Chapitre VI

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     « - Mes chers frères et sœurs, nous sommes aujourd'hui réunis car nous sommes en situation de crise. Les dernières semaines ont été marquées par de nombreuses disparitions notamment celles de personnes qui nous sont chères et importantes. Elena, Jason, James et tant d'autre encore. Je vous vois venir et je peux vous assurer que ces crimes n'ont pas été réalisés par les hommes blancs mais par l'un des nôtres. »

     Des cris de stupeurs se firent entendre. Maddison quitta son estrade pour déambuler dans les rangés de personnes. Le bruit de ses pas lents et souples résonnait dans la petite salle, ne faisant qu'accentuer le suspens, malgré les bruits contestataires de certains.

     « - La confiance. Une chose tellement compliquée à détenir et à donner, mais également si facile à perdre. Nombreuses sont les personnes qui ne veulent plus placer leur confiance en quelqu'un, et je le conçois parfaitement. Croire un individus les yeux fermés, pour mieux se faire anéantir. C'est absurde, n'est-ce pas ? La douleur est telle qu'une personne peut se refermer sur elle-même, tournant ainsi le dos au monde et aux personnes qu'elle aime. Cette blessure peut changer une personne, la rendant plus violente, plus vulnérable. »

     « - Excusez-moi ? Votre monologue est bien beau mais, sous votre respect, nous fait tourner en rond. Où voulez-vous en venir ? » Coupa un jeune homme.

     Maddison l'observa un instant, le jaugeant. Elle soupira légèrement avant de tourner sa tête en direction d'une porte devant laquelle se tenait un homme. Elle lui fit un simple mouvement de tête, lui demandant ainsi d'ouvrir la porte. L'Homme opina du chef avant d'exécuter la tâche. Les mains humides et la gorge sèche, la jeune femme se demandait si cela était finalement une bonne idée. Elle ne pouvait plus revenir en arrière, et elle le savait malgré ses réticences. Ce fut pour cela qu'elle garda son masque, restant stoïque et impassible lorsqu'elle vit cet individu entrer dans la salle.

     Ce dernier était retenu par deux mastodontes. Des bruits de surprise résonnèrent lorsque les personnes reconnurent la personne bâillonnée, sous ses traits fatigués et meurtris. On pouvait comprendre de nombreux « Dustin » derrière les chuchotements incessant des personnes présente dans la salle. Alors que l'homme s'asseyait aux premières loges, toujours escorté, la jeune afro-américaine prit l'enveloppe qu'une personne lui tendait.

     « - Je vais aller droit au but », commença la jeune militante. « Cet homme, présent devant vous, est la raison pour laquelle je vous ai réunis. Comme je vous le disais plutôt, nous pleurons la disparition de nos amis. Et aujourd'hui, je peux vous assurer qu'ils sont bien morts. Tués par ce personnage ! »

     Les cris refirent leur apparition, plongeant la salle dans un chahuts désagréable. Certains condamnaient l'ancien chef des Free Men, sans même connaître les faits. D'autres le défendaient, dénonçant l'absence de preuves. A l'entente de la requête, Maddison brandit les photographies qui étaient dans l'enveloppe, tenu dans ses mains. Tout le monde se tut, prenant conscience de ce qui se passait. Cet homme, en qui ils avaient placé toute leur confiance durant des années, avait-il été capable de réaliser ces crimes ? Son silence en disait long. Le fait qu'il ne daigne à se défendre irritait fortement l'assemblée. La tension était à son comble. Des regards s'échangèrent, des messes basses incompréhensible se firent entendre. Le calme et la paix ne tenaient qu'à un fil. Tout ne tarderait pas à exploser. Et cela se produit très vite.

     Des projectiles traversèrent la petite salle, ayant tous le même objectif : Dustin. Ce dernier tentait tant bien que mal de les esquiver, en vain. Il était attaché sur sa chaise, le visage ensanglanté. La communauté rugissait, criant vengeance. Chaque personne présente dans cette salle ressentait l'amertume de la trahison. Comment cet homme, qui prétendait être leur frère, pouvait-il commettre de telles actes ? Lui qui auparavant inspirait le respect et la confiance, inspirait désormais la haine et la vengeance. Le peuple voulait plus que de le voir assis sur une pauvre chaise. Il voulait le voir souffrir comme il avait fait souffrir les leurs. Marquer sa peau de ses crimes. Avoir son sang de lâche sur leurs mains. La vengeance à l'état pur. Maddison ressentait cette envie, ce besoin qui s'emparait de ses frères et surs. Ce mal les rongeait telle la lèpre ou autres maladies infectieuses. Elle devait agir et vite.

