Prologue

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Il s'est assis, son casque bluetooth beige sur les oreilles. Il voulait écouter du Hans Zimmer, alors il a mis la musique d'Inception.

Son film favori. Enfin, celui de son top 5.

Il était sur des marches grises et froides, salies par les intempéries, le temps qui passe et les milliers de pas des lycéens qui les franchissaient chaque jour. Personne à l'horizon, il était bien trop tôt, les cours ne commençaient que dans trois-quarts d'heure. Le portail du lycée était encore clos.

Au loin, un cyclomoteur fit entendre ses pétarades bien trop provocantes pour des oreilles un lundi matin à 7h30.

Mais Owen était bien trop absorbé par la douce réminiscence de son lit douillet et par la berceuse envoûtante de la musique qui enchantait ses oreilles pour s'en préoccuper.

Lui, était l'élève lambda, discret et blasé, qui ne montrait seulement qu'une certaine rigueur dans la ponctualité, la ponctuation et les ponctions lombaires que son père médecin aimait lui relater.

S'il était aussi en avance, ce n'était pas seulement dans un soucis de ponctualité, mais également pour rêvasser. Oui, Owen était un rêveur accompli, qui ne trouvait sa place que dans des songes et dans la quête d'univers plus intéressants, où la géographie et la loi de Bernouilli n'étaient qu'une plaisanterie cocasse.

Le jeune homme s'estimait philosophe, et bien plus clairvoyant que la plupart de ses camarades, des superficiels écervelés qui s'arrêtaient bien trop aux chiffres et au domaine matériel.

Lui était spirituel. Se déclarait bouddhiste, pacifiste, anarchiste. Fataliste.

Il aimait être différent, et voulait être différent.

Sa vision du monde était toute particulière.

L'homme était né pour vivre dans le chaos. L'homme était fait pour souffrir. L'homme était un être prisonnier de sa chair, et cette chair faisait sa faiblesse.

Un jour l'homme fera de sa terre un désastre écologique, un désert désolé. Il était fait pour anéantir sa propre planète.

Un jour la naissance d'un enfant sera une malédiction, la mort une délivrance.

Tous les humains seront pauvres et en manque de ressources.

À ces pensées qui pourtant le réjouissaient plus qu'elles ne le devraient, Owen se releva, sentant des fourmis lui parcourir les jambes.

De son sac glissa l'œuvre qu'ils étudiaient en classe de français.

Nonchalamment, la tête dans la lune, il la ramassa, ne prenant pas la peine de la dépoussiérer après son passage au sol.

UTOPIA,  de Thomas More.

– Ce truc aurait dû se baptiser "Ennuitopia", grommela le jeune homme.

Et il lui prit une envie de changement, si fortement qu'il se retrouva à espérer que le système mondial entier soit renversé (rien que ça!).

Si Owen avait su ce qui l'attendait, il n'aurait sûrement pas espéré un tel changement...

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