahis par mes émotions à la vue du mot d'Elio, j'en avais oublié le rendez-vous avec Agnese.
« - Elio ? Agnese ? Elio ? ... » me questionnais-je en dansant d'un pieds sur l'autre ne sachant pas bien que faire. Je fini par décider d'aller prévenir Elio que je ne pouvait pas passer la fin de mon après-midi avec lui, priant pour qu'il ne prenne pas mon refus pour un évitement.
Traversant le jardin, je me dirigeais vers le portail dont j'apercevais déjà les grilles entre les branches. J'aperçus également la silhouette élancé d'Elio qui, en selle sur un vélo rouillé semblait tout prêt à partir, un lourd sac à dos de sport vissé sur ses épaules.
Quand je fus à sa hauteur il n'y eu aucun sourire, aucun bonjour mais seulement ces mots un peu assassins :
« - Tu es en retard...
Une sorte de colère sourde monta en moi, comment avais-je pus bêtement croire que son mot signifiait une trêve entre nous, je m'étais bien trompé, Elio agirait toujours comme un enfant :
- Je ne peux pas venir ! J'ai autre chose à faire ! lâchais-je en commençant déjà à m'en aller.
- C'est nous qui allons faire les courses pour la sortie à la lagune, ça évitera à ma mère de bouger alors, dépêche toi ! »
Il avait parlé sans même me regarder et pédalait vers le sentier qui bordait sa propriété, sans se soucier de savoir si je le suivais ou non. Hors de moi d'être traitée de la sorte, je voulus lui hurler que je n'avais pas de vélo mais, en avisant un posé contre le tronc d'un arbre, je me dépêchais de l'enfourcher et rattrapais mon retard, ravalant avec peine ma mauvaise humeur.
*
Le trajet s'effectua en silence, je roulais quelque peu en retrait d'Elio, pas encore suffisamment calmée pour vouloir lui parler, préférant observer les champs labourés et les quelques arbres rabougris par le soleil qui défilaient à perte de vue, seulement ponctué par les toitures en tuiles d'une ou deux fermes.
Après ce qui me parut être une éternité à rouler sous le ciel sans nuage, nous arrivâmes au bourg de Rizzi : la place était toute pavée et des vaguelettes de chaleur déformaient le paysage ; de hautes maisons colorées la ceinturait, habitations dans les étages et petits commerces au rez-de-chaussé. Elio mit pieds à terre, me laissant seule le temps qu'il fasse les courses, je n'essayais pas de le suivre, trop soulagée de l'éviter encore un peu. Pourtant, cette situation était loin d'être agréable et derrière ma colère je savais bien que notre après-midi dans la piscine me manquait un peu.
« - Si seulement je n'avais pas perdu ce putain de collier ! » pensais-je, donnant un violent coup de pieds dans un cailloux qui avait eu le malheur de croiser mon chemin, l'envoyant valser.
Marmonnant dans ma barbe tout en marchant sans but sur la place, j'arrivais sans m'en rendre compte devant une boutique de souvenirs à l'intérieur de laquelle, un couple de touristes s'extasiaient en contemplant une série de cartes postales.
Ce fut aussitôt comme une révélation, Dieu, le destin ou que sais-je encore, m'offrait la possibilité de tout arranger et de régler une bonne fois pour toute cet épineux problème. Ragaillardie, j'entrais en sifflotant dans le magasin, cherchant fébrilement le portant à bijoux.
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CMBYN
Fanfiction28 juin 1984 Quand je repense à l'été 1984 et à la palette d'émotions qui m'a alors habité, il me paraît évident que tout ce qui allait se passer au cours de ces huit semaines, coulaient de source. Mais, à l'aube de mes dix-neuf ans, je ne pouvais p...