Chapitre Trois (bis)

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Jour 1

Maya

Pédaler la faisait atrocement souffrir. Ses mollets étaient comme tétanisés, et ses bras tendus la lançaient atrocement. Elle n'avait fait aucune pause, n'avait croisé personne mais avait manqué de s'étaler plusieurs fois par terre en raison de la mauvaise qualité de la route, et de l'état de son vélo. Son sac de voyage était bien trop pesant, si bien que la jeune fille s'était demandée si elle pourrait se tenir droite de nouveau un jour.

Sa montre connectée lui indiquait le chemin, en bon GPS. Elle espérait que la vieille maison où il lui arrivait de passer quelques jours de vacances avec son parrain était toujours celle d'Aurélien. Sinon elle était bonne à dormir à la belle étoile.

Jetant un regard au ciel, elle soupira en remarquant la couleur orangée du ciel. La pollution se propageait jusqu'en pleine campagne. Tout autour d'elle, des champs s'étendaient à perte de vue, avec une forêt dont les arbres faméliques tendaient leurs bras pourvus de feuilles tachetées, signe de maladie, vers des cieux plus cléments.

Plus elle se rapprochait de la forêt, plus il lui semblait reconnaître l'endroit. La forêt était mal en point, il n'y avait plus de vaches et l'herbe était jaunie, mais son GPS lui indiquait seulement une quinzaine de minutes à pédaler.

Elle fit subitement un vol plané par-dessus son vélo.

Elle n'avait pas su discerner le dénivelé.

Elle sentit sa tête cogner lourdement le sol et les cailloux du chemin s'enfoncer sans pitié dans ses paumes. Sonnée, elle resta au sol quelques minutes, avant d'essayer de retirer le lourd sac qui l'écrasait en grognant. Sa tête saignait, elle le voyait aux gouttes de sang sombre sur le bitume abîmé par le temps et la nature.

– Et compote de bique à roulettes, jura la jeune fille alors que sa tête tournait. Elle jeta un coup d'oeil au cadran de sa montre connectée. Il n'était pas encore dix heures. Le ciel avait pourtant la couleur du soir.

Epuisée, Maya décida de se décaler du mieux qu'elle put du milieu de la route pour faire une pause. Il lui restait une dizaine de minutes, mais qui sait ce qui l'attendait? Peut-être son parrain n'était-il plus là.

Elle s'allongea, repensant aux derniers moments avec sa mère et s'endormit tout net.

Son sommeil fut de très courte durée, puisqu'elle fut réveillée en sursaut par une voix masculine assez forte.

–  ... y a une gamine là je vous dit!

–  Pousse-toi, on dirait que t'as pas vu de filles depuis... Maya?! fit une voix familière.

L'adolescente se releva rapidement reconnaissant vaguement les traits de son parrain.

–  Aurélien! Enfin je t'ai trouvé! souffla-t-elle en se jetant dans ses bras.

–  C'est plutôt lui qui t'a trouvé, lança un garçon un peu plus jeune qu'elle, qu'elle n'avait pas remarqué.

C'est alors qu'elle remarqua qu'elle était encerclée par cinq hommes. Son parrain, qui la regardait avec bienveillance, l'adolescent qui venait de parler, un homme d'âge mur qui se tenait juste à côté de lui (probablement son père), un autre du même âge que son parrain et qui l'avait sûrement réveillée par sa voix tonitruante, et en retrait, qui regardait la scène avec les yeux plissés, un jeune homme dans la vingtaine au teint blafard et aux cheveux noir corbeau.

–  Qu'est-ce que tu fais là à dormir dans le fossé Maya? Où est Olga?

–  C'est long à expliquer... Promis une fois qu'on est chez toi je t'explique tout... Par contre c'est qui eux? s'enquit la blondinette en regardant Owen, toujours à l'écart, d'un air suspicieux.

–  Moi c'est Hakim, salut, fit l'adolescent, détournant son attention.

