Le Renard et le loup

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Il y avait une fois un vieillard et une vieille femme. Le vieillard s’en alla pêcher des poissons. Il en rapporta à la maison une pleine voiture. En route, il vit un renard couché tout en rond. Il descendit de sa voiture, s’approcha de lui ; le renard ne bougeait pas ; il gisait comme mort. « Voilà un cadeau pour ma femme, » se dit le vieillard ; et il s’empara du renard, le mit sur sa voiture et continua son chemin.

Le renard prit son temps ; il jeta l’un après l’autre tous les poissons de la voiture, et, quand il les eut jetés, il descendit.

— Regarde, ma femme, dit le vieillard en arrivant, quel beau collet je t’ai apporté.

— Où cela ?

— Sur ma voiture, avec les poissons.

La vieille court à la voiture ; elle ne trouve ni collet ni poissons, et se met à gronder son mari :

— Vieille bête ! drôle ! Quel mauvais tour !

Alors le vieillard s’aperçut que le renard n’était point mort comme il l’avait cru ; il en eut bien du chagrin. Mais que faire ?

Cependant le renard avait ramassé en un tas tous les poissons, s’était assis sur la grand’route et s’était mis à se régaler.

Arriva un loup gris : — Bonjour, mon frère.

— Bonjour.

— Donne-moi des poissons.

— Va en pêcher toi-même.

— Je ne sais pas.

— Et moi, j’en ai bien pêché ! Va sur la rivière, près d’un trou à glace, mets ta queue dans le trou, assieds-toi et répète ces mots :

 
Venez, petits et gros poissons,
Vous prendre à mes hameçons.

Ils viendront eux-mêmes se prendre à ta queue.

Le loup alla sur la rivière et fit ce que le renard lui avait conseillé. Le renard le suivit, en répétant ces paroles : « Que le ciel soit clair, soit clair ! Que la queue du loup gèle, gèle ! »

— Qu’est-ce que tu dis, frère ?

— Je t’aide.

Et le malin renard répétait : « Que la queue du loup gèle, gèle ! »

Le loup resta toute la nuit sans bouger près du trou, si bien que sa queue gela ; à la fin, il voulut s’en aller, mais il n’y avait pas moyen.

— Que j’ai pris de poissons ! pensait le loup ; je ne peux pas même les tirer de l’eau.

Mais voici que les femmes du village viennent chercher de l’eau.

— Au loup ! au loup ! Il faut le tuer !

Elles commencèrent à taper dessus, qui avec son bâton, qui avec son seau, chacune avec ce qui lui tombait sous la main. Le loup saute, bondit ; il arrache sa queue et se sauve sans regarder en arrière.

— C’est bon, se dit-il, tu me payeras cela, mon frère le renard !

Tandis qu’il cherchait à se consoler ainsi de ses peines, le renard était en train de chercher s’il ne pourrait pas encore escroquer quelque chose. Il se glissa dans une chaumière où les femmes étaient occupées à cuire des crêpes, se fourra la tête dans un seau de pâte, se la barbouilla bien, et se sauva. — Le loup le rencontra :

— Voilà donc tes leçons, drôle ! On m’a mis tout en marmelade.

— Eh ! mon pauvre petit frère, chez toi, ce n’est que le sang qui a coulé ; chez moi, c’est la cervelle. On m’a encore bien plus rossé que toi : regarde, j’ai peine à me traîner.

— C’est vrai, dit le loup ; où vas-tu ? Vraiment tu me fais peine, et je te pardonne. Assieds-toi sur moi, je te porterai.

Le renard s’assit sur le dos du loup, qui le porta. Et le renard chantonnait tout doucement : Celui qui a été battu porte celui qui n’a pas été battu.

— Qu’est-ce que tu chantes, frère ?

— Je chante : Celui qui a été battu porte celui qui a été battu.

— Ah ! c’est bien vrai, frère.

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