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Pendant un instant, la maison resta silencieuse. Harry, qui avait assisté à la scène, était sûrement dans le salon avec ma tante, aussi choqué que celle-ci. C'est alors que je pris conscience de ma bêtise. J'avais dépassé les limites et franchi le point de non-retour. Je baissai la tête et fixai le sol, tremblante. Que pouvais-je bien faire dans cette situation ? Je me senti tout d'un coup impuissante mais surtout stupide. Je pensais alors à Thomas. S'il n'était pas intervenu dans ma vie, les choses aurait-elles pu aller mieux ? Sûrement pas ! Si je ne l'avait pas écouté, que ce serait-il passé ? Rien. Et ce n'est absolument pas ce que j'ai envi de vivre. Plus maintenant.

Ne sachant que faire, je m'affalai sur le chaise de mon bureau. Mon regard parcouru longuement ma chambre. Elle était remplie de livres, éparpillés un peu partout. Je les considérais comme mes biens les plus précieux. J'adorais me réfugier dans leurs pages et m' imaginer dans des vies que je ne vivrai jamais. Pour certains, je leur inventait une suite. C'est ainsi que pris goût à l'écriture. J'écrivais pour me libérer. La plupart de mes personnages représentaient tout ce que je n'étais pas. Ils étaient gais, rayonnants, faciles à vivre, amicaux, beaux et surtout, avaient des corps parfaits.

Dans ces histoires, il y avait aussi des personnages à mon image. Des personnages qui me ressemblaient en tous points. Des personnages que je haïssais tout comme je me haïssait.

Voulant mettre fin à mes pensées, j'attrapai un livre au hasard et l'ouvris à une page quelconque. Mes yeux parcourent les lignes en diagonal et s'arrêtèrent sur un mot. Un mot qui me fis frissonner. Un mot qui me rappela de nombreux souvenir. Un mot que j'aimais et que je détestais. Fugue.

~

Une gerbe d'eau glacée me réveilla brutalement. Je sursautai et roulai des yeux, déboussolée. Ce fut ensuite le regard noir de ma tante qui entra dans mon champ de vision.

- Dépêche toi de sortir du lit ! Me dit-elle froidement, avant de tourner les talons.

Mon regard se posa alors mon réveil. 6h13. Je grognai de contrariété et me laissai tomber sur le matelas. On était samedi. Autrement dit, je ne pouvais pas compter sur le lycée pour fuir la maison.

J'émergeai enfin de mon lit et me rendis dans la cuisine pour prendre mon petit-déjeuner. Sans grand étonnement, je ne vis que deux bols sur la table. Je ne mangerai rien ce matin.

Harry sorti au même moment de la salle de bain et un rictus barra son visage quand il passa à côté de moi. Je serrai les poings, les dents, mais je ne réagis pas. C'est tout ce qu'il espérait dans ces cas-là. Que je pète les plombs. Qu'il passe pour la victime et moi, pour la méchante.

Ma gorge se noua alors et les larmes me montèrent aux yeux. Je les réprimai aussitôt. Il fallait rester forte.

~

- Jeune fille ! Repose ça tout de suite !

Surprise, je relâchai le bout de pain que je m'apprêtais à manger. J'avais faim. J'étais sur le point de m'évanouir. Depuis ce matin, ne n'ai eu droit à aucun répit. Je croulais sous les tâches dont me chargeait ma tante. Mes jambes tremblaient, si bien que je peinais à rester debout.

- A ce qu'il paraît, tu es une jeune fille obéissante. Dans ce cas, prouve-le et va nettoyer la balustrade et le portail ! Éructa la mégère.

Je fis alors un pas en avant et m'écroulai pour la énième fois au sol. Ma tante me fis me relever à l'aide de coups de pieds. Alors, je n'y teint plus et fondis en larmes.

Une fois debout, ma tante fis demi-tour et j'en profitai pour glisser discrètement un petit paquet de biscuits qui traînait sur la paillasse. Je repensai au livre de la veille. Celui avec le mot qui me donnait la chair de poule. Il fallait que je m'enfuie. Où ? Je n'en savait rien. Mais il fallait tout de même que je sorte de cet Enfer.

Aux alentours de 19h00, tandis que ma tante et Harry regardaient une émission, je me rendis rapidement dans ma chambre. Je fourrai alors quelques vêtements, mon téléphone et un livre. J'étais nerveuse. Je ne savais pas ce que j'étais en train de faire.

Je voulu sortir en toute discrétion, mais au moment d'enjamber ma fenêtre, la fébrilité de mes bras me fis tomber à la renverse et j'atteris dans les rosiers de ma tante. Mes jambes étaient toutes écorchées, à l'instar des paumes de mes mains. Illico-presto, je me mis sur mes deux pieds et me dirigeai rapidement vers le portail. Une fois dehors, l'adrénaline me donna des ailes et je commençai à courir de toutes mes forces. Malheureusement, mon physique ne me permettait pas d'aller bien loin et je m'arrêttai devant l'épicerie à deux pâtés de maisons de chez moi. N'ayant d'autres solutions, je sorti mon cellulaire et appellai Thomas. Il décrocha à la deuxième sonnerie.

- Emmanuelle ? Demanda-t-il.

- Tu peux venir me chercher ?


OUR SWEETEST MOMENTSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant