Chapitre 5

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- Je t'avais dis que ça ne changerait rien à sa décision...arrête de t'acharner sur cette plante, elle ne t'a rien fait! Il veut simplement garantir le bon fonctionnement de l'Entreprise, et pour cela tu dois juste faire profil bas un certain temps. Alice, écoute ce que je dis au lieu de détruire les machines à café, pour une fois qu'elles fonctionnent correctement...

Duncan l'agaçait à présent. Parler pour ne rien dire, quelle perte de temps. Qu'il la laisse tranquille, par pitié, devoir supporter la tirade de Francis étant déjà suffisamment ennuyant, inutile de rester sur la même lancée. D'un regard, elle fit comprendre à son collègue qu'elle ne souhaitait pas continuer la conversation, et partit en direction de l'ascenseur.
Sous-sol, quatrième palier. Les bureaux de la maintenance. Enfin, une excuse pour y rassembler les hackers employés par l'Entreprise afin de protéger leurs données. Qui de mieux placé qu'un pirate informatique pour repérer les erreurs dans le système, et donc les corriger?
Étonnée, elle constata la présence d'un silence total. Seul le bruit des doigts parcourant frénétiquement les claviers d'ordinateurs résonnaient, assourdissants. Pour une fois qu'ils avaient plus de travail qu'elle...

Se faufilant à travers les tables, elle s'arrêta à la vue d'un vieux bobtail, ouvrant un œil avant de remuer la queue et aboyer, ce qui attira l'attention de son maître.

-Alice! Ravi de te revoir ma vieille!

-Ça fait plaisir de te voir aussi! Mais dis, ça fait longtemps que ça dure?

-Tu parles de cette ambiance pesante? Trois jours au moins. Le boss est descendu lui-même pour nous mettre la pression, jusqu'à renvoyer Larry et Marc...enfin bref, j'ai appris pour la suspension; tu le vis comment?

-Extrêmement mal. Francis va le regretter. Je ne pensais tout de même pas qu'il irait jusqu'à renvoyer deux personnes, surtout vu la charge de travail que vous devez avoir avec le futur contrat...

Elle vit Luis grimacer, taper frénétiquement quelques caractères sur son clavier, avant de lui répondre à mi-voix, les yeux rivés sur l'écran.

-A vrai dire, sécuriser les archives numériques ne représente pas un réel problème en soi, c'est même relativement simple, mais...

Il s'arrêta, se concentrant sur son rythme de codage devenu deux fois plus rapide, puis se relâcha d'un coup sous les yeux médusés d'Alice.

-Je ne devrai probablement pas te parler de ce qui se passe, donc sois discrète là dessus; depuis les trois derniers jours, on reçoit sans interruption des milliers d'attaques de nos serveurs, pas forcément sérieuses, mais qui nous prenne un temps considérable à traiter; nous sommes débordés, et ne pouvons désormais plus nous charger de ce que nous sommes supposés avoir fini. La descente du boss dans les bureaux a été catastrophique, comme je te l'ai dit tout à l'heure.

-Et vous avez une idée de qui est derrière tout ça?

-Là est le problème. On reçoit tellement d'attaques provenant de milliers d'adresses IP différentes que même si l'on essaie d'en tracer une cela reste impossible de savoir de qui ou quoi cela provient. Bon, j'imagine que tu n'es pas venue là pour parler chiffons, je me trompe?

Elle sourit.

-A vrai dire non, mais si tu es vraiment occupé...

-Ne t'en fais pas, je viens d'installer un logiciel bouclier que j'ai passé toute la matinée à développer entre les différentes attaques. Il ne tiendra pas plus de deux heures mais c'est suffisant pour m'accorder une bonne pause. Alors, qui veux-tu voir en scène?

-La mission d'Anton a l'air fort intéressante...

Il n'en fallut pas plus à Luis pour taper sur son clavier, et apparut à l'écran une image de caméra surveillance. Alice jubilait. Un bureau, comme celui où sa dernière mission s'était déroulée; une nouvelle exécution de masse. Mais cette fois-ci, la technique changeait radicalement. Une conseillère toussant au téléphone, avant de s'asphyxier. Panique montante. Ses collègues courent vers elles. Un autre s'étouffe, puis meurt. Panique générale. Les cadavres tombent un à un, jonchant le sol avec cette même expression agonisante leurs visages. Un tel plaisir à regarder...bien que cela manque cruellement de sang. Puis, au dessus des corps, l'ange des ténèbres, l'agent de la mort, achevant les quelques victimes ayant miraculeusement survécu au gaz. De si belles images...elle et son ami étaient ravis d'avoir le privilège de contempler le travail d'Anton, un ancien chimiste spécialisé dans les gaz, qu'ils soient toxiques, inflammables ou tout simplement mortels. Le caractère sacré que prenait la mort à cet instant précis la délectait, rappelant le plaisir qu'elle prenait à retirer des vies, ce sentiment de toute-puissance dont elle avait cru s'être lassée; tous ses doutes s'évanouissaient devant cette représentation de la mort en elle-même. Ce phénomène fascinant, rappelant à quel point la vie est éphémère, à quel point l'Homme est une créature fragile. Délectable. Anton en tenue de travail, blouse blanche et masque à gaz, achevant au pistolet les rares survivants. Rien à dire, c'était un travail de professionnel, précis et efficace.

- Alors Luis? Es-tu convaincu par cette prestation, demanda Alice.

- Bien évidemment! Par contre, même si observer Anton en action est agréable, je préfère tout de même ta méthode. Tu as l'air plus passionnée par ce que tu fais.

- Tu es mauvaise langue, rétorqua Alice. Tu sais qu'il passe beaucoup de temps à élaborer des gazs artisanaux; crois-moi, il faut être passionné pour faire ça, je n'en aurai personnellement pas la patience. Imagine à quel point ça doit être long! Et puis regarde, il a l'air de s'amuser sur place!

- On ne peut pas voir son visage à cause du masque.

- Rabat-joie. Tu vois bien qu'il...

Elle s'arrêta sous le regard intrigué de Luis et lui désigna l'écran.

- C'est normal que des gens sortent de l'ascenseur?

- Mais qu'est-ce que...

Alice retint un cri d'horreur, serrant la main de Luis. Lui aussi était sous le choc. Jamais, au grand jamais, une mission ne s'était terminée ainsi. Les images dont ils avaient été spectateurs venaient de changer la donne. Il se retourna vers Alice, un air sombre gravé sur son visage.

- On doit montrer ça au boss.

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