Je terminai ma journée normalement après cet épisode. Enfin, si travailler dans un parc dont les attractions sont des dinosaures soit qualifier de normal.
J'avais reçu mon véhicule d'employée et j'avais choisi une moto. Pas que je voulais copier Owen, non, c'était plutôt pour ses caractéristiques et ses avantages. La moto était plus légère, aérodynamique et donc, plus rapide que les autres véhicules qui étaient proposés.
Puisque Owen avait insisté pour que je rentre plus tôt à cause de ma blessure - même si je lui assurais que j'allais parfaitement bien -, j'en avais profité pour nettoyer de fond en comble ma nouvelle maison et appelé la poste pour me faire livrer mes affaires. Elles devraient arriver d'ici quelques jours.
Lorsque j'eus terminé de tout dépoussiérer, je cherchai le câble d'alimentation électrique. C'était bien d'avoir une maison, mais ce serait encore mieux si les appareils ménagés fonctionnaient.
Je fouillai autour de la roulotte et trouvai un petit caisson. Ce devait sûrement être ça.
J'ouvris la petite porte et retrouvai bel et bien le câble que je recherchais. Je saisis son embout et le déroulai à mesure que je marchai vers le poteau électrique qui alimentait le bungalow d'Owen. Je tirai la porte du boîtier électrique et regardai où je pourrais brancher mon câble. Je trouvai un espace libre et y ancrai le fil. Je laissai la petite porte appuyer sur le câble et retournai à ma roulotte.
J'essayai d'ouvrir la lumière et celle-ci s'exécuta. J'allai ensuite voir si le réfrigérateur s'était mis en marche. L'espace se refroidissait peu à peu. Je tournai la poignée et le robinet se mit à couler. Je le fermai juste après.
Heureuse que tout fonctionne, je me permis une petite sieste en attendant l'arrivée d'Owen.
Je m'étendis sur le matelas dépouillé de couverture et, lentement, sombrai dans les bras de Morphée.
*
J'étais à la limite de l'inconscience lorsque j'entendis des gonds grincer. Une porte venait de s'ouvrir. Des pas s'approchèrent de moi. Si je comptais bien, il y avait deux personnes. Elles se mirent à parler.
Je savais que c'était moi le sujet de conversation alors je tentai de prêter une oreille plus attentive.
- ... Vous ne craignez rien, dit une voix masculine. Elle est sous anesthésie.
- Alors, comment avance l'expérience? demanda une deuxième voix d'homme que je connaissais, sans pouvoir identifier à qui elle appartenait. Quels sont les symptômes? Comment réagit le cobaye?
Je tiquai au mot << cobaye >>. Il était évident qu'ils parlaient de moi. J'étais un cobaye? Pour quelle expérience? Et pourquoi moi?
Je voulus me redresser pour apercevoir les deux hommes, mais je dus les effrayer puisque je reçus une puissante décharge électrique dans la côte. Je rugis de douleur et laissai mon esprit s'éclipser vers l'inconscience.
*
Je me redressai brusquement, la respiration emballée. Pourquoi ces cauchemars semblaient aussi réels? Je me levai et faillis m'effondrer par terre tant mes jambes flageolaient. Je m'appuyai sur le comptoir et me rendis avec peine au lavabo. J'ouvris la champlure et me rinçai le visage avec de l'eau froide.
Le liquide me revigora et je pris de grandes inspirations pour me calmer. Il fallait que je sorte. Je ne pouvais pas rester enfermer après ce que j'avais vu.
Je me ruai sur la porte de la roulotte et sortis en trombe. L'air frais de la nuit me fit le plus grand bien. Je pus respirer librement. Mon coeur en sembla ravi puisqu'il ralentit petit à petit ses battements.
J'aperçus soudain du coin de l'oeil ma moto. L'idée d'aller à l'enclos germa rapidement dans mon esprit. De toute façon, j'avais besoin d'en changer quelques-unes.
Je retournai à l'intérieur, attrapai mes clés et courus jusqu'à ma bécane. Je ne l'enfourchai pas tout de suite. Pour ne pas réveiller Owen, je la fis rouler jusqu'à la route, puis démarrai et partis en direction de l'enclos. Je possédais une mémoire photographique efficace qui me garantissait un excellent sens de l'orientation.
Lorsque j'arrivai à destination, je cachai mon véhicule derrière un buisson et me glissai discrètement jusque dans l'habitacle de fer. J'entrai et fermai la porte derrière moi, sans toutefois la verrouiller. Je m'assis ensuite par terre et regardai les raptors.
Elles étaient vraiment magnifiques. De pures merveilles. Puissantes, courageuses, déterminées, intelligentes... Il y avait tant d'adjectifs pour les qualifier.
Si l'être humain n'avait pas été crée, selon moi, ce serait le vélociraptor qui dominerait cette planète. Son intelligence dépassait celle des primates. En plus, l'évolution de leur espèce a décidé de leur fournir un moyen de communiquer entre eux. Une caisse de résonance. Fantastique invention de Mère Nature, qui est très utile pendant les parties de chasse.
Me laissant aller à ma contemplation, je ne remarquai pas tout de suite qu'un raptor manquait à l'appel. Charlie, Echo et Delta se trouvaient devant moins mais Blue avait disparu. Légèrement inquiète, je me levai et m'approchai lentement de la grille.
Soudain, Blue surgit du côté droit et bondit sur les barreaux de métal en essayant de me happer dans sa gueule. Je reculai immédiatement et, contre toute attente - y compris la mienne -, je retroussai les bras, courbai les doigts comme s'il s'agissait de griffes, me penchai vers l'avant et sifflai en direction du raptor. Celle-ci parut surprise de ma réaction et cessa de griffer le vide. Elle me regarda avec curiosité en penchant la tête sur le côté. Je la trouvais trop mignonne à cet instant.
D'un coup, je relâchai ma position de défense pour me tenir normalement. Qu'est-ce qui venait de se passer?
Blue me fixait toujours d'un air curieux et je profitai de ce moment pour m'approcher doucement tout en lui parlant. Je tendis ma main vers son museau. Elle ne tremblait pas. Le raptor la renifla deux fois avant d'éternuer et de partir rejoindre les autres.
Je souris. Pourquoi? Tout simplement parce que je venais de commencer une relation avec un dinosaure.
