Dire qu'Owen était fâché après mon récit serait un euphémisme. Il était carrément furieux. Il tournait en rond comme un lion en cage dans son bungalow pendant que j'étais assise sur le canapé.
- Non mais tu te rends compte à quel point ce que tu as fait était dangereux? me reprocha-t-il. Sortir seule la nuit sur une île remplie de dinosaures pour aller voir des raptors! Je peux savoir ce qui t'as pris de faire ça?
Je voulus répondre mais le soigneur me coupa.
- C'est complètement inconscient! Tu as pensé aux risques que tu courais? Te faire attaquer, poursuivre, tuer... Tu y as pensé à tout ça? Et qu'est-ce que j'aurais fait si tu avais disparu pendant la nuit, hein? Qu'est-ce que j'aurais pu faire pour te retrouver sans indice? Qu'est-ce que je serais devenu sans toi?
J'écarquillai les yeux en entendant cette phrase. Je levai la tête pour croiser le regard, pas colérique mais plutôt inquiet, d'Owen. Il s'était assis sur une chaise de la table à manger après ses reproches enflammés.
Le soigneur tenait tant que ça à moi? Au point de ne pas vouloir me perdre? J'avais de la difficulté à assimiler les informations. Était-ce de la simple amitié ou était-ce... quelque chose de plus fort? Est-ce que je ressentais la même chose?
- Owen, écoute... commençai-je doucement. Je suis désolée si je t'ai causée du soucis, mais je crois que j'ai un problème, et pas qu'un petit.
L'homme ancra son regard dans le mien. Je sus qu'il était prêt à m'écouter.
- Quel problème? demanda-t-il.
- Un problème qui requiert un bon d'il y a un an en arrière, répondis-je. Il y a un an, je travaillais toujours au zoo. Un éléphant s'était échappé et on m'avait demandé de le calmer. J'avais réussi, mais la police a débarqué et c'est là que ç'a dérapé. J'ai été blessée dans cette histoire.
- Blessée où? s'inquiéta Owen.
- J'y viens. Je crois que j'ai reçu un choc cérébral violent. Je ne sais pas ce qui c'est passé pendant les neuf mois qui ont suivi mon accident. Tout ce dont je me souviens, c'est de m'être réveillée, perdue, sur cette île.
- Attends une seconde! m'arrêta le soigneur. Tu m'as dit que tu étais venue pour l'emploi, mais qu'on t'avait volé ton sac pendant le voyage! Tu m'as menti?
Je me mordis la lèvre inférieure, prise au piège.
- Je ne t'ai pas menti, j'ai seulement légèrement déformé la réalité, me défendis-je.
- Je crois que c'est la même chose Olivia, me fit remarquer Owen avec une pointe de sarcasme.
- Écoute, je te connaissais pas à ce moment-là. Et la plus grosse partie de ce que je t'ai dit était la vérité. Je n'avais rien à part ces vêtements sur moi quand j'ai trouvé le parc, alors quand Claire m'a proposé l'emploi, c'était une chance incroyable. J'ai accepté parce que je n'avais pas le choix. Mais après que j'aie obtenu assez pour pouvoir rentrer chez moi, j'ai décidé de rester. Parce que j'aime ce travail, j'aime les raptors et je me sens bien ici... et avec toi, ajoutai-je dans un murmure.
Le visage d'Owen changea d'expression pour du... soulagement. Je sus alors qu'il m'avait entendue.
- Qu'est-ce qui s'est passée ensuite? demanda le soigneur, ne perdant pas le but de la discussion.
- Les cauchemars.
- Les cauchemars?
- Oui. Depuis que je suis ici, j'en fais chaque nuit. Ils sont violents et effrayants. Je me réveille après chacun d'entre eux, et parfois j'arrive à me rendormir, mais parfois non. Si je n'arrive pas à me rendormir, je ne sais pas pourquoi, mais je ressens comme le besoin d'aller voir les raptors. Comme si elles pouvaient guérir tous mes maux.
Owen fut stupéfait de savoir que je ressentais le besoin de voir les raptors quand je paniquais.
- C'est comme ça qu'ont commencé mes escapades nocturnes.
Aucun de nous ne parla pendant plusieurs minutes. Cinq passèrent, puis dix et enfin quinze. Owen semblait réfléchir à ce que je venais de lui raconter.
- Comment est-ce que tu as réussi à imiter à la perfection le cri des raptors? me demanda soudain le soigneur, me faisant presque sursauter.
- Eh bien, plus je passais de temps avec elles, plus j'entendais leur cri et je crois que mon cerveau a fini par l'enregistrer.
- Olive, je ne veux pas t'effrayer, mais...
- Tu me fais déjà flipper rien qu'en disant ces mots, le coupai-je en commençant à m'inquiéter.
Owen me regarda, hésita, puis finit par soupirer.
- Owen, qu'est-ce qu'il y a? m'inquiétai-je.
- Le cri des raptors est spécial, parce qu'il permet aux membres de l'espèce de communiquer entre eux, m'expliqua l'expert. Ils possèdent une caisse de résonance dans leur corps qui leur permet de pousser ce cri. Les humains n'en n'ont pas. Alors le fait que tu puisses communiquer avec eux par leur moyen est... préoccupant.
- Tu ne penses tout de même pas...
- Tes cauchemars, ils comportent quoi habituellement? me coupa Owen en s'accroupissant à côté de moi.
- De la torture, principalement, répondis-je, la voix tremblante. Et c'est moi qui est torturée.
Rien que d'en parler ça me mettait dans tous mes états.
- À part une fois, me rappelai-je soudain. Il y avait deux hommes à côté de moi. Ils parlaient entre eux. D'une expérience et des ses symptômes.
Brusquement, j'eus peur de comprendre. Ce ne pouvait pas être possible, et pourtant... Tout coïncidait trop pour que ce soient des coïncidences.
- Ce qui c'est passé pendant ces neuf mois... murmurai-je sans pouvoir finir.
- C'est ce que tu vois dans tes rêves, termina Owen dans un souffle. Ce sont les souvenirs que tu as de cette période.
- Alors, l'expérience...
C'était moi qui la subissait. Non. J'étais l'expérience.
Si je communiquais si bien avec les raptors, c'était parce que j'en étais probablement à moitié une. Toutes ces piqûres... C'était sûrement l'ADN de raptor qu'on m'implantait.
L'horreur se lisait aisément dans mes yeux écarquillés. Tout ce que j'arrivai à murmurer fut :
- Pourquoi moi?