–  Nathan, son père, continua d'une voix bourrue l'homme à ses côtés.

C'était au tour du joli brun mais le trentenaire jovial fut plus rapide.

– Basile, pour te servir ( il croisa le regard noir de Rael)... ou pas... et derrière c'est Owen. Il vient d'arriver aussi. Plus on est de fous plus on rit.

– Et plus on a de chances de se faire choper, ajouta Rael. C'est pour ça que tu vas pas pouvoir rester avec nous, décréta-t-il.

Maya s'insurgea:

– Quoi ? Tu plaisantes ? Tu penses vraiment qu'à pas te faire choper?? Il est hors de question que je reparte, j'ai nul part où aller...

– Viens on en reparle à la maison. Owen, Basile, vous pourrez vous occuper du vélo de Maya? Mais qu'est-ce que tu t'es fait, c'est quoi ce noir dans tes cheveux? s'inquiéta-t-il soudainement en examinant la chevelure blonde de sa filleule.

– Je suis tombée tout à l'heure. C'est rien.

– Tu m'expliques la couleur de ton sang? dit-il gravement en montrant sa main tâchée d'un liquide poisseux et noir.

La jeune fille resta silencieuse, mit la main à sa tête et observa le sang noir sur ses doigts. «C'est quoi ce délire...»

  –  C'est du cambouis ou un truc du genre non? Ca vient de ton vélo peut-être? supposa Basile en se penchant vers le vélo couché par terre. 

  –  Alors maintenant elle saignerait du cambouis? T'es trop fort toi, s'esclaffa Hakim.

Owen se rapprocha de Maya.

  –  Je peux voir ta main? demanda-t-il doucement.

Perplexe, la jeune fille la lui tendit, mais amusé par son incompréhension Owen la lui refusa pour prendre son autre main, celle avec du noir. Délicatement il toucha le liquide qu'il testa de ses doigts et le sentit.

–  Alors, qu'en dit notre chimiste préféré? 

– C'est du sang. Mais je ne comprends pas ce qui l'a fait réagir pour être noir comme ça. J'ai pris mon microscope et des lames, je veux bien étudier ça pour vous. Au moins je me rendrai vraiment utile, grimaça Owen en s'écartant de la jeune fille et regardant Rael. Et il me faudra le sang de l'un d'entre vous...

–  Et pourquoi pas le tien? demanda le taciturne Nathan, sur la défensive.

– J'étudierai le mien aussi si ça te fait plaisir mais je connais sa composition. J'ai jamais pris de SL... Attendez, s'illumina le jeune homme. Euh Bidule hum... Maya, c'est ça? Tu prends de la SLK?

 – Oui, depuis quelques années en fait, confessa-t-elle, et alors? Mon père les fabrique, ça doit pas être si mauvais ce qu'il y a dedans...

– Ton père les fabrique?! s'étouffa presque Owen, surexcité. Mais c'est génial! Il faut qu'on le retrouve. 

– Owen... commença Rael.

– Il est probablement mort à l'heure qu'il est, l'interrompit Maya d'un air sombre, provoquant au visage d'Owen de se durcir, il savait ce que c'était. Mais tu penses que la couleur  de mon sang a un rapport avec les seringues?

– C'est mon hypothèse, mais je vais devoir prendre le sang de quelqu'un qui a pris leur contenu et qui a arrêté pour en être sûr. Je comparerai leurs teintes et j'en déduirai si cette couleur est due aux SLK, et après il me restera à trouver ce qui cause au sang de se foncer. On y va? fit d'une traite le jeune homme en relevant le vélo de Maya et en repartant d'un bon pas.

 – Il est... super étrange votre copain... souffla Maya.

 – C'est un nerd, et c'est pas notre pote, démentit Hakim. 

– Bon allons-y, dit fermement Rael en poussant doucement sa filleule. Le nerd, on en aura bien besoin.   

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