Je ne sais pas depuis combien de temps je suis coucher là. Plusieurs heures ou même plusieurs jours, je suis incapable de le dire, je n'ai aucuns repères, je suis dans le noir les trois quart du temps. Les seules choses qui me confirme que la vie n'est pas totalement éteinte sur terre sont les passages plus ou moins réguliers de ce type.  Je ne peux même pas prendre les repas pour repères puisqu'il ne me nourrit que par passes...parfois mon estomac grogne tellement fort que j'ai l'impression que je vais m'évanouir et mourir là, sur le sol de cette cage. Je ne comprends rien à ce qu'il m'arrive, comment j'ai pu atterrir dans le corps d'un chien. J'ai déjà entendu parler de réincarnation mais ça voudrait  dire que je suis mort.  N'est-on pas sensé oublier son ancienne vie? Pourquoi suis-je encore Eric??? Avec mes souvenirs et à penser comme un homme???C'est une histoire de fou. Entre nous j'aurais préféré tout oublier, devenir vraiment aussi con qu'un clébard, ça m'aurait au moins éviter de penser. Les seules choses qui m'auraient intéresser auraient été de manger et de pisser. Quitte à devenir un animal j'aurais aimer en avoir le QI, c'est à dire aucun. 

L'ampoule du plafond émet de légers cliquetis, le néon clignote avant de s'allumer totalement. Je crois que c'est la première fois que je vois la pièce aussi inondée de lumière. Il me faut quelques secondes pour que mes yeux s'adaptent. Les premières heures ou je me jetais stupidement contre les barreaux de ma cage en espérant qu'on me libère sont bien loin derrière moi, j'ai bien compris que ce n'était pas du tout dans leurs projets. Je me blotti contre la paroi du fond en me recroquevillant au maximum, si j'avais pu me fondre dans le bois je l'aurais fait. L'homme qui me garde, ne vient pas seul. Il est accompagné de trois types. Ils portent des tenues sombres et communiquent à voix basse:

"- Allez les gars, à trois on soulève."

Je sens ma cage se soulevée et se poser quasi immédiatement. Deux des gars la contourne et la pousse. Je suis sur une planche munie de roulettes, surement une de ces planches qu'on utilise pour déménager de gros meubles. Ou est-ce qu'ils m'emmènent??? Je sens une angoisse me serrer la poitrine, j'ai envie de hurler...enfin plutôt d'aboyer dans mon cas mais mon instinct me dicte de rester tranquille, provoquer leur colère pourrait me valoir une sacrée branlée. Sans en comprendre le pourquoi je me mets frénétiquement à chercher "la fille". Je ne l'ai pas revu depuis la première fois ou je me suis réveillé dans ce corps, mais j'ai plus d'une fois senti son odeur, elle venait dans la pièce, je la voyais, assise dans le noir sans rien dire. Son effluve me rassurait, je me sentais bien et en confiance. Là, en ce moment j'aurais bien besoin de ressentir ce bien-être, croiser ce regard "ami". Il me semblait parfois, l'entendre sangloter, mais je n'en suis pas sur, j'ai l'impression que mes sens sont plus affûtés, ma vue, mon odorat et mon ouïe sont incroyables. C'est pour ça que je ne saurais dire si elle pleurait ou pas, les bruits étant amplifiés, ça aurait très bien pu être des bruits de l'extérieur, ou des bruits corporels. J'entends les battements cardiaque, j'en comprend le rythme, la peur, la haine, l'angoisse, l'amour. Comme si ces battements avaient un impact sur mon propre cœur, les parfums m'apparaissent sous formes de couleurs car contrairement à ce que j'ai toujours cru les chiens ne voient pas en noir et blanc, de cette façon je peux les distinguer et les reconnaître immédiatement, c'est juste que les couleurs sont moins vives, il y en à même que je ne serais pas capable de reconnaître, comme le vert et le rouge. Ça pourrait presque ressembler à une forme de daltonisme. Par contre, de nuit, cette vue devient incroyable, je peux distinguer chaque chose avec une acuité formidable. Si j'avais été un chien en liberté, je pense que l'expérience aurait pu être extraordinaire. Qui n'a pas rêver en regardant "spider-man" de se découvrir, comme lui, de nouveaux pouvoirs? La grande différence entre lui et moi, c'est qui ne fini pas dans le corps de l'araignée, lui. 