     À l'instant où la jeune femme vit deux hommes, aux regards furieux et déterminés, s'approcher dangereusement de Dustin, cela fit tilt dans son esprit. Elle s'interposa rapidement entre eux avant que les choses ne dégénèrent. Soudain, tout le monde s'immobilisa, n'osant faire aucun mouvement ni même respirer. Maddison avait ce regard qu'elle arborait durant les réunions. Elle avait ces mots qui lui brûlaient. Elle avait voulu les hurler, leur faisant comprendre que cela ne devait se passer ainsi. Mais Maddison garda son éternel sang-froid, faisant signe aux personnes les plus proches de reculer. Lorsqu'ils eurent exécuté la tâche, la militante prit une profonde inspiration, pensant ses mots. Elle regardait les personnes autours, dont les visages étaient défigurés par la rage, le deuil et la fatigue, avant de se lancer :

     « - Regardez-vous ! Regardez comment la situation vous a rendus. Des monstres : voici ce qui me vient à l'esprit lorsque je vous observe. Moi qui vous croyais plus robuste que cela, vous êtes devenus les pantins de la vengeance et de la haine. Ô oui, vous pouvez avoir honte ! Ce ne sont pas les valeurs que nous véhiculons. Je sais que l'être humain n'est pas parfait. Nous le constatons même aujourd'hui, par les actes de monsieur Jefferson, mais également les vôtres. Souvenez-vous de mes paroles concernant la confiance : « cette blessure peut changer une personne, la rendant plus violente, plus vulnérable. ». Tout prend sens, il suffit de vous observer. »

     À ses mots, des regards se croisèrent, d'autres se baissèrent de honte. La vengeance faisant peu à peu place au regret. Une unique larme coulait le long de la joue de Maddison. La jeune femme devait également se mettre à nue afin d'être au même niveau que ses frères et surs. En laissant couler cette larme, elle laissait tomber son fidèle masque d'impassibilité. Dustin quant à lui, observait ce spectacle sans dire un mot, ignorant ses meurtrissures physiques mais également mentales. Il enviait cette femme qui avait su être si humaine sans éprouver aucune gêne ni honte.

     « - Nous souffrons tous de la perte de nos amis. Moi la première. Ai-je perdu mon calme ? Non. Et pourquoi cela ? Car la haine engendre la haine. Ne la laissons pas nous diviser. Combattons l'ensemble afin de d'acquérir cette chose si précieuse et si belle que nous convoitons tant : la paix. Si vous voulez être considérés dans ce monde, aller plus loin dans notre lutte, il faudrait commencer par être soudé. Je ne vous demande pas de mettre votre rancur de côté, loin de là. Je vous demande d'en faire votre force. Lorsque vous aurez compris cela, vous saurez où me trouver. »

     Ce sont sur ces derniers mots que Maddison quitta la salle, laissant l'assemblée en pleine réflexion. La jeune femme avait l'impression d'étouffé dans cette pièce. Les joues en feux, des idées contraires se bataillant dans sa tête, Maddison avait besoin de s'aéré l'esprit. L'air pur et frais, qui s'emparait de ses poumons, lui fit un bien fou. Ses jambes tremblaient et elle n'avait qu'une envie : s'assoir. La militante regarda autour d'elle et vit un banc où un homme lisait un livre. Elle décida de s'installer silencieusement près de ce dernier, observant le ciel alors teinté de rose et d'orange. Maddison adorait admirer le ciel et les étoiles. Elle ne trouvait rien de plus pur et de plus reposant que ces milliards d'astres qui les entouraient. Elle se sentait en sécurité, elle était une tout autre personne.

     « - Merci », commença-t-elle, à l'adresse de l'homme près d'elle. « Merci pour les photos. »

    L'homme à ses côtés ferma lentement son livre à l'entente de ses mots. Il releva alors sa tête, dévoilant ainsi son visage précédemment caché par son chapeau. Cette personne, si insignifiante il y a quelques secondes de cela, n'était autre que Marcus, l'ancien bras droit de Dustin.

     « - Je suis navré mais, je ne vois absolument pas de quoi vous parlez. » Dit-il simplement.

    « - Allons. Nous savions tous deux de quelle façon vous avez eu mon numéro de téléphone. Seul une personne, hormis mes parents, la possède : mon employeur. De plus, si une personne devait connaître les plans de Dustin, c'est bien vous. Mais j'aimerais savoir une chose. Pourquoi ? Pourquoi l'avoir dénoncé ? »

    Marcus se leva du banc avant de dépoussiérer son long manteau. Il plongea son petit livre dans sa poche et se tourna vers Maddison, ne croisant jamais son regard. Ce n'est qu'après avoir haussé les épaules et afficher un fin sourire qu'il ajouta :

     « - Une simple envie de changer. »

Et il s'en alla, laissant ses cinq pauvres mots, hanter l'esprit de la jeune afro-américaine.

~ FIN ~

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