Nous roulâmes une dizaine de minutes pendant lesquelles je m'accrochai à Owen pour ne pas être éjectée. Je n'étais jamais montée sur une moto. Sur un cheval, oui, mais pas sur une moto.
Nous arrivâmes bientôt à un petit bungalow situé près d'un lac. Owen nous gara à côté de la petite habitation et arrêta le véhicule. Terminus, tout le monde descend!
Je descendis de la bécane et suivis Owen. Nous grimpâmes quelques marches et nous retrouvâmes sur le balcon. L'homme me fit entrer dans le bungalow et je me mis à détailler la petite pièce. Un sofa - qui pouvait probablement devenir un lit - se trouvait devant moi, accoté sur un mur un peu plus long que ce dernier. Un téléviseur était en face du canapé. Une petite table à manger ronde entourée de quatre chaises remplissaient un espace à ma gauche et juste derrière se trouvait la minuscule cuisine. La salle de bain et la chambre devaient sûrement être les deux portes dans le fond.- Bienvenue chez moi, me dit Owen en rentrant à son tour. C'est pas très grand mais on devrait pouvoir y tenir à deux.
- Oh non, c'est parfait, rétorquai-je. Au fait, merci de m'héberger pour cette nuit.
- C'est rien. Je pouvais pas te laisser dormir dehors.Le soigneur alluma la lumière et se dirigea vers le sofa. Il retira les deux coussins pour laisser apparaître un lit pliable. J'avais vu juste. Comme s'il s'agissait d'une simple plume, Owen le tira hors du canapé et le déplia. Lorsque ce fut fait, il alla dans ce qui devait être sa chambre et en ressortit avec des couvertures et un oreiller.
- Tu peux prendre la chambre, je vais dormir ici, me dit l'homme en plaçant les couvertures.
- J'ai pas besoin d'abuser de ton hospitalité! répliquai-je. Je peux très bien dormir sur ce lit.
- Non, j'insiste, prends la chambre!
- Et moi, je décline poliment ton offre en affirmant que je peux dormir ici.Owen se redressa en soupirant. Nous nous fixâmes droit dans les yeux pendant plusieurs secondes. Je pus ainsi remarquer que ses yeux verts étaient mouchetés de marrons. Voilà pourquoi ils me paraissaient si profonds.
- T'es vraiment une tête de mule, tu le sais ça? me lança l'homme.
- On me le dit souvent, en effet, répondis-je avec un sourire.Owen abdiqua finalement et me laissa dormir sur le canapé-lit. Il me demanda si je voulais prendre une douche avant de me coucher, ce que je ne refusais pas. Après neuf mois sans me laver, une bonne douche ne me ferait pas de mal.
Après l'avoir prise, je réalisai alors que je n'avais rien à me mettre pour dormir. Je ne voulais pas me rhabiller avec les vêtements d'aujourd'hui, surtout que j'allais devoir les remettre le lendemain.- Euh... Owen? tentai-je, embarrassée.
- Ouais?
- Je... euh... est-ce je pourrais t'emprunter... un de tes chandails, s'il te plaît?
- Euh... OK.J'attendis quelques instants derrière la porte. Lorsque Owen cogna, j'entrouvris la porte et sa main me tendit un T-shirt.
- Tiens, me dit-il.
- Merci, répondis-je en refermant la porte.Je la verrouillai, puis vérifiai la grandeur du chandail. Il était assez long pour me servir de robe de nuit. J'enfilai mes sous-vêtements, puis le T-shirt. Effectivement, il m'arrivait sous les fesses, et j'en fus soulagée.
Arriva le moment fatidique. Je devais sortir de la salle de bain. J'ouvris lentement la porte, cherchant du regard l'homme de la maison. Ou plutôt du bungalow, dans ce cas.
Rien dans les parages. Je jetai un coup d'oeil du côté de la chambre. Personne.
Je fermai la lumière de la pièce et m'avançai prudemment dans l'habitation. C'est alors que je trouvai Owen. Il était dehors, assis sur le balcon à regarder le lac. Je ne pus résister à l'envie de le rejoindre.
J'ouvris la porte du bungalow, qui grinça, signalant ainsi ma présence à Owen. Il tourna légèrement la tête pour m'apercevoir m'approcher et m'asseoir près de lui.
Aucun de nous ne parla pendant un bout de temps. On n'avait pas besoin de parler, juste d'admirer. Le lac était calme, pas de vague. On entendait juste le clapotis de l'eau qui s'écrasait contre la berge de temps en temps. La lune était pleine ce soir et le ciel, rempli d'étoile, rendait le décor encore plus sublime.- C'est magnifique, soufflai-je.
- T'as pas tord, sourit Owen.Une légère brise vint balayer mon visage avec douceur. Je fermai les yeux pour apprécier davantage l'instant présent. Finalement, mon apparition sur cette île n'était pas si dramatique que je le pensais au départ. J'étais toujours en vie, j'avais un nouveau travail super cool et j'avais fait la rencontre d'Owen. Ouais... Je commençais à me dire que j'avais eu de la chance au final.
- Aller, dit le soigneur en se levant. Va te coucher! Dure journée de travail demain.
- Oui papa! répondis-je avec une voix de fillette.
- Ha ha, très drôle, rit sarcastiquement l'homme.Il me tendit sa main que j'attrapai pour me lever à mon tour. Je me dirigeai ensuite vers la porte et l'ouvris pour entrer, mais m'arrêtai juste avant.
- Oh fait, commençai-je en me retournant, merci pour le T-shirt.
- C'est rien! rétorqua Owen. De toute façon, y te va mieux qu'à moi.Il me sourit en terminant sa phrase. Je sentis mes joues chauffer et je me rendis compte que je rougissais. Owen dut le remarquer puisque son sourire s'élargit encore plus. Je détournai la tête et lui souhaitai une bonne nuit.
- Bonne nuit, me répondit-il.
J'entrai dans le bungalow, toujours sous le regard de l'homme, éteignis la lumière principale et me couchai dans le lit de fortune. Bien que le confort ne soit pas trop présent, je m'endormis presque aussitôt.
*
Il faisait froid, très froid. Mon corps était gelé. Ma respiration était lente, tout comme les battements de mon coeur. Je ne sentais plus rien.
Soudain, quelque chose se planta brusquement dans mon bras. C'était douloureux, très douloureux. J'avais l'impression de brûler de l'intérieur, même si j'étais gelée.
Je m'entendis pousser un cri, mais je ne m'en rendis pas compte. On m'avait planté la même chose - sûrement une aiguille - dans la cuisse.
Aussi délicatement que les deux premières, plusieurs autres se plantèrent dans différentes parties de mon corps. Ma deuxième cuisse ainsi que mon autre bras reçurent les piqûres, tout comme le muscle près de mon coeur. Mes tibias, le bas de mon dos, mes doigts de mains et de pieds et ma mâchoire furent les hôtes d'aiguilles également. Je crois même qu'il y en avait dans mes yeux, mais je n'en fus pas certaine. Je ne différenciai pas le degré de douleur.
Lorsque plus rien ne se planta dans mon corps, quelque chose se déversa en moi sauvagement, me détruisant de l'intérieur. Je rugis de douleur et voulus me débattre mais j'étais fermement retenue par des sangles en cuir qui me broyaient les poignets et les chevilles. Je hurlai de nouveau, mais ça ne changea en rien la douleur qui me consumait petit à petit.
Ne voulant plus en supporter davantage, mon esprit lâcha et je sombrai dans les ténèbres.*
Je me réveillai en sursaut et en nage. Ma respiration était saccadée et mon coeur battait à tout rompre. Je me demandais presque s'il allait sortir de ma poitrine.
C'est en me passant une main sur le visage que je remarquai une présence à côté de moi. C'était Owen et il me regardait avec un air inquiet.- Olivia est-ce que ça va? me demanda-t-il doucement.
Je tournai ma tête vers lui lentement et il fut presque choqué de voir des larmes glisser sans scrupule sur mes joues.
- Tu pleures? Olivia, pourquoi est-ce que tu pleures?
- Tu... tu veux pas le savoir, répondis-je entre deux sanglots. Seigneur dieu...Je ramenai mes genoux contre ma poitrine et appuyai mon menton contre ceux-ci. Je commençai à me balancer d'avant en arrière pour me calmer.
Owen semblait déstabilisé par mon réveil violent et apeuré. Je le voyais à sa manière de me fixer sans savoir quoi faire. Il finit par s'approcher doucement de moi et m'étreignit de ses bras musclés. J'appuyai ma tête contre son épaule et laissai les larmes couler.- Chut, ça va aller, me murmurait Owen. Je suis là. Tout ira bien.
En ce moment, j'avais l'impression d'être redevenue la fillette craintive que j'étais, plus jeune. Quand je faisais un cauchemar et que je me réveillais en larmes, mon père me prenait toujours dans ses bras et restait avec moi jusqu'à ce que je me rendorme.
Et exactement comme dans ce temps-là, la fatigue due aux émotions fortes que j'avais ressenties finit par m'achever et je me rendormis paisiblement.