On passe par une porte menant à l'extérieur. La brise vient me chercher au fond de ma cage, je m'approche et tend le museau, les yeux fermés, je me laisse enivré par toutes ces odeurs. Si ils me laissaient sortir je crois que je courrais comme un fou, je me roulerais dans l'herbe, je...!!! Qu'est-ce qui m'arrive? Un sentiment de joie immense m'envahi, une envie de liberté vient me vriller les entrailles, je commence à penser comme un chien...est-ce que ma personnalité va finir par disparaître totalement? Est-ce qu'Eric va vraiment finir mourir finalement? Je dois admettre que je le souhaiterais presque. On me charge à l'arrière d'une fourgonnette. Je me retrouve de nouveau dans le noir. La route que nous empruntons est très accidentée, le véhicule a beau rouler au pas, les amortisseurs s'enfoncent dans les trous et je suis ballotté dans ma cage, fixée par des tendeurs aux parois blanches de la camionnette. Au bout de quelques minutes, nous quittons ce qui devait être un chemin de terre, parce que la route devient beaucoup plus calme et plus rapide. les balancements de la camionnette m'enfoncent dans un demi-sommeil, je commence à perdre contact avec la réalité. Depuis que je me suis réveillé dans ce corps, j'ai à chaque fois l'impression que c'est un mauvais rêve et que quand j'ouvrirais de nouveau les yeux je serais tranquillement dans mon lit, que j'irais au boulot et que je raconterais ça à mes collègues en riant d'avoir été assez stupide d'y avoir autant cru, mais à chaque fois, c'est dans cette cage que je suis. Des bruits de moteurs et de klaxonnes me tire de ma torpeur, nous sommes en ville. Le fourgon s'arrête, le moteur s'éteint, les portières claques...et puis plus rien. Je tend l'oreille, ils sont parti. Je ne supporte pas de me retrouver seul comme ça, je panique toujours en me demandant si il va revenir, je le déteste et pourtant je donnerais tout pour qu'il soit là, sa présence m'insupporte et me rassure...j'ai souvent entendu dire, qu'un chien aime son maître, même si il le brutalise ou l'ignore. Qu'il est prêt a mourir pour lui et qu'il lui pardonne  tout, qu'un chien aime son maître plus que lui même, j'ai toujours trouver ça débile et c'est ce qui m'a toujours fait dire qu'un clébard n'avait rien dans la caboche, personne ne peux aimer comme ça, sans contrepartie, sans rien attendre en échange...et pourtant c'est ce que je ressens en ce moment, je sais qu'il est mauvais, qu'il ne m'aime pas et pourtant...je voudrais qu'il soit là.  Est-ce que c'est ça la loyauté? La légendaire fidélité canine? 

La double porte du fourgon s'ouvre enfin, il est là avec les deux types. Je jappe de joie, il ne me jette même pas un regard...c'est pas grave.  Dehors, la nuit est tombée. Ma cage est de nouveau posée sur la planche à roulettes. La rue est pavée, les trois hommes font avancer ma cage avec précautions. Mon "maître" appelons le comme ça, frappe contre une lourde porte de bois, elle parait ancienne. On lui ouvre et un type regarde à droite et à gauche avant de nous laisser entrer. J'entends plus loin, un raffut, mélange d'aboiements et des bruits métalliques. Une grande salle abrite de nombreuses cages comme la mienne et les bruits métalliques viennent de gamelles en inox que l'on frappe contre les barreaux. Que font tous ces chiens ici? Je croise le regard de certains qui se jettent sur les barreaux en me voyant passer, les babines retroussées dans un rictus mauvais, leurs crocs ruisselantes de bave. Ils ont l'air prêts à m'attaquer sans que je n'ai besoin de les provoquer...juste comme ça....comme si...Un instant le temps semble se suspendre, ma vision se brouille, ce n'est pas possible, ça ne peut pas être ça. Tous ces chiens, ces hommes qui déambulent entre les cages en les observant, ces maîtres qui les excites...je reconnais certains visages. Ma crainte se confirme, mon cœur s'emballe, la terreur m'envahi...

 Ce sont des chiens de combats... JE SUIS UN CHIEN DE COMBAT.....  

Chiens de combatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant