CHAPITRE 1 : La Disparue de Vendeaume

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C'est un insoutenable sentiment de peur qui m’envahissait alors. Je courais, plus vite que ce dont mon corps était capable, plus vite que ce que mes jambes pouvait tenir, muée par l’adrénaline qui résonnait dans mes veines. Le monstre qui me poursuivait hurlait de fureur. J’entendais ses ailes battre au même rythme que mon cœur affolé. Je sentais presque dans mon dos la chaleur de ses flammes. Les nordiques racontent que leurs pouvoirs, qu’ils soient brûlants ou au contraire frigorifiques, proviennent d’un Thu’Um ancestrale, une langue antique qui n’est comprise et utilisée que par des maîtres de La Voix. Je sais que La Voix est une sorte de magie si vieille qu’elle en est presque impossible à utiliser, et pis encore lorsqu’il s’agit de l’apprendre. Sauf pour les Dovah, ou les Dovahkiin. J’ignore d’où me vient ce savoir. Il m’est venu d’un coup, alors que je fuyait inlassablement la menace au corps fait d’écailles brillantes, presque de métal. Et cette peur, cette frayeur qui ne me quittait pas…

Je hurle. À plein poumon. À m’en déchirer les cordes vocales. J’entends quelques mots dans une langue lente et gutturale. Même si je ne les comprends pas, j’ai appris à reconnaître ces quelques jurons orsmers bien grossiers. J’ouvre les yeux. Un orc à la carrure puissante, Brahed, me réprimande avec rage.

“MAIS JAMAIS TU FERMES TA GUEULE GAMINE ?!”

Je ne réponds pas, émergeant à peine de cet horrible cauchemar. Je rassemble mes pensées. Je suis allongée à même le sol, sur la peau inconfortable qui me sert de lit, attachée par la cheville à la poutre de bois précaire du fond de la caverne. C'est censé m’empêcher de fuir, mais la longue laisse de cuir abîmée tient à peine. Et je suis habituée à cette antre sinistre qui nous sert de camp. Cela fait bien des années que je suis là. Neuf ans, si ma mémoire est bonne. Je ne m’imagine pas ailleurs. Ma vie n’y est pas bien tranquille et confortable, mais je mange à ma faim, et les bandits du camp ont beau jouer aux méchants, je sais que certains ont du cœur. Même cette tête de mule de Brahed.
Je me sens soudain saisie par deux mains puissantes.

“PETITE !

-Dé… Désolé Brahed… J’ai… Je crois que j’ai fait un cauche… baffouillais-je, vite coupée par le rustre

-ÇA FAIT TROIS FOIS EN QUATRE JOURS QUE TU NOUS INTERROMPS POUR UN CAUCHEMAR SALE GOSSE !

-Du calme Brahed, ordonne doucement notre chef Haron, un khajit à la voix mielleuse, ça va ma puce ? Lâche la Orsmer, tu ne vois pas comme tu l’effraie ?”

Je pousse un long soupir de soulagement et me rassois doucement sur ma couchette. Haron me lance un regard doux et compatissant. Il sait me rassurer, me calmer. Pourtant, même si il a l’air d’une grande peluche, il mérite sa place de chef des bandits. Il sait se battre, mentir et diriger. Il est à la fois le plus respecté et le plus craint ici. Plus craint encore que les gardes ou les chasseurs de têtes qui viennent parfois nous inquiéter. Ceux-là les perdent, leurs têtes.
Je laisse mon regard dériver vers l’âtre brûlant au centre du camp. Ma couche est recluse par rapport au reste de la caverne. En effet je vis et dors dans une anfractuosité profonde, entourée donc de la pierre du fond de la pièce circulaire où dort tout le monde. Ils n’ont pas jugé bon de me mettre des barreaux. Après tout je connais ma place. Je suis l’esclave de ces bandits, non plus leur prisonnière. Dire que je n’avais que sept ans lorsqu’une simple promenade nocturne a tiré un trait sur ma belle et insouciante vie d’enfant… Ils m’ont prise en pensant naïvement que ma famille, riche, paierait pour moi. Seulement je n’ai jamais été voulue contrairement à mon frère aîné. Haron m’avait fait lire cette lettre que j’avais conservée avec moi.

“Haron dent-d’Elsweyr.
Je ne sais pas où vous vous cachez, vous et vos hommes. J’ignore où vous avez enlevé Mélodie. Si vous êtes à Estemarche, alors je vous traquerais pour les nombreux crimes que vous avez commis contre ma châtellerie,mais ne vous attendez pas à ce que je paie la grasse rançon quémandée par vos soins. Voyez-vous, cette fille a moins de valeur qu’elle n’y paraît. En la prenant, vous avez lavé ma demeure et mon honneur. L’illégitimité de son nom aurait jaillit tôt ou tard. Alors vous pouvez l’éliminer du bout de votre épée. Je saurais vivre avec.
Bien à vous
Ulfric Sombrage, Jarl de Vendeaume”

J’étais la fille illégitime d’Ulfric Sombrage. Et même si son adultère était restée secrète, il avait préféré me rayer de sa famille, ce que lui avaient offert mes malfaiteurs. Je n'étais plus la bâtarde mais la disparue de Vendeaume. Ils sont plus tendre qu’ils n’y paraissent. Haron voulait dans ses mains de l’argent, pas le sang d’une petite fille. Il m’a gardé et est devenu comme mon père. On m’a surnommé Sang de Serpent, parce que mon père de sang s’était montré odieux.
À présent je suis Mélodie Sang-de-Serpent, mais ici, c'est plus “la Petite Vipère” pour ma nature têtue et ma langue acérée.
Soudain, j’entends sonner l’alerte en haut. Le camp est attaqué. Tout le monde sors de la caverne, me laissant seule avec le trésor et mes pensées.

Skyrim - La fille du Sang de SerpentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant