Chapitre 2

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-SUSPENDUS?!

Alice, hors d'elle, attrapa Francis par le col de sa chemise et le plaqua contre le mur. Comment...comment pouvait-il lui faire ça? Comment pouvait-il la suspendre, elle qui lui était si fidèle, qui n'aurait jamais rien fait pour lui déplaire? Elle se sentait trahie. La suspendre...la priver de son seul plaisir...comment...

-COMMENT PEUX-TU ME FAIRE CELA?! ME SUSPENDRE!

-Alice! Arrête!

-POURQUOI FRANCIS?!

-Alice! Plaquer ton patron au mur ne résoudra rien, hurla Duncan. Arrête immédiatement!

Impuissante, elle lâcha l'homme dans un accès de rage, et sortit en trombe, bousculant son partenaire et détruisant presque la porte d'entrée. Ducan regarda la scène, affligé. Non seulement il devrait avoir à calmer Alice, mais il était en train de passer à côté d'une prime fabuleuse...

-Tout s'est bien passé on dirait...

Il se retourna, lançant un regard circonspect à son supérieur. D'un certain point de vue, cela aurait pû être pire, c'est vrai. Mais elle n'était pas la seule à être désapointée par cette nouvelle.

-Ce n'est pas contre vous, reprit Francis. Mais ce fichu contrat est extrêmement important; si on le perdait et qu'il revenait à des concurrents... L'Entreprise pourrait...

Il se tut soudainement, regardant la porte. Duncan aperçu alors Yvette, la secrétaire du patron, se tenant dans l'encadrement de ce qu'il restait de la porte. Tremblante, la petite dame tenait entre ses bras une pile de documents, contenant sans doute les commandes de missions à approuver. Se relevant et époussetant sa veste, Francis fit signe à Duncan de sortir. Sans un mot, il prit la direction de la porte, puis posa une main sur l'épaule d'Yvette. Il lança alors un regard glacant le sang de la secrétaire. Cet homme était vraiment effrayant... elle en avait peur. Comme presque tous les tueurs de l'Entreprise d'ailleurs, hormis M. Andrew, un véritable gentleman. Rien à voir avec cet homme désagréable, aux traits creusés, qui aurait pû être bel homme, avec ses cheveux bruns légerement décoiffés et ses yeux gris, si ceux-ci n'étaient pas animés de cette lueur malsaine qui caractérisait les tueurs professionnels. Et elle en avait vu suffisamment passer cette porte pour trembler lorsqu'elle se trouvait à quelques mètres de l'un d'eux. En particulier lorsqu'il s'agissait de M. Duncan.

En soi, elle le trouvait bien plus terrifiant que Mlle Alice. La jeune femme aux longs cheveux blancs était certes effroyable, mais la savoir aux crochets de M. Steinberg la rassurait un peu, étant donné qu'elle était sa secrétaire, mais pour lui...un simple regard suffisait à faire comprendre que seul l'argent motivait son travail. Le seul lien entre les deux hommes se reliait au virement de fin de mois et aux primes de meurtres importants, et son employeur venait de se mettre l'un des tueurs les plus dangereux de l'Entreprise à dos...

Tout le monde avait oublié depuis qu'il était devenu le coéquipier de Mlle Alice. Il était devenu son ombre. Plus personne ne faisait réellement attention à ses capacités, il finissait juste le travail après le passage de la furie, ce qui lui vallait le surnom de Nettoyeur parmi ses collègues. Mais elle se rappelait. Et elle en avait peur. Une peur atroce. Déchirant ses entrailles. Et elle tremblait, sous ce regard brûlant; son sang se glaçant tandis que ses joues perdaient peu à peu de leur couleur. Une proie face à un chasseur.
Il la fixait. Puis il s'en alla. Aussitôt, la pression sur ses épaules s'envola.

-Yvette?

-Oui monsieur, veuillez m'excuser, reprenant aussitôt son sérieux.

-Qu'est-ce que c'est ?, demanda-t-il en désignant les dossiers qu'elle serrait dans ses bras frêles.

