Warning : Ce texte contient des scènes de violence, peu détaillées mais présentes. Si vous faîtes le choix de le lire malgré tout, ce sera votre responsabilité.
LaTerre était à jamais ravagée. Des villes monstrueuses lacouvraient de toute part. La diversité, la faune, la flore... laNature avait comme disparu. Engloutie dans un immense nuage depollution et d'économie libérale. Toute chose était empoisonnéejusqu'au plus profond de ses molécules. Et l'industrie dumédicament était plus florissante que jamais. Manger des pommesétait devenu pire que de prendre des antibios. Alors plus personnen'en avait plus rien à faire. Tous allaient crever d'un cancerou d'un AVC à 45 ans, et c'était tout. Autant vivre comme si derien n'était. Pour se donner un semblant de conscience, quelquesplantes poussaient en ville, et parfois on pouvait croiser, encastrédans le bitume en plein milieu d'un boulevard, un arbre fruitiertransgénique, mi-pommier, mi-poirier, qui se pavanait avec sesgrandes fleurs presque naturelles.
Mollyy pensait chaque jour, à cet arbre en plein milieu du boulevard,dans lequel elle avait déjà failli finir une dizaine de fois. Maiselle aurait encore préféré partir de cette façon que de voircette ruine de Nature disparaître. Elle se disait souvent, avec unesensation mitigée, qu'elle était la dernière écologiste surTerre. Et encore, c'était un grand mot, "écolo" ! Si uneécolo, c'est une nana qui chronomètre ses douches et qui n'achèteque des emballages en carton et en plastique biodégradable, alorsoui, elle l'était, profondément. À ce jour, plus personne neconnaissait le sens d'écolo.
Toutle monde vivait reclus sur sa petite vie, ses emmerdes, ses romances.Seulement deux groupes d'individus existaient : ceux qui ne pouvaitpas supporter la pression d'une telle société, et ceux sur quitout glissait. Pour ça, on aurait pu dire que Molly était couvertede beurre. Toujours d'humeur égale, sans émotion, sans grandepassion, cette brune avec un peu d'embonpoint était flic, parce quecomme elle n'aimait rien, elle n'avait peur de rien. Surtout paspeur du gore. Dans sa section, meurtres et compagnies, on classait90% des enquêtes pour suicide avéré. Un mal grandissant dans cettesociété amorphe et dépressive. Et les gens étaient de plus enplus inventifs pour mettre en scène leur mort...
Enfin,elle était comme tout le monde, Molly Régnier. Un appart minuscule,des parents agonisants, un chat qui crachait du sang, un boulot àtemps plein et une histoire d'amour pour boucher les trous. Avecune femme évidemment. L'homosexualité était la nouvelle tendancede la décennie, comment y échapper ? Les rapports amoureux étaientd'ailleurs plus stéréotypés que jamais. Molly savait qu'ellejouait l'homme dans une relation où le seul but était d'éviterl'abstinence. On soupçonnait les gouvernements internationauxd'être là-dessous, parce que la surpopulation était le nouvelennemi de l'ordre mondial.
Àce moment de sa réflexion, le bipeur sortit Molly de ses rêveries.Elle venait de dépasser son chronométrage, c'était la troisièmefois cette semaine !
Cematin, elle était en retard de cinq minutes. Cela ne la désespéraitpas, ne l'énervait pas, mais une légère irritation lui prit toutde même le nez. Elle savait qu'à l'accueil, il y aurait Katrina,toujours pile à l'heure derrière son comptoir, à huit heuremoins cinq. Elle lui ressortirait encore les potins du coin que Mollyne voulait pas entendre, les faits divers glauques et plats, et sesrêves sans queue ni tête. En plus, elle avait la fâcheuse manie deparler n'importe comment, pour se donner un genre.
"HelloRégnier, tu sais-t'y pas ce qu'on a appris ce matin ?
-Non,mais je sens que tu ne vas rien me dire...
VOUS LISEZ
Recueil de texte : Engrenage(s)
פרוזהUn recueil de textes de différent.e.s auteur.e.s et de différents genres, tournant tous autour du thème "engrenage(s)". Premier recueil du C.H.O.U.