"- Mes chers frères, nous sommes en situations de crise. Hier, une petite fille ; innocente, douce, inoffensive, s'est fait tuer. La raison ? Cette malheureuse s'est trompée de trottoir, par faute d'inattention. Cette pauvre enfant, elle qui était une fille, une sœur, une nièce, nous a été arrachée. Des barbares, blancs, sans pitié, l'ont roué de coups jusqu'à lui ôter la vie. "Pourquoi tant de haine, de rage ?", me diriez-vous. Et bien pour la simple et unique raison qu'elle était noire. L'heure est grave. Nous ne pouvons rester assis ici, les bras croisés, à observer la mort des nôtres. Le sang appelle le sang. Vengeons nos morts ! Vengeons toutes ces personnes qui ont été tuées à cause de leur carnation. Pour nos frères, pour notre future liberté ! »Des dizaines de personnes applaudirent après le discours poignant de Dustin Jefferson. Cet homme, âgé d'une cinquante d'années, était le chef des Free Men, la principale communauté noire de Barbersville. Cet être qui imposait le respect, observait fièrement l'assemblée qui l'acclamait. Elles l'idolâtraient presque, et Dustin adorait cette sensation de puissance. Mais ce qu'il ignorait, c'est que toutes ces personnes en face de lui avaient peur. Ces pères de famille cherchaient simplement un moyen de protéger leurs progénitures, leur famille, des cruautés que ce monde offrait. Alors ils suivaient les conseils, les directives de Monsieur Jefferson. Pourtant, une femme ne le faisait pas. Elle était actuellement en train de rire jaune après les déclarations du quinquagénaire. Un balai en main, les yeux rivés vers les détritus qu'elle poussait, Maddison secouait la tête de gauche à droite. Un silence se fit peu à peu dans la pièce et tous les regards se posaient sur elle. Les yeux de Dustin s'assombrirent en la fixant. Qui osait se moquer de lui ? Sous son nez de plus.
« - Mais que vous arrive-t-il ? Commença ce dernier. Et puis qui êtes-vous ? Je ne vous avais jamais vu auparavant. »
La jeune femme ne lui répondit pas. Elle se baissa, ramassa les saletés et les jeta à la poubelle. Maddison se redressa ensuite, prenant soin de regarder chaque personne. Elle finit par dévisager Dustin, homme qu'elle n'appréciait guère. Son corps se mit alors en marche, sous les yeux ahuris de l'assemblée. Aucune femme n'avait osé interrompre ces réunions de la sorte. Mais ce que personne ne savait, c'était que Maddison était déterminée et surtout, arrivait toujours à ses fins. Cette dernière pouvait entendre la voix de son père raisonner dans sa tête. Elle devait parler, persévérer, comme on lui avait appris. La jeune femme se mit au milieu de tous ces hommes. Elle n'était intimidée, ne ressentait pas même une once de peur. Seulement de la colère pour les choses infames qu'elle venait d'entendre. C'est décidé, Maddison allait parler.
« - Vous entendez vous ? Vous entendez vous parler de vengeance et de sang ? Qui êtes-vous pour décider de qui mérite de vivre ou non ? La haine engendre la haine. Si vous pensez de cette façon, les choses vont se détériorer. Ne soyons pas comme eux, comme ces barbares. Ayons des sentiments, ressentons la haine et la tristesse. Utilisons notre tête, trouvons des issues, de meilleures solutions. Soyons tous simplement humains. Je sais que personne n'est parfait, mais essayons d'être meilleur que ces personnes. Arrêtons tout cela. C'est certainement difficile à imaginer mais, nous avons le contrôle. Donnons un monde meilleur à nos enfants, donnons-leur la paix. »
Essoufflée par sa tirade, Maddison prit quelques secondes de pause. Elle réfléchit à chacun de ses futurs propos, choisit méticuleusement chacun de ses mots. Maddison était sur le point de changer les choses, elle le savait. La jeune femme savait également que si elle ratait son coup, aucunes autres opportunités ne se présenteront. Saisir sa chance, voici les mots d'ordre du jour. La saisir avant qu'elle ne s'échappe et ne disparaisse à tout jamais.
« - Rejoignez-moi. Venez et changeons les choses ensembles. Un jour, un homme m'a dit qu'être libre, ce n'est pas seulement se débarrasser de ses chaînes. Non, c'est vivre d'une façon qui respecte et renforce la liberté des autres. Personne ne devrait être supérieur ou inférieur à une autre. Nous sommes tous égaux. Tous frère et sœur. Si vous me rejoignez, je vous écouterais. Nous serons soudés, fort ensemble pour notre liberté. Maintenant, la balle est dans votre camp. C'est à vous de voir si vous voulez être soumis ou bien leader ensemble. »
Maddison appuya ses mots en tournant la tête vers Dustin Jefferson. Ce dernier la darda d'un regard noir, empli de haine et de mépris. Elle le défiait ouvertement et rien ne pouvait plus le mettre hors de lui. Maddison, quant à elle, se sentait plus légère. Elle venait de se débarrasser d'un poids énorme. Si elle échouait, elle soulagerait sa conscience en se disant qu'elle avait au moins essayé.
C'est donc après avoir regardé une énième fois la foule autour d'elle que Maddison sortit de la pièce, le cur et la tête débordant d'espoir. Les personnes la regardaient partir et une fois fait, un long et pesant silence s'installa. Personne n'osait parler ni bouger, à peine respirer. Tous étaient perdus. Leur esprit disait de rester, évitant ainsi de s'attirer les foudres de Dustin Jefferson. Mais leur cur leur murmurait de partir, de suivre cette femme à défaut de le regretter. « Que faire ? ». Voici ce qui résonnait dans leur tête. Et aucune solution ne voulait venir, là de suite. Ils restèrent donc tous debout, guettant les faits et gestes de chacun, surveillant si une quelconque lueur apparaissait dans leurs yeux.
La dictature ou bien la liberté ? Telle était la question.
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Free Men
Short StoryAlors que la petite ville de Barbersville vivait depuis plusieurs années dans la peur et la haine, Maddison, une jeune femme noire déterminée et bornée, va tenter de changer les mentalités des habitants de la commune. Lorsqu'elle y parvient, plusie...