-Il s'agit des commandes de missions à valider, de différentes analyses de la productivité de l'Entreprise, les factures en composants et en gazs pour l'équipe de M. Anton, celles pour les dégats causés par Mme Graziella lors de l'explosion de la semaine dernière, sans oublier les habituelles factures pour les débordements de Mlle Alice, ainsi que les comptes-rendus des opérations de la matinée. Ah, et un chien attend à l'accueil, Mlle Alice a demandé à ce que vous le rendiez à son propriétaire, un certain Luis Martinez.

-Martinez?

-L'un de vos employés monsieur, un des responsables de la maintenance informatique de l'Entreprise. Actuellement en congé suite à un accident. L'un de nos tueurs l'a confondu avec sa cible.

-Mais comment diable Alice a-t-elle rencontré ce type...posez cela sur mon bureau je vous prie. Oh, et, s'il vous plaît Yvette, faites venir les androïdes de nettoyage pour la porte. Et veuillez vous débarrasser de cette...chose.

Manquant de vomir à la vue de l'organe, elle déposa les dossiers, le prit dans un mouchoir en se retenant et le jeta dans l'incinérateur mural, bien plus pratique qu'une vulgaire poubelle au niveau du stockage et des odeurs. Alors qu'elle s'apprêtait à s'asseoir derrière son bureau pour appeler les androïdes, une ombre la fit se relever en sursautant, apeurée.

- Good morning, Yvette.

-Mon...monsieur Andrew!

Un sourire éclatant de la part du jeune homme fit oublier toutes ses craintes à la dame d'âge mur, souriant à son tour face au charme du gentleman. Même si elle savait quels secrets étaient renfermés derrière cette façade si séduisante. Elle était secrétaire, après tout. Connaître les employés était une part de son travail. L'homme lui fit un baisemain, ce qui ne manqua pas de faire rougir Yvette, avant de reprendre une allure plus sérieuse, et quelque peu embêtée.

-Je suis navré de vous importuner, my dear, mais auriez vous des ordres de missions à mon nom? Je n'en ai reçu aucun depuis une semaine déjà, et avec l'opération pour la Sphère, et je dois avouer que je suis quelque peu...surpris.

-Vos ordres de missions? Mais ils vous ont été communiqués par implant brachial! À moins qu'il n'y ait eu un souci au niveau de l'envoi...attendez quelques instants, je vais vérifier.

Voyant la secrétaire s'activer derrière son bureau, Andrew ne pût s'empêcher de s'interroger, perplexe.

-Par implant? Je pensais que l'Entreprise avait pour principe de toujours transmettre les missions en mains propres aux tueurs professionnels...

-Comme vous pouvez sans doute le constater, nous sommes surchargés de travail en ce moment, et les débordements de bon nombre de vos collègues nous causent beaucoup de problèmes en ce moment, répondit-elle, les yeux rivés sur l'écran dernière génération sorti tout droit des usines du Prisme.

-Alice?, demanda-t-il en lançant un regard à la porte détruite, devant laquelle quatre androïdes s'affairaient.

-Si seulement il n'y avait qu'elle! Elle cause bien moins de problèmes depuis qu'un service de nettoyage complet lui a été attribué et que Mr Duncan est devenu son coéquipier, mais maintenant nous avons à gérer des explosions entières de bâtiments et des gazs toxiques qui se diffusent à trop grande échelle, avec les nombreuses plaintes pour victimes collatérales...enfin je vous en ai trop dit, ne répétez à personne ces informations, cela ne créerait que trop de tensions inutiles...

-Vous pouvez compter sur ma discrétion, lui assura-t-il, un brin pensif.

-Ah, voilà! , s'exclama-t-elle, puis, relevant les yeux vers lui, je vous ai envoyé les papiers quelques minutes après le début de la maintenance informatique, donc il est normal que vous n'avez rien reçu...je suis vraiment navrée, mais fort heureusement, votre première mission est prévue à 20h25 cette après-midi, cela n'aura donc aucune conséquence désastreuse, mais veuillez m'excuser du dérangement causé par mon étourderie...

-Ne vous en faites pas my dear, je ne vous en veux pas le moins du monde; maintenant, veuillez m'excuser mais j'ai des fichiers à consulter et mon matériel à préparer.

Après un au revoir, Andrew passa la porte du secrétariat principal, amusé. On apprenait beaucoup de choses, en parlant à un secrétaire...